Aux Philippines, le « pain du pauvre » rétrécit avec l’inflation

Par Epoch Times avec AFP
24 juillet 2022 16:00 Mis à jour: 24 juillet 2022 16:06

Légèrement sucré et moelleux, trempé dans du café ou fourré au fromage, le « pandesal » est la base du petit-déjeuner aux Philippines. Mais alors que les prix du blé bondissent et que la faiblesse du peso rend l’huile importée hors de prix, de nombreux boulangers en sont réduits à le faire rétrécir.

A la boulangerie Matimyas, dans la banlieue de Manille, le pandesal, surnommé « le pain du pauvre » en raison de son prix modique, pesait autrefois 35 grammes. Il fait désormais 25 grammes, seul moyen que Jam Mauleon, la copropriétaire de l’établissement, a d’abord trouvé pour ne pas augmenter son prix de 2,5 pesos (4 centimes d’euro) l’unité et risquer de voir ses clients partir chez son concurrent situé cinq pâtés de maison plus loin.

« On a dû réduire la taille pour survivre », raconte Mme Mauleon à l’AFP, pendant qu’enfants, travailleurs et retraités font la queue à l’aube pour acheter les petits pains tout juste sortis du four en briques.

Un boulanger prépare de la pâte pour le petit-déjeuner populaire « pandesal » dans une boulangerie de Manille le 20 juillet 2022. Photo de JAM STA ROSA/AFP via Getty Images.

Alors que les Philippines ont levé les restrictions sanitaires liées à la pandémie de Covid-19 et que les enfants sont retournés à l’école cette année, Mme Mauleon espérait que la situation économique s’améliorerait.

La boulangerie survit au jour le jour

Mais depuis décembre, le prix de la farine a augmenté de plus de 30%, celui du sucre de 25% et celui du sel de 40%, dit-elle. La boulangerie survit au jour le jour. Elle n’a pas assez de trésorerie pour acheter les ingrédients en gros, ce qui la rend très vulnérable aux variations des prix sur les marchés.

Et au final, après avoir congédié des employés et tenté de réduire d’autres coûts, Mme Mauleon n’a pu faire autrement cette semaine que d’augmenter le prix du pandesal de 20%, à 3 pesos. Car selon elle, réduire encore la taille du petit pain affecterait sa qualité.

Mais « si les gens continuent à l’acheter, on pourra peut-être essayer », explique-t-elle. « Le pandesal est très important dans la vie des Philippins ».

Un boulanger transporte des plateaux du populaire petit-déjeuner pandesal dans une boulangerie de Manille, le 20 juillet 2022. Photo de JAM STA ROSA/AFP via Getty Images. 

Pour Laarni Guarino, une mère de cinq enfants, la hausse du prix du pandesal signifie que sa famille mangera moins au petit-déjeuner.

« Nous allons devoir recalculer notre budget. Mes enfants mangeaient cinq pains chacun, ils n’en mangeront que trois ou quatre », dit à l’AFP Mme Guarino, 35 ans. « Cinq centimes, c’est beaucoup pour de pauvres gens comme nous ».

« Nous nous battons tous, simplement pour survivre »

Des milliers de boulangers sont en difficulté à cause de la flambée des prix des matières premières, pour la plupart importées, affirme Lucito Chavez, président d’une association professionnelle du secteur. « Nous nous battons tous, non pas pour faire des profits, mais simplement pour survivre », dit-il à l’AFP. « Nous devons protéger l’industrie du pandesal ».

Un membre du personnel compare les tailles du populaire petit-déjeuner pandesal dans une boulangerie de Manille. 

L’inflation aux Philippines a atteint 6,1% en juin, son plus haut niveau en près de quatre ans. La hausse des matières premières et des carburants liée à la guerre en Ukraine a renchéri les prix de l’alimentation et du transport.

Pour le député et économiste philippin Joey Salceda, cette situation a déclenché un phénomène appelé « shrinkflation » (ajustement des quantités) qui affecte principalement le pain, dont la taille diminue alors que le prix reste le même.

« Les prix du blé ont augmenté de 165% », a-t-il expliqué aux journalistes, appelant les boulangers à fortifier leurs produits avec des vitamines et des minéraux.

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