Grenoble : « Le trafic de stupéfiants et d’armes génère tellement d’argent que tout est devenu intenable », estime William Maury

Par Julian Herrero
24 février 2025 17:45 Mis à jour: 24 février 2025 19:03

ENTRETIEN – William Maury est délégué national Nuit/Alliance Police nationale. Dans un entretien accordé à Epoch Times, il revient sur le narcotrafic à Grenoble et la proposition de loi visant à « sortir la France du piège du narcotrafic » adoptée par le Sénat début février.

Epoch Times : Plusieurs fusillades ont été recensées au cours du mois de janvier à Grenoble. Une fusillade a également eu lieu le mercredi 5 février. Une semaine plus tard, un homme attaquait un bar à la grenade. La situation continue de se détériorer au sein de la capitale des Alpes…

William Maury   Le niveau d’intensité de la guerre des territoires dans le bassin grenoblois est tel que la situation ne s’améliorera pas.

Le trafic de stupéfiants et d’armes génère tellement d’argent et de convoitises que tout est devenu intenable. Ensuite, il y a de la déstabilisation : certains individus qui sont rentrés en prison il y a une dizaine d’années et qui sont sortis ces 24 derniers mois ont été assassinés. Je pense au caïd grenoblois de la cité Paul Mistral sous bracelet électronique, Mehdi Boulenouane, assassiné en banlieue parisienne en mai dernier.

D’ailleurs, d’autres narcotrafiquants sont sortis, des grosses familles grenobloises, et ils ont voulu reprendre le terrain sur diverses communes de l’agglomération.

Tout ceci déstabilise et génère des frictions, surtout quand une tête de réseau est abattue.

Quels types de réseaux criminels sont à l’origine de ces actes ? D’où viennent-ils ?

Le trafic de stupéfiants vient essentiellement de Grenoble et des villes aux alentours à l’instar d’Échirolles, Saint-Martin-d’Hères, Fontaine et Saint-Martin-le-Vinoux.

Se trouvant au milieu de l’axe Lyon-Marseille, Grenoble est devenue une plaque tournante du trafic de drogues. J’ai été policier dans cette ville entre 2003 et 2019, je n’y ai jamais vu une période d’accalmie.

Des propos d’Éric Piolle, rapportés par Libération dans un article consacré aux maires écologistes et la sécurité, ont suscité une polémique. Accusé de laxisme, il a répondu au quotidien : « À vrai dire, je m’en fous un peu. Quand il ne reste que des critiques sur la sécurité et la propreté, ça veut dire qu’on a gagné quelques batailles par ailleurs. On peut toujours se dire qu’une ville n’est pas assez propre ou n’est pas assez sûre ». Comment réagissez-vous ?

Quand j’ai pris connaissance de ces propos, je me suis dit que la seule bataille que Monsieur Piolle a pu gagner à Grenoble, c’est sa propre bataille idéologique.

Il est dans le « ni ni » et estime qu’il faut laisser faire tout le monde. Il a même expliqué au mois de janvier qu’il fallait trouver un modus vivendi (une façon de vivre, ndlr) avec les dealers !

C’est gravissime quand un maire d’une ville de la taille de Grenoble, en proie aux règlements de compte et au trafic de stupéfiants, tient de tels propos.

Je note également qu’Éric Piolle s’oppose à la vidéoprotection et à l’armement de la police municipale. C’est scandaleux.

Début février, le Sénat a adopté la proposition de loi visant à « sortir la France du piège du narcotrafic ». Elle prévoit, entre autres, la création d’un parquet national anticriminalité organisée (Pnaco) et d’un « état-major criminalité organisée ». Le texte permet aussi « aux services de renseignement, à titre expérimental jusqu’à fin 2028, d’utiliser la technique algorithmique pour détecter des connexions pouvant révéler des menaces liées à la délinquance et à la criminalité organisées et d’aggraver la peine des narcotrafiquants qui poursuivent leur trafic en prison ». Va-t-il assez loin ?

Un texte ne va jamais assez loin puisqu’un policier travaille avec un code pénal et un code de procédure pénale. À l’inverse, les criminels ou les narcotrafiquants travaillent avec leurs propres règles. Ainsi, contrairement à eux, nous travaillons de manière très encadrée.

D’ailleurs, les moyens de la police ne vont pas être augmentés. C’est la raison pour laquelle, Alliance Police nationale demande une loi rectificative au niveau du budget pour avoir des moyens supplémentaires.

C’est bien d’annoncer de grandes politiques, mais sans budget important, c’est irréalisable. C’est le nerf de la guerre.

Je rappelle que certaines gendarmeries ne sont même plus en mesure de payer leur loyer et payer les restaurants administratifs des policiers devient de plus en plus difficile. Nos dirigeants devraient se poser les bonnes questions.

Que manque-t-il d’autre aujourd’hui à l’État français pour lutter efficacement contre le trafic de drogues ?

Il faut impérativement de la volonté politique. On a le sentiment qu’à chaque changement de gouvernement, on crée un pôle spécifique sans jamais mener une grande politique sécuritaire.

Entre 2010 et 2015, l’État a mis l’accent sur la lutte contre les cambriolages après la recrudescence de ces derniers. Ensuite, il s’agissait de lutter contre les violences intrafamiliales et maintenant, les stupéfiants.

Lutter contre ces fléaux est légitime, mais il est temps de le faire de manière beaucoup plus globale et non séparément. Sans oublier de mettre un terme au laxisme judiciaire.

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