ÉDITO – L’influence du professeur Valls et son sens des médias semblent avoir joué sur la communication de l’Élysée. Quand le site Wikileaks a publié, la semaine dernière, une nouvelle série de documents montrant que la NSA américaine a écouté nos présidents entre 2006 et 2012, François Hollande a convoqué un Conseil de Défense pour montrer un exécutif mobilisé et vigoureux… comme dans un film américain. Le site internet de l’Élysée a alors publié des photos du Premier ministre et du ministre de l’Intérieur, au téléphone, l’air grave, stylo à la main – et donc au travail. Puis deux autres images du président ; sur la première il marche d’un pas élancé, volontaire, viril dans un couloir du palais présidentiel, suivi d’un peu loin par des fonctionnaires sérieux aux épaules tombantes, entraînés dans le sillage d’un chef trop rapide pour qu’ils réussissent à se porter à son niveau. Seconde image, et second message, le président dans ce qui semble une salle de commandement, un lieu secret. Au mur, un gigantesque écran, autour de lui des personnes fort sérieuses et partout cette fameuse teinte sombre un peu bleutée des QG militaires au moment où l’ennemi attaque… dans les films américains.
Voici donc la mise en scène qui a accompagné la nouvelle des écoutes américaines, quand bien même celle-ci n’était surprenante pour personne. Elle dit que la France est une nation puissante, guidée par des dirigeants énergiques, inflexibles sur les grands principes de respect de l’ordre et de l’État. En soi, cela n’aurait pas posé de problème si n’était pas venue, comme retour à la réalité, la grève des taxis.
On a vu alors la circulation de plusieurs villes paralysée, des policiers attaqués et blessés, des véhicules incendiés. On a vu apparaître les photos et récits de clients de VTC tabassés par des chauffeurs de taxi, de traquenards, de personnes menacées au couteau, de voitures caillassées ; dans les deux aéroports parisiens, insultes, menaces de morts, coups de barre de fer contre les voitures en guise de bienvenue aux touristes venant découvrir la France ; Porte Maillot, des véhicules retournés et brûlés. Face à tout cela, la réaction de l’État s’est résumée à huit gardes à vue rapidement levées et à l’annonce de l’interdiction de la compétition aux taxis par l’application « UberPop ». Signe de « bonne volonté » du gouvernement, un chauffeur de VTC agressé par des taxis et qui, paniquant, avait utilisé un spray lacrymogène pour se défendre, a dans la foulée été condamné à 6 mois de prison ferme.
Les plus belles photos, les poses les plus graves, les messages de fermeté les mieux préparés ne répareront pas cela : à l’épreuve de la réalité, l’exécutif français n’a montré aucune des forces qu’il veut incarner. Pour éteindre le conflit avec les taxis aussi vite que possible, personne n’a voulu savoir qu’être respecté en tant que chef demande de ne pas trembler ni varier sur les principes. Qu’obtenir la confiance d’un peuple, en 2017 ou dans l’application de réformes douloureuses, demande de lui montrer dans les faits que tous sont soumis aux efforts de façon juste, qu’on ne peut obtenir de passe-droit sous prétexte d’être une corporation au comportement mafieux. Et, parce qu’on voit parfois plus clairement de l’extérieur, c’est la presse internationale qui a été la première à s’indigner de l’absence de réaction du gouvernement et à parler de la France de 2015 comme d’une nouvelle zone de « non-droit ». Il y a des semaines de compromission et de mollesse où l’on aimerait trouver plus de motifs de fierté au fait d’être Français.
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