Selon le South China Morning Post, basé à Hong Kong, le 28 mai 2020, le Premier ministre chinois Li Keqiang aurait déclaré à un journaliste que 600 millions de Chinois avaient un revenu mensuel moyen de 130 euros.
Mais selon Chen Guangcheng, le célèbre avocat et militant des droits de l’homme, dans une interview accordée à Epoch Times (édition chinoise), les paysans ne gagnent en réalité que 40 à 65 euros par an.
Chen Guangcheng est connu pour son engagement à défendre les droits de groupes vulnérables, tels que les paysans, les travailleurs nomades et les handicapés.
Selon lui, sur un revenu annuel d’environ 450 à 466 euros, les paysans, outre les taxes agricoles, sont contraints de payer, des frais aux autorités locales.
« De nombreux paysans ne sont pas en mesure de payer », dit-il, désormais en sécurité aux États-Unis.
L’escroquerie initiale
Les fonctionnaires communistes ont les moyens de duper et de menacer les paysans pour qu’ils paient, poursuit Chen Guangcheng. Les fonctionnaires locaux expliquent aux paysans qu’il faut signer un document reconnaissant que l’argent n’a pas été versé en ajoutant : « En signant ce papier, vous pourrez payer plus tard. »
« Signer le fameux papier signifie que le paysan admet qu’il doit de l’argent au gouvernement. Donc, désormais, c’est devenu un prêt et les banques ont le droit de venir réclamer un remboursement », explique-t-il.
Lorsque les banques débarquent, elles sont accompagnées d’agents publics de la justice et d’hommes de main qui, selon Chen Guangchen, sont des truands.
« Le Parti communiste chinois (PCC) fait venir des truands pour vous frapper », dit-il.
Après avoir été battu ou malmené, le fonctionnaire oblige le fermier à emprunter de l’argent à ses voisins. Dans le cas contraire, ils enfonceront la porte de sa maison pour lui confisquer sa nourriture et son bétail en compensation de l’argent « non remboursé ».
« C’est illégal et c’est contraire à la loi chinoise », déclare Chen Guangcheng.
Mais les agriculteurs n’ont nulle part où faire appel à la justice.
Apprenant que Chen Guangcheng avait aidé avec succès des personnes handicapées et des travailleurs nomades et leurs avaient permis d’être indemnisés par le gouvernement, de nombreux paysans se sont tournés vers lui.
Les difficultés rencontrées pour entamer des poursuites judiciaires
Chen Guangcheng a aidé de nombreux paysans dans des litiges administratifs connus en Chine sous le nom de « procès des gens du commun contre le gouvernement ».
Il explique que ces litiges sont les plus difficiles à gérer, car le PCC contrôle presque tout. Sous ce gouvernement, de bonnes connaissances juridiques ne suffisent pas. Pour entamer ce type de procédure, il faut surtout faire preuve d’une bonne dose de courage.
« Certains juristes et spécialistes des universités de Pékin et de Shanghai m’ont dit qu’ils feraient tout pour ne jamais y toucher », ajoute-t-il.
La première difficulté est de réussir à déposer un dossier, dit-il. Sans dépôt de dossier, il n’y a pas de dossier du tout.
Selon la loi sur les litiges administratifs du PCC, la division chargée de l’enregistrement des affaires doit délivrer un récépissé après avoir reçu la plainte et les documents pertinents. Ensuite, la division dispose d’environ cinq à dix jours pour vérifier que tout est en règle.
Après cela, elle émettra un avis écrit sur la poursuite ou non de l’action en justice.
« En théorie, vous pouvez saisir une juridiction supérieure si vous estimez que la décision est injustifiée. Mais en réalité, la division chargée du dépôt des affaires ne vous donne aucun récépissé. Cela signifie que votre plainte ne va nulle part parce que vous n’êtes pas en mesure de la déposer », explique Chen Guangcheng.
Le PCC profite des procédures pour rendre impossible l’introduction d’une action en justice.
L’avocat donne un exemple précis auquel il a été confronté.
Une femme, du service du dépôt des plaintes, nommé Mme Liu accepte les documents de Chen Guangcheng et lui dit de rentrer chez lui et d’attendre cinq jours pour une réponse de la division administrative.
« J‘accepte d’attendre cinq jours, comme l’exige la loi, mais j’ai besoin d’un reçu écrit pour les documents déposés », explique Chen Guangcheng à Mme Liu.
Mais, pour Mme Liu, il n’est pas de sa responsabilité de faire des reçus et celui-ci sera délivré par la division administrative.
Chen Guangcheng lui suggère, en digressant et prétextant d’autres motifs, de porter le dossier à ce service.
Elle se rend alors plainte et documents en main vers la division administrative située au deuxième étage.
À son retour l’avocat lui dit : « Désormais, selon la loi chinoise, vous devez me donner un récépissé parce que votre division administrative a reçu ma plainte. Que l’affaire soit classée ou non, c’est une décision qui sera prise dans plusieurs jours. Mais maintenant, vous devez me donner un récépissé. C’est le règlement, n’est-ce pas ? »
Mme Liu ne sait plus quoi répondre. Comme Chen Guangcheng a tout enregistré, elle est forcée d’admettre qu’elle a reçu la plainte, mais elle ne veut toujours pas lui donner de récépissé.
Chen Guangcheng lui dit que, dans ce cas, il aura besoin de récupérer les documents. Elle remonte à l’étage pour récupérer la plainte et les copies des preuves.
Selon Chen Guangcheng, en Chine, il est rare qu’un fonctionnaire du tribunal écoute un avocat. Cela tient probablement au fait, entre autres, que les fonctionnaires ne sont pas habitués à voir des gens faire preuve d’assez de courage et de détermination pour faire respecter la loi.
Au bout d’un moment, elle revient vers Chen Guangcheng et ses clients, mais sans les documents.
Elle dit à Chen Guangcheng que la division administrative veut lui parler.
Face à la division administrative
Le chef de la division administrative, a également pour nom de famille Liu, M. Liu Chaowei. Il descend et convoque Chen Guangcheng et ses clients dans une pièce sur le côté.
Chen Guangcheng explique à Epoch Times qu’il y a dans cette pièce, divers instruments de torture, notamment des matraques en caoutchouc, des menottes et des chaînes.
Liu Chaowei a dit à Chen Guangcheng : « Votre recours en justice [vos documents], reprenez-les d’abord ! Nous discuterons et verrons si l’affaire doit être prise en charge. »
Chen Guangcheng n’a pas peur. Il demande : « Qu’est-ce que vous voulez dire par ‘reprenez-les d’abord’. La procédure légale a commencé ? Vous allez me donner un avis d’ici cinq jours ? »
Mais M. Liu lui explique qu’il n’a reçu aucun document d’autorisation de la part de ses clients. Chen Guangcheng répond qu’il peut produire un tel papier tout de suite puisque ses clients sont là, ajoutant que, par ailleurs, cela n’a aucune incidence sur la validation du dépôt de plainte.
M. Liu avance tout un tas d’excuses mais n’arrive pas à convaincre Chen Guangcheng. À la fin, il devient furieux et crie : « Ce que tu dis ne vaut rien ! »
Chen Guangcheng répond : « N’oubliez pas que l’État a des lois et des règlements. C’est illégal si vous n’acceptez pas le dépôt d’une plainte. Vous serez tenu pour responsable. »
M. Liu quitte la pièce rempli de colère avec la plainte et les documents nécessaires. Chen Guangcheng dit à ses clients de le suivre pour voir ce qu’il compte faire. Par chance, ceux-ci ne se démontent pas et s’arment d’un certain courage pour le suivre jusqu’à son bureau.
Lorsque M. Liu s’aperçoit que les trois plaignants le suivent jusqu’à son bureau, il est profondément outré. Il leurs demande ce qu’ils font là : « Nous sommes ici pour votre reçu, votre reçu pour notre dossier. »
À ce moment-là, une personne sort du bureau voisin et demande ce qui se passe. Les plaignants lui expliquent qu’ils sont là pour entamer des poursuites contre le gouvernement local du canton. « Il a pris notre plainte, mais il ne nous donne pas le reçu », rajoutent-ils.
L’homme répond : « On devrait le leur donner. Pour quelle raison ne leur donneriez-vous pas le reçu ? »
Chen Guangcheng avoue qu’il ne sait pas pourquoi ce monsieur est intervenu. « Probablement, appartenait-il à une autre section qui voyait les choses différemment », dit-il. « Vu les circonstances, grâce à nos efforts et à notre coopération, la division administrative s’est vue contrainte de nous délivrer une preuve de la bonne réception de notre plainte. »
Il sera désormais possible d’engager le procès.
La loi chinoise n’est rien de plus qu’un bout de papier
Une fois la plainte déposée, les ennuis ne s’arrêteront pas en si bon chemin.
« En tant que plaideur, vous êtes obligé d’aller au tribunal à chaque fois qu’on vous le demande », explique Chen Guangcheng.
Le tribunal tourmente intentionnellement les plaignants, comme les personnes handicapées ou les paysans pauvres, en les appelant à se présenter très souvent. Ces déplacements fréquents représentent une charge financière supplémentaire pour eux.
Lorsque le tribunal doit tenir une audience, sur l’insistance de Chen Guangcheng et de ses clients, les responsables du gouvernement local mis en cause ne se présentent pas. Dans de telles circonstances, lorsque les accusés sont absents – conformément aux dispositions de la loi sur la procédure administrative – le tribunal devrait immédiatement statuer sans condition en faveur du plaignant.
« Cependant, le tribunal joue généralement le rôle d’agent du défendeur et initie tout un tas de contraintes pour le plaignant », déclare Chen Guangcheng.
« En réalité, il n’y a pas de loi pour le PCC. La loi rédigée n’est rien de plus qu’un bout de papier. Le PCC ne l’applique que lorsqu’elle est à son avantage », ajoute-t-il.
« Quant aux gouvernements locaux, ils sont soutenus par les fonctionnaires centraux. Avec l’aval des hauts responsables, ils ne s’embarrassent pas des lois. Leur comportement n’a pas changé depuis la Révolution culturelle. Ils font ce qu’ils veulent », dit-il.
Finalement, Chen Guangcheng admet avoir été fiché « ennemi de l’État » par le PCC après avoir passé de nombreuses années à s’opposer au régime en aidant les Chinois communs à défendre leurs droits.
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