La relation entre Carrefour et ses franchisés a été tancée par Bercy mi-juin, faisant dévisser un cours de Bourse qui peine à s’en remettre car, au-delà d’une hypothétique amende, c’est un pilier du modèle économique du distributeur qui est ainsi soumis à interrogations.
Plus de 16% de baisse depuis le début de l’année, dans un CAC 40 en hausse de 2% : le cours de Bourse de Carrefour a décroché en 2024, sa valorisation franchissant même le seuil des 10 milliards d’euros.
C’est surtout en juin que le titre du distributeur a dévissé, notamment après un rapport au vitriol du ministère de l’Économie sur les relations entre Carrefour et ses franchisés, « manifestement déséquilibrées ». Depuis sa révélation mi-juin, le titre Carrefour reste sous les 14 euros.
Ni la confiance affichée quant à la « parfaite validité » des contrats, ni le lancement en France de l’enseigne de vente en gros Atacadao, ni la finalisation du rachat des supermarchés Cora et Match n’ont permis de retrouver les niveaux du début d’année.
Externalisation des salariés
La franchise est un pilier du Carrefour dirigé par Alexandre Bompard. Le distributeur a « externalisé » depuis 2017, date du changement de PDG, plus de 23.000 salariés en confiant la gestion de 300 magasins à des locataires-gérants, une forme particulière de franchise, selon la CFDT. Il préserve ainsi sa part de marché commerciale tout en se libérant de nombreuses dépenses comme les salaires.
La CFDT a assigné Carrefour en justice sur ce sujet. Le distributeur répond que cette stratégie évite de fermer des magasins, dans un contexte de forte concurrence.
La franchise lui permet aussi d’ouvrir à tour de bras des magasins de proximité, très rentables pour lui. La proximité représente une partie significative de sa marge, car les commerçants indépendants paient une redevance pour utiliser l’enseigne, s’approvisionnent auprès de la centrale d’achat… Et supportent l’essentiel des coûts.
Carrefour n’est pas le seul à plébisciter la franchise. Ses concurrents Casino, Auchan et Intermarché, à des degrés divers, y recourent également. Dans le non-alimentaire, la restauration ou l’hôtellerie, la franchise est aussi dynamique. 92.000 points de vente sont exploités à travers 2000 réseaux de franchise en France, selon la fédération spécialisée (FFF)
François-Xavier Awatar, avocat de l’association des franchisés de Carrefour qui a assigné le distributeur devant le tribunal de commerce de Rennes, estime que Carrefour représente « l’anti-franchise », alors que la franchise doit « normalement (être) un partenariat gagnant-gagnant ».
« Vaches à lait »
Un ancien cadre du groupe, Jérôme Coulombel, avait aussi dressé un réquisitoire contre Carrefour, jugeant que les franchisés n’y sont que des « vaches à lait », coincés dans une relation trop déséquilibrée.
Les services du ministère de l’Économie ont préconisé à la justice de prononcer la nullité d’une dizaine de clauses inscrites dans les contrats passés avec Carrefour, et proposent une amende de 200 millions d’euros. Ces conclusions ne préjugent pas de la décision du tribunal.
Le distributeur a contesté avec véhémence les accusations. Il a notamment mis en avant le nombre de candidats reçus, « 6000 » chaque année, pour l’ouverture de 250 magasins l’an dernier. Les analystes financiers de la banque HSBC ont été convaincus, jugeant « improbable » qu’il y ait autant de candidats si les contrats étaient « défavorables ».
Carrefour co-investit
Auprès de journalistes de l’AFP, le directeur de la branche proximité pour la France, Benoît Soury, a mis en avant la spécificité du modèle de Carrefour, la franchise participative, qui permet aux candidats de gérer un magasin sans avoir le capital nécessaire puisque Carrefour co-investit avec eux.
« Certains voudraient que cette situation s’arrête pour retrouver une liberté totale, mais c’est totalement contre le principe de la franchise participative », a-t-il argumenté. Il a en outre mis en avant le « formidable ascenseur social » permis selon lui par la franchise version Carrefour.
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