ENTRETIEN – Le porte-parole de l’association Action Écologie Bertrand Alliot analyse les programmes du Nouveau Front populaire (NFP), du bloc central et du Rassemblement national (RN) en matière d’écologie. Il estime que seul le RN porte un projet de rupture avec la politique de décroissance menée depuis de nombreuses années. Dans cet entretien, il revient également sur l’annulation d’une conférence à l’université de Limoges à laquelle il devait participer.
Epoch Times : Nous sommes dans la campagne de l’entre-deux-tours des élections législatives. Comment analysez-vous les programmes du Nouveau Front populaire, du bloc macroniste et du RN en matière de protection de l’environnement ?
Bertrand Alliot : Le bloc d’extrême-gauche, allié à EELV, est celui de la décroissance de l’économie. Il cherche à respecter les objectifs de décarbonation, et pour cela, il va durcir les règles et multiplier les normes environnementales, ce qui entraînerait une augmentation du coût de la vie de manière générale et plus précisément des prix de l’énergie.
Concernant le bloc centriste, il est malheureusement influencé par l’extrême-gauche et le catastrophisme écologique. Je rappelle que les centristes ont soutenu lors de la législature européenne précédente le Pacte vert, qui est clairement un projet de décarbonation à marche forcée et, par la force des choses, un projet de décroissance. D’ailleurs, nous l’avons vu. Si vous voulez atteindre la neutralité carbone d’ici à 2050, il faut mettre en œuvre une politique de décroissance économique extrêmement importante. On sait également que les conseillers d’Emmanuel Macron sur les questions d’environnement et d’agriculture sont des personnes issues des ONG et des proches de Pascal Canfin, qui je le rappelle vient d’EELV.
Le bloc de droite est clairement celui qui se démarque des deux autres. Il évite de trop parler d’écologie parce qu’il sait que c’est un repoussoir électoral. Il a bien compris que son électorat, notamment dans la France périphérique, était très anti-écologique. Et il est vrai qu’il est le seul à remettre en cause ce projet de décroissance. Avec les partis de droite, nous pouvons donc espérer une politique écologique moins radicale.
Le problème étant qu’à l’heure actuelle, l’écologie est malheureusement résumée aux thèmes du climat et de la biodiversité alors qu’il y a plein d’autres sujets qui ne sont plus abordés par les politiques, notamment le traitement des déchets de l’eau et tous les thèmes historiques de la protection de l’environnement parce qu’ils ont été dépassés par l’objectif anti-CO2 qui ne mènera jamais nulle part.
Je pense que les semaines, voire les mois et les années à venir vont être caractérisés par une instabilité, notamment sur les questions environnementales. Nous aurons probablement des situations de moratoires forcés ou subis sur toutes les politiques écologiques qui sont menées à l’échelle de l’Union européenne. Il y aura une telle pression sociale, comme celle que nous avons connue avec les gilets jaunes en 2018 ou plus récemment avec le mouvement de protestation des agriculteurs, que le gouvernement ne pourra que très difficilement durcir les règles en matière de décarbonation et de restauration de la nature.
Le RN incarne, selon vous, un programme de rupture par rapport aux deux autres blocs ?
Je pense que le parti de Jordan Bardella sera plus critique à l’égard du Pacte vert européen qui est en quelque sorte le symbole de la décroissance. Mais il faut voir si le RN va s’emparer ou non des thèmes historiques de la protection de l’environnement qui ne sont traités par aucun camp.
Il y a aussi le problème de la politique de décarbonation et ce qu’entend faire le RN en la matière. Quel que soit le bloc au pouvoir, les résultats en termes de décarbonation seront médiocres. Même si le bloc de droite opte pour une politique volontariste sur la question du CO2, elle va échouer, comme celles déjà mises en œuvre, dans la mesure où on ne peut pas réellement avoir d’impact sur la baisse du dioxyde de carbone.
On nous dit que nos émissions de CO2 ont diminué, mais ces baisses sont surtout à attribuer à la situation économique délétère, et non aux politiques de décarbonation menées à l’échelle nationale ou européenne. En plus, à l’échelle mondiale, il n’y a aucune modification du rejet de CO2. Au contraire, ça continue d’augmenter, et seules les politiques de réduction des émissions de gaz à effet de serre mises en œuvre à l’échelle mondiale sont pertinentes.
Nos dirigeants devraient donc mettre plus de moyens dans des politiques qui ont un réel impact.
Dans une tribune publiée le 25 juin dans le Journal du Dimanche, vous estimiez que « la réorientation écologique doit conduire à la transformation du ministère de l’Écologie en un ministère de l’Environnement au périmètre réduit ». Quelles seraient les missions de ce nouveau ministère ? En quoi serait-il différent de l’actuel ministère de l’Écologie ?
On reviendrait à une situation antérieure à 2007 et au périmètre du ministère de l’Environnement historique, c’est-à-dire un ministère en charge de la lutte contre les pollutions, que ce soit de l’air ou de l’eau, les risques industriels. Il devrait également mener des politiques de gestion des déchets et ce qu’on appelle des politiques de la nature, de préservation du patrimoine naturel incluant donc la protection des espèces et une politique en matière de chasse.
Le ministère reviendrait d’une certaine manière à son « cœur de métier » et perdrait ses prérogatives sur les questions de logement et de transports qui repartiraient dans d’autres ministères ou qui auraient un ministère différent. L’objectif de décarbonation qui est absolument délétère pour notre pays serait beaucoup moins prioritaire que le reste des sujets environnementaux.
Pour vous, quel bloc serait susceptible de mener cette transformation ?
Je dirais celui de droite puisqu’il n’est pas dans cette obsession décroissante du Pacte vert. Il est très critique par rapport à lui. Cela étant, je ne suis pas sûr qu’il soit dans cette perspective de transformation du ministère de l’Écologie.
Notre message est adressé à toutes les formations politiques. Je sais que le bloc central est aussi susceptible de mener cette transformation puisque le gouvernement a déjà retiré le thème de l’énergie du ministère de l’Écologie, ce qui est une très bonne chose. On pourrait donc imaginer que les centristes poursuivent dans cette voie et que l’on revienne à des politiques plus raisonnables.
Dans un communiqué publié sur le site d’Action Écologie, il est écrit qu’une conférence devant se tenir le 26 juin à l’université de Limoges sur la biodiversité, le climat et l’eau et à laquelle vous étiez convié en tant qu’intervenant a été annulée deux jours avant à cause « de pressions effectuées à l’encontre de l’établissement ». Pourriez-vous revenir sur ce qui s’est passé ? Savez-vous quelles organisations sont derrière ces pressions ?
La conférence était organisée à Limoges par les membres de l’association Cohésion rurale. Des personnes bénéficiant d’une réputation bien assise en Haute-Vienne, c’est-à-dire des agriculteurs, la chambre d’agriculture locale, les forestiers, la fédération de pêche ainsi que les propriétaires ruraux. Et l’université leur a envoyé un message en leur disant qu’en raison des « positionnements scientifiques et politiques des intervenants » la conférence ne pouvait plus se tenir dans leurs locaux, alors qu’il y avait eu un contrat.
Je devais m’exprimer avec un autre intervenant sur la biodiversité, mais apparemment, le fait que nous portons un message différent de celui des ONG environnementales n’a pas plu à tout le monde, et manifestement, il y a eu des pressions. On m’a signalé qu’elles venaient de la préfecture et qu’il y avait un lien avec le contexte de la dissolution et de la campagne des élections législatives.
On m’a aussi parlé de la Ligue de protection des oiseaux (LPO). Je ne suis pas un soutien inconditionnel de cette association au niveau national, mais je ne vois pas comment elle aurait pu exercer une quelconque pression sur un préfet. Cela me paraît étonnant. Quoi qu’il en soit, c’est assez incroyable de constater qu’un événement au cours duquel des intervenants sont amenés à s’exprimer sur des sujets aussi anodins peut être annulé.
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