L’opposant vénézuélien Juan Guaido, « président par intérim » rentré la veille à Caracas, s’est dit mardi prêt à soutenir un éventuel appel syndical à la grève et prévenu que la pression « ne fait que commencer » sur le pouvoir, qui a répliqué en convoquant une manifestation le même jour que l’opposition, samedi 9 mars.
Resté silencieux depuis le retour triomphal de son rival, accueilli par des milliers de partisans et les ambassadeurs d’une douzaine de pays, le président Nicolas Maduro est apparu en fin d’après-midi pour présider une cérémonie militaire en hommage à Hugo Chavez, décédé il y a six ans le 5 mars 2013.
Devant le mausolée de l’ancien président socialiste, dans une caserne de Caracas, M. Maduro a appelé à manifester le 9 mars, « quatre ans après » l’annonce de premières sanctions par le président américain Barack Obama. La date choisie par le gouvernement coïncide opportunément avec celle choisi par Juan Guaido pour un rassemblement.
Mardi, le représentant spécial des Etats-Unis pour la crise au Venezuela, Eliott Abrams, a par ailleurs annoncé que Washington imposerait prochainement de nouvelles restrictions de visas américains à des soutiens de Nicolas Maduro. Et il n’a pas exclu qu’après les sanctions économiques imposées à son régime, le Trésor américain puisse adopter des « sanctions secondaires », visant des entreprises étrangères voire des pays qui continueraient d’échanger avec les entités vénézuéliennes sur la liste noire américaine.
« C’est clairement une possibilité qui dépend du comportement du régime » de Nicolas Maduro, a-t-il prévenu. Guaido, « président par intérim » de 35 ans reconnu par une cinquantaine de pays, a entamé des consultations en rencontrant les syndicats de fonctionnaires dans la perspective d’un gouvernement de transition.
« Ils pensaient que la pression avait atteint son maximum, mais elle ne fait que commencer », a-t-il assuré à propos du gouvernement, précisant à l’issue de la réunion qu’il « appuierait » les arrêts de travail auxquels appelleraient éventuellement les syndicats du pétrole, de l’éducation, des municipalités et des gouvernorats, de la santé, des médias publics et des services de base. Mais il n’a pas lui-même appelé à la grève.
Dans le cadre des pressions qu’il entend exercer sur le pouvoir en place, M. Guaido cherche à assurer son contrôle sur l’administration d’Etat, qu’il considère « victime du chantage et des persécutions » du régime.Selon lui, les représentants syndicaux ont proposé de s’orienter vers des « arrêts de travail perlés dans l’administration publique », mais il n’a pas détaillé.
Sous Hugo Chavez, le Venezuela comptait près de 4,5 millions de fonctionnaires mais ce nombre a dû être réduit en raison de la grave crise économique qui frappe le pays, avec une contraction du PIB de 50% depuis 2014 et une inflation à huit chiffres.
Le salaire minimum mensuel, 18.000 bolivars, permet à peine d’acheter deux poulets. « La fonction publique est épuisée, elle est pratiquement paralysée », a remarqué la présidente du syndicat Unete, Ana Yanez. « Dans les mairies on travaille trois jours par semaine, et à peine la moitié de la journée ».
« Les employés du secteur public ont pratiquement perdu tous leurs droits, nous n’avons d’autre choix que d’appeler à une grève civique », a-t-elle ajouté en réclamant une « loi de protection dans le cadre de ces arrêts de travail par secteur, parce que nous savons que le régime renverra ceux qui y participeront ».
Des milliers de personnes ont attendu M. Guaido lundi à Caracas et l’ont également fêté dans les principales villes du pays, alors que le chef de file de l’opposition regagnait son pays « malgré les menaces », dont celle d’une possible arrestation. M. Maduro avait prévenu la semaine dernière que M. Guaido aurait à s’expliquer devant la justice pour avoir bravé une interdiction de sortie du territoire en se rendant en Colombie. Mais l’opposant a pu tenir sans incident sa réunion au siège du Collège des ingénieurs vénézuéliens.
« Ils sont empêtrés dans leurs contradictions. Ils ne savent pas comment répondre au peuple du Venezuela », a estimé mardi M. Guaido, interrogé par la presse sur l’absence de réaction du pouvoir lors de son retour. Par précaution, une douzaine d’ambassadeurs de pays occidentaux et latino-américains s’étaient déplacés lundi pour l’attendre à l’aéroport « comme témoins de la démocratie et de la liberté afin que le président Guaido puisse rentrer », avait précisé le représentant de la France à Caracas, Romain Nadal.
M. Guaido s’était rendu en Colombie pour tenter d’ouvrir le passage de l’aide humanitaire massée aux frontières, finalement restée bloquée par l’intervention des forces armées le 23 février. Puis il a effectué une tournée dans quatre pays du continent, où il a été partout reçu en chef d’Etat.
Invoquant la Constitution, il s’est proclamé « président par intérim » le 23 janvier en tant que président de l’Assemblée nationale, considérant M. Maduro comme un « usurpateur » en raison des soupçons de fraude qui pèsent sur sa réélection. Son retour lance un défi à M. Maduro, que les Etats-Unis, notamment, ont mis en garde à plusieurs reprises contre toute tentative de s’en prendre à sa personne.
D.C avec AFP
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