Avec la politique zéro Covid, il n’y a «pas de remède» au déclin économique de la Chine, constatent les analystes

Par Dorothy Li
2 juin 2022 17:46 Mis à jour: 2 juin 2022 17:46

Après des mois de confinements intermittents qui perturbent l’industrie chinoise, les perspectives économiques de la Chine sont sombres et les hauts dirigeants du Parti communiste chinois (PCC) sont sur la corde raide.

Les responsables locaux ont récemment reçu l’ordre de dynamiser une économie en perte de vitesse, d’autant que cette année est capitale sur le plan politique puisque Xi briguera en automne un troisième mandat lors du XXe Congrès national. Selon les observateurs, cependant, il est difficile de satisfaire à un tel ordre compte tenu des faibles conditions économiques sous‑jacentes et de la politique intransigeante du zéro Covid, qui a reçu l’imprimatur de Xi et ne risque donc pas d’être assouplie.

Le 25 mai, le Premier ministre Li Keqiang, le numéro deux du gouvernement chinois, a fait une manœuvre sans précédent en organisant une visioconférence avec cent mille fonctionnaires des autorités provinciales, municipales et régionales, dans le but de lancer de sévères mises en garde sur l’état de l’économie.

« À certains égards, les difficultés sont, dans une certaine mesure, encore plus grandes qu’en 2020, au moment où la pandémie frappait de plein fouet », a déclaré M. Li, selon une version abrégée de son discours publiée dans les médias d’État chinois.

Cet avertissement intervient dans un contexte de frustration croissante parmi les économistes, les entreprises étrangères et le public face à la ferme résolution des dirigeants du PCC de poursuivre leur politique zéro Covid. Nombreux sont ceux à estimer que le maintien de la croissance économique est incompatible avec cette politique de tolérance zéro à l’égard du virus tant voulue par Xi Jinping.

Alors que le régime cherche à tout prix à contenir un variant Omicron qui se propage rapidement, sa politique a entraîné le confinement de dizaines de villes depuis la fin de l’année dernière, des confinements qui perturbent gravement la vie et les affaires de la deuxième économie mondiale.

Selon les analystes de la banque japonaise Nomura, au 23 mai, 26 villes chinoises appliquaient des mesures de confinement total ou partiel ou d’autres mesures anti‑Covid, ce qui représente 208 millions de personnes et 20,5% de la production économique de la Chine.

La manœuvre de Li Keqiang a également alimenté les spéculations concernant une scission ou une lutte politique interne parmi les hauts fonctionnaires du PCC. Certains observateurs ont fait remarquer que la stratégie zéro Covid n’a pas même été mentionnée lors de la conférence.

« Les messages de Xi et de Li sont contradictoires, donc maintenant les responsables locaux sont dans la confusion », explique Li Hengqing, spécialiste de la Chine pour le think tank Washington Institute for Information and Strategy.

Selon lui, les fonctionnaires « attendent maintenant de voir de quel côté souffle le vent » avant de décider s’ils doivent donner la priorité au développement économique ou aux mesures de contrôle du Covid‑19.

Le spécialiste précise que les hauts dirigeants du PCC ne donneront probablement pas d’indices sur ce comment créer « un changement en faveur du développement de l’économie » au détriment du zéro Covid et cite un commentaire paru dans les médias officiels.

Quelques heures après la vidéoconférence, Economic Daily, un journal affilié au Conseil d’État dirigé par le Premier ministre Li, a publié un long commentaire montrant l’économie chinoise sous un jour favorable. L’article appelait à évaluer l’économie chinoise de manière rationnelle et soulignait ses « fondamentaux de croissance à long terme », sans mentionner les remarques du Premier ministre.

Le texte intégral du commentaire a été largement repris par les porte‑paroles du PCC le 26 mai.

Des perspectives sombres

La croisade de Xi contre le Covid a entraîné l’arrêt brutal de dizaines de villes, la fermeture d’usines et de magasins, accablant d’autant l’économie déjà chancelante du pays.

Le pôle financier qu’est Shanghai constitue un des cas les plus extrêmes. La ville est confinée depuis le 28 mars, ce qui fait plus de deux mois désormais. Selon la Shanghai Automobile Sales Trade Association, aucune vente de voiture n’a été enregistrée de tout le mois d’avril.

Les banques d’investissement ont revu à la baisse leurs prévisions concernant la croissance économique de la Chine après la publication des données économiques officielles du mois d’avril. Même les chiffres les plus optimistes sont inférieurs à l’objectif de croissance officiel du PCC, qui est d’« environ 5,5% ».

Citigroup et S&P Global prévoient une croissance de l’économie chinoise de 4,2% et de 4,9%, respectivement. UBS a réduit ses prévisions du produit intérieur brut (PIB) à 3% cette année. La prédiction la plus pessimiste est celle des économistes de Bloomberg, qui prédisent une croissance de seulement 2% cette année. Bloomberg Economics estime que la croissance économique des États‑Unis pourrait dépasser celle de la Chine pour la première fois depuis 1976, dernière année de la tumultueuse révolution culturelle chinoise.

Cependant, si le régime n’atteint pas son objectif de croissance, les analystes estiment que le PCC gonflera les données publiées pour que l’objectif soit atteint sur le papier, d’autant que cet objectif est important pour Xi en passe de briguer un nouveau mandat cet automne.

« Il [Xi] modifiera certainement le bilan puisque c’est lui qui en est responsable [quand les données officielles seront rendues publiques] », poursuit Li Hengqing. « Les vraies données ne seront révélées que lorsque Xi ne sera plus le chef du Parti ou qu’il ne sera plus directement aux commandes. »

Route vide dans le district confiné de Pudong à Shanghai, le 30 mai 2022. (Photo par LIU JIN/AFP via Getty Images)

Pas de remède

Malgré les inquiétudes concernant leur intégrité, les chiffres officiels d’avril illustrent tout de même un fort ralentissement.

Des dizaines de millions de consommateurs ont été bloqués chez eux au mois d’avril et les ventes au détail chutaient pour le deuxième mois consécutif atteignant le niveau le plus bas depuis le début de la pandémie en 2020, selon les données officielles. Bien que certains employés aient été autorisés à travailler et à vivre dans leurs usines, la production industrielle a baissé de 2,9% au mois d’avril par rapport à l’année précédente.

Les derniers chiffres publiés par le Bureau national des statistiques de la Chine au 31 mai montrent que l’activité des usines s’est contractée à un rythme plus lent en mai, cependant elle était toujours en difficulté. L’indice PMI officiel des directeurs d’achats dans le secteur manufacturier s’est établi à 49,6 en mai, ce qui représente une augmentation par rapport aux 47,4 du mois d’avril, mais l’indice est resté inférieur à 50, or une valeur inférieure à 50 indique une contraction de l’activité.

Le 31 mai, le Conseil d’État chinois a publié les détails d’un plan en 33 points, couvrant des mesures fiscales, des politiques financières, industrielles et d’investissement pour relancer l’économie.

Les analystes, toutefois, ne sont pas optimistes et estiment que les politiques menées par Xi ont entamé la confiance des entreprises.

« Le ralentissement de l’économie chinoise ces dernières années est en grande partie le résultat du schéma de contrôle voulu par Xi, et qui équivaut à revenir à l’époque de Mao Zedong », explique Hsieh Chin‑ho, spécialiste taïwanais de l’économie, rappelant la grande époque des efforts de Mao pour mettre en place une économie socialiste planifiée.

L’année dernière, les autorités ont lancé de nombreuses mesures règlementaires visant à réprimer les géants de la technologie dans le cadre de la campagne de « prospérité commune » de Xi, suite à quoi la valeur de ces groupes a chuté de quelques milliards, ce qui a entraîné des dizaines de milliers de licenciements.

Le dernier confinement pour prévenir le Covid‑19 a encore entravé la demande sur le marché du travail chinois. Au mois d’avril, le taux de chômage en Chine a atteint son plus haut niveau depuis deux ans, précisément au moment où les autorités ont décidé de fermé les entreprises dans des métropoles telles que Shanghai. Le taux de chômage des jeunes de 16 à 24 ans en ville a atteint les 18,2%.

D’autre part, plus de 10 millions d’étudiants vont valider leur diplôme universitaire cet été. Un nombre record de nouveaux demandeurs d’emploi survient alors que les confinements répétés continuent à menacer tous les secteurs d’activité et que plane un sentiment de découragement.

« De nombreuses petites et moyennes entreprises ont fait faillite », a expliqué le 30 mai un propriétaire d’une petite entreprise à Pékin pour Epoch Times. « Nous avons perdu confiance, complètement. »

Les choix incertains des autorités ont entraîné une baisse de confiance de la part des entreprises et les habitants ont tendance à épargner au lieu de dépenser, constate Li Hengqing.

« Comment espérer un grand redressement de l’économie chinoise ? Il n’y a pas de remède pour l’économie chinoise », conclut le spécialiste.

Luo Ya et Reuters ont contribué à cet article.

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