Des groupes de défense des droits humains et des diplomates au Bangladesh ont exprimé leurs inquiétudes en raison d’informations concernant des attaques contre des minorités, notamment hindoues, au lendemain de la fuite de la Première ministre après les manifestations de masse. Des images sur les réseaux sociaux montrent une chasse à l’homme sur la population hindoue, adultes et enfants, victimes de tortures et de sévices, avant d’être assassinés.
Le groupe d’étudiants à l’origine des manifestations auraient été poussés par une mouvance islamiste et le parti nationaliste du Bangladesh, profitant du chaos pour déstabiliser le pouvoir en place.
Un « groupe d’étudiants » appelle à la désobéissance civile
La coalition Sudents Against Discrimination (Étudiants contre la discrimination), une organisation étudiante bangladaise a lancé le 3 août un appel à la désobéissance civile après les affrontements qui ont fait plus de 200 morts en juillet dans le pays. Elle avait organisé les premières manifestations contre des quotas d’emploi dans la fonction publique le mois dernier.
Dans ce pays musulman de 170 millions d’habitants comptant de nombreux diplômés au chômage, les étudiants exigaient l’abolition d’un système de discrimination positive, accusé de favoriser l’embauche de proches du pouvoir dans l’administration.
Ces affrontements comptent parmi les plus meurtriers depuis l’arrivée au pouvoir il y a 15 ans de Mme Hasina, considérée comme proche de la communauté hindoue. Pour ses détracteurs, son gouvernement est accusé par des groupes de défense des droits de l’homme d’utiliser les institutions de l’État pour consolider son emprise sur le pouvoir et éradiquer la dissidence, y compris en faisant procéder à des exécutions extrajudiciaires de militants de l’opposition.
D’autres pointent du doigt un mouvement étudiant infiltré par le parti islamiste Jamaat-e-Islami et du Parti nationaliste du Bangladesh (BNP), qui ont fourni un soutien logistique pour transformer les manifestations en une campagne anti-gouvernementale afin de déstabiliser le pouvoir en place.
Des images de chasse aux hindous par la communauté musulmane
« Les chefs de mission de l’UE à Dacca sont très inquiets du fait d’informations faisant état de multiples attaques contre des lieux de culte et des membres de minorités religieuses, ethniques et autres au Bangladesh », est-il écrit dans un communiqué de l’Union européenne au Bangladesh, publié sur X et reposté par l’ambassadeur de l’UE dans ce pays, Charles Whiteley.
« Nous appelons de toute urgence toutes les parties à faire preuve de retenue, à rejeter la violence communautaire et à défendre les droits de tous les Bangladais », poursuit cette source.
L’ambassade des États-Unis à Dacca a également appelé au « calme », dans un message publié sur X. « Nous sommes inquiétés par les informations faisant état d’attaques contre des minorités religieuses et des sites religieux au Bangladesh », a-t-elle indiqué.
« De telles attaques contre les minorités vont à l’encontre de l’esprit fondamental du mouvement étudiant anti-discrimination », a déclaré Iftekharuzzaman, directeur de Transparency International Bangladesh.
Des commerces et des maisons appartenant à des hindous – une communauté parfois considérée dans ce pays à majorité musulmane comme ayant été proche de la dirigeante déchue Sheikh Hasina – ont été attaqués, selon des témoins. Sur les réseaux sociaux, des images absolument insupportables montrent ce qui ressemble à une guerre ethnique ciblant spécifiquement les hindous, victimes de sévices et de tortures difficilement imaginables. La journée du 5 août a été la plus meurtrière depuis le début des manifestations en juillet, avec au moins 122 personnes tuées.
« Concrètement, ce qui se passe, c’est que les musulmans profitent de l’occasion pour massacrer les hindous. Et tout cela rappelle beaucoup le génocide hindou qui a eu lieu en 1971 » a déclaré la journaliste d’investigation Amy Mek, qui suit cette actualité en direct sur sa page. « À la base, ce n’était qu’un petit mouvement étudiant, mais les partis islamistes – le Jamaat-e-Islami et le BNP – s’en sont mêlés » assure-t-elle.
En 1971, le Bangladesh et le Pakistan se séparaient sur fond de guerre ethnique et de massacre des hindous par des communautés musulmanes, et certains craignent la résurgence des fantômes du passé.
Un pays traversé par des luttes politiques
Le Bangladesh est né en 1971 de sa séparation avec le Pakistan, dont il constituait la partie orientale. Fondateur de l’État après une guerre d’indépendance meurtrière, Sheikh Mujibur Rahman a été tué lors d’un coup d’État en 1975. Depuis, le pays a connu une forte instabilité politique avec une multitude de putschs et l’assassinat en 1981 d’un autre président, Ziaur Rahman.
Le paysage politique du huitième pays le plus peuplé au monde a longtemps été dominé par la rivalité entre Sheikh Hasina, fille du fondateur du pays, proche de la communauté hindoue et Khaleda Zia, veuve de Ziaur Rahman et Première ministre à deux reprises, président du Parti nationaliste du Bangladesh (BNP).
Sheikh Hasina, qui était au pouvoir depuis 2009 (après un premier mandat entre 1996 et 2001), avait contribué avec Khaleda Zia à la chute de la dictature militaire dans les années 1980, avant d’exercer un pouvoir de plus en plus autoritaire.
Sous la direction de Sheikh Hasina, le pays, naguère l’un des plus pauvres au monde, a bénéficié d’un net essor économique grâce notamment au développement de son industrie textile. Le Bangladesh a enregistré une croissance annuelle de plus de 6 % en moyenne depuis 2009 et a dépassé l’Inde en revenu par habitant en 2021, malgré la persistance de fortes inégalités. Selon les données gouvernementales, 18 millions de jeunes sont toujours sans emploi.
Fin 2023, le pays a été secoué par un conflit social d’une ampleur inédite depuis une dizaine d’années. Des dizaines de milliers de travailleurs ont affronté la police pour réclamer un salaire mensuel minimum de 23.000 takas (190 euros), contre les 8.300 takas fixés par le gouvernement cinq ans plus tôt. Au moins cinq personnes ont été tuées.
L’espoir d’un nouveau candidat et de nouvelles élections
Le 7 août, Muhammad Yunus s’est dit prêt à prendre les rênes d’un gouvernement intermédiaire, exauçant le souhait du principal mouvement étudiant à l’origine des manifestations. Il a appelé à l’organisation d’ « élections libres ».
L’économiste bangladais a obtenu en 2006 le prix Nobel de la paix pour sa contribution au développement économique de son pays. Surnommé le « banquier des pauvres », M. Yunus, aujourd’hui âgé de 84 ans, a sorti des millions de personnes de la pauvreté grâce à sa banque de microcrédit.
Mais il s’était attiré l’inimitié persistante de Mme Hasina, qui l’avait accusé de « sucer le sang » des pauvres. Poursuivi dans une centaine d’affaires judiciaires, il a été condamné en janvier à six mois de prison par un tribunal de Dacca pour avoir enfreint le droit du travail, jugement dont il a fait appel.
Avec AFP
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