Avancer gaiement dans l’obscurité : le rire des saints

Nous pourrions penser aux saints comme étant sombres et austères, mais nombre d'entre eux étaient bien connus pour leur bonne humeur et leur sens de l'humour

Par Jeff Minick
25 février 2025 18:09 Mis à jour: 25 février 2025 19:30

Entrez dans une église catholique ou orthodoxe, visitez certains musées d’art, ouvrez un livre de peintures occidentales ou faites une recherche en ligne sur les « peintures de saints », et vous trouverez des portraits et des scènes en peinture ou en vitrail d’hommes, de femmes et d’enfants reconnus pour leur sainteté.

Ces saints sont souvent représentés en prière ou en dévotion, la main sur le cœur, le regard tourné vers le ciel. Certains sont représentés en train d’accomplir des miracles, comme le tableau de Rubens représentant Ignace de Loyola ou celui de Tintoret intitulé Saint Marc accomplissant plusieurs miracles. Les saints martyrs peuvent être représentés lors de leur exécution, accompagnés des instruments de leur torture ; ces toiles sont parfois d’une horreur presque insoutenable.

Les livres écrits par les saints, Histoire d’une âme de Thérèse de Lisieux, Confessions d’Augustin, Introduction à la vie dévote de François de Sales, sont souvent très perspicaces. Ce sont des appels à la sainteté qui contiennent un mélange d’Écritures, de prières et d’anecdotes personnelles. Certains abordent les questions de la foi dans une prose aussi formelle qu’une grand-messe, tandis que d’autres, comme Thérèse de Lisieux, parlent avec leur cœur.

Pour l’observateur occasionnel, l’impression générale des saints représentés dans les arts est celle d’une sobriété sans faille : des personnes austères, bien intentionnées, mais un peu grincheuses.

Pourtant, un nombre surprenant de saints avaient un côté humoristique dans leur révérence, appréciant l’esprit et les plaisanteries tout comme nous le faisons aujourd’hui. Jetons un coup d’œil à certains d’entre eux.

Le saint patron des humoristes

Laurent (225 à 258 apr. J.-C.) était archidiacre de Rome lorsque l’empereur Valérien a ordonné l’arrestation du pape Sixte II. Les Romains avaient l’habitude de confisquer les biens de ceux qui devaient être exécutés, et Laurent commença donc à vendre certains biens de l’Église pour éviter ce vol, distribuant l’argent aux pauvres. Lorsque le préfet de Rome a ordonné à Laurent de lui apporter les richesses de l’Église, celui-ci a répondu : « Je serai de retour dans trois jours avec les trésors de l’Église. »

Le jour dit, Laurent se présente avec une foule de pauvres, d’infirmes, de veuves et d’orphelins. « Voici le trésor de l’Église », a-t-il dit allègrement.

Pas du tout amusé, le préfet a ordonné son arrestation et Laurent est condamné à mort pour son insolence. Condamné à mourir en rôtissant lentement sur un gril chauffé à blanc, la légende veut que Laurent ait dit à ses bourreaux : « Vous pouvez me retourner. J’en ai fini de ce côté. »

Le martyre de saint Laurent, 1647, par Bartholomeus Breenbergh. Huile sur toile. Musée Stadel, Francfort. (Domaine public)

Quelqu’un dans l’Église a fait preuve d’un sens de l’humour noir similaire, car Laurent est aujourd’hui le saint patron des cuisiniers, des humoristes et des comédiens.

Un homme pour toutes les saisons

Bien que plus d’un millénaire sépare Laurent de Thomas More (1478-1535), les deux hommes ont un point commun. Comme Laurent, Thomas More a fait face à ses bourreaux, la plaisanterie aux lèvres.

L’auteur de la satire Utopia était populaire en Angleterre et à l’étranger pour son esprit. Le philosophe et humaniste Érasme, un ami de longue date, décrit l’humour de Thomas More dans une lettre adressée à une connaissance commune :

« En compagnie, son extraordinaire gentillesse et sa douceur de caractère sont de nature à réjouir l’esprit le plus terne et à atténuer l’ennui des circonstances les plus pénibles. Depuis son enfance, il se réjouissait toujours d’une plaisanterie, à tel point que l’on pourrait croire que la plaisanterie était le but principal de sa vie ; mais malgré tout, il n’allait pas jusqu’à la bouffonnerie, et n’avait jamais eu le moindre penchant pour l’amertume. […] Lorsqu’une chose était dite de façon facétieuse, même si elle était dirigée contre lui, il en était charmé, tant il appréciait tout trait d’esprit qui avait une saveur de subtilité ou de génie. »

Sir Thomas More, 1527, par Hans Holbein le Jeune. Huile sur bois de chêne, 76 x 59 cm. Collection Frick, New York. (Domaine public)

Lorsque Thomas More refuse de reconnaître le divorce d’Henry VIII avec Catherine d’Aragon et de prêter le serment de suprématie, il est arrêté, emprisonné à la Tour de Londres et finalement décapité. Au moment de monter sur l’échafaud, il dit à son bourreau : « Je t’en prie, mon ami, prête-moi ta main pour m’aider à monter. Quant à ma descente, laisse-moi tranquille, j’y veillerai moi-même. »

S’installant sur le bloc de décapitation, Thomas More prend soin d’écarter de la lame du bourreau la longue barbe qu’il s’est laissé pousser en prison. « Dommage qu’elle doive être coupée, car elle n’a pas commis de trahison. Permettez-moi de la mettre de côté. »

Délivrez-nous des « saints au visage amer »

Thomas More aurait probablement été d’accord avec une déclaration de Thérèse d’Avila (1515-1582) : « Délivrez-nous des dévotions idiotes et des saints amers, Seigneur ! » La religieuse carmélite, réformatrice et mystique, était réputée pour son esprit acerbe et son franc-parler. Un jour, au cours d’un voyage, la charrette dans laquelle elle se trouvait s’est renversée et elle a été éclaboussée de boue et d’eau. Affirmant que Dieu lui avait alors dit : « C’est ainsi que je traite tous mes amis », Thérèse avait levé le poing vers le ciel et s’était exclamée : « Il n’est donc pas étonnant que tu aies si peu d’amis ! »

Petite fille, Thérèse aimait la musique, la danse, le chant, les fêtes et les plaisanteries. Ses parents ont fini par envoyer leur fille têtue dans un couvent, dans l’espoir qu’elle y apprenne l’autodiscipline et la retenue. Des années plus tard, Thérèse a commencé son autobiographie par ce commentaire comique et discret : « Il m’aurait suffi d’avoir des parents vertueux et craignant Dieu pour être bonne si je n’avais pas été aussi méchante. »

Vitrail de Sainte Thérèse d’Avila à l’église catholique Saint-Joseph de Central City, au Kentucky. (Nheyob/CC BY-SA 4.0)

Le début de la vie de Thérèse, faite de plaisirs et de complaisance, l’avait rendue plus aimable et plus compréhensive à l’égard des faiblesses des autres, en particulier des religieuses dont elle s’occupait et des laïcs qui recherchaient ses conseils spirituels. À un homme qui lui demandait conseil, elle avait écrit : « Vos imperfections ne me choquent pas, car je me vois avec tant d’autres. »

Le bouffon de Dieu

Philippe Neri (1515-1595), le contemporain de Thérèse, est devenu une figure bien-aimée à Rome pendant les premiers bouleversements provoqués par la Réforme. Il bavardait avec tout le monde, des nobles aux mendiants, écoutait les confessions pendant des heures par jour et répandait le rire partout où il allait. Comme Thérèse, il a également connu des extases dans la prière, ce qui lui a valu une renommée encore plus grande.

Pour ternir sa réputation croissante de sainteté et renforcer sa propre humilité, Philippe Neri jouait parfois le rôle d’un bouffon, comme lorsqu’il se rendait à une fête officielle avec la moitié de sa barbe rasée, sans donner d’explication. En tant que vieil homme, il lui arrivait de sautiller au lieu de marcher, ce qui incitait certains à se moquer de lui et à le traiter de vieux fou. Certaines de ses lectures préférées provenaient d’un livre de blagues très apprécié, et ses quartiers furent un temps surnommés « l’abri de l’humour chrétien ».

Une statue de saint Philippe Neri sur la façade de l’église Santa Maria Maddalena à Rome (Livioandronico2013/CC BY-SA 4.0)

Philippe Neri est devenu le saint patron de la joie et de l’humour. Il est intéressant de noter qu’il a également été choisi, aux États-Unis, comme saint patron des forces spéciales de l’armée. Il a reçu cet honneur en raison de son détachement à lui-même, de ses excellentes compétences pédagogiques et de son talent de leader inspirant.

Avancer gaiement dans l’obscurité

Nous n’avons fait qu’effleurer les saints qui ont fait preuve d’humour et de joie. François d’Assise, François de Sales, Jean Bosco et bien d’autres de ces hommes et femmes appréciaient le rire, les plaisanteries et le réconfort que procure la gaieté.

Les saints modernes ont également eu recours à l’humour pour détendre l’atmosphère. Le pape Jean XXIII, par exemple, était célèbre pour sa répartie. Lorsqu’un journaliste lui a demandé combien de personnes travaillaient au Vatican, il avait répondu : « Environ la moitié ». Il se moquait souvent de sa propre apparence, de ses grandes oreilles et de son nez, ainsi que de sa corpulence considérable. Après une séance avec des photographes, il avait dit à l’archevêque américain Fulton Sheen : « En toute éternité, Dieu savait que je serais pape. Il a eu quatre-vingts ans pour travailler sur moi. Pourquoi m’a-t-il rendu si laid ? »

Nous lisons et étudions la littérature, l’histoire et les biographies pour nous divertir, nous informer et nous conseiller, en recherchant en dernier lieu des informations pertinentes pour notre propre vie, l’inspiration, la consolation et tout ce qui se trouve entre les deux. Nous recherchons des exemples, réels ou fictifs, qui pourraient nous guider dans la vie et nous indiquer le bon chemin.

Quelle que soit notre appartenance religieuse, les saints nous permettent, comme l’a dit G.K. Chesterton, d’« avancer gaiement dans l’obscurité ».

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