Amel Majri, c’est la gosse des Minguettes, toujours avec un ballon au pied de sa tour. « On jouait en bas de chez nous, même quand il neigeait. Et on ne voulait pas monter à midi », se souvient Rachida, jumelle de la joueuse des Bleues.
1994: Amel et Rachida, nées à Monastir en Tunisie, ont un an quand elles débarquent en France avec leur mère. La légende familiale retiendra que c’est un oncle qui leur fait découvrir le foot lors de vacances au pays. A Vénissieux, banlieue populaire de Lyon, dans les moindres interstices du quotidien, les jumelles tentent de glisser un ballon. Et l’été, elles passent leur vie à la piscine… pour jouer au beach-soccer.
« Ma sœur avait le truc en plus, tout le monde voyait ». Une endurance exceptionnelle – un « 3e poumon », disait-on au collège. Et une gauchère, c’est rare. Alors quand se présente l’opportunité à 12 ans d’entrer à l’AS Minguettes, Rachida n’hésite pas, c’est Amel qui ira. « Ma mère n’avait pas les moyens de payer deux licences », explique-t-elle.
Elle y jouera deux ans, sur cette pelouse bordée de barres et de tours HLM, qu’a écumée bien avant elle Luis Fernandez. Avec au loin, la bouffée verte du massif du Pilat. « Ma mère ne connaissait pas grand-chose au foot. Elle s’asseyait sur une nappe au bord du stade pour boire du thé et quand on lui disait t’as vu maman, j’ai marqué, elle n’avait rien vu du tout. Mais elle était là », raconte Rachida.
Cette maman, Hafsia Majri, disparue il y a quatre ans, tout le monde en parle. « Très présente », débordante d’amour mais sans jamais mettre la pression à ses filles qui ont reçu « une éducation exemplaire », relèvent les proches de la joueuse rencontrés par l’AFP.
Mais l’histoire d’Amel, c’est aussi celle de tous ceux qui l’ont prise sous leur aile et se sont battus pour sa naturalisation. Ses profs, ou encore Isabelle Bernard, dirigeante à l’Olympique lyonnais où elle entre en formation à seulement 14 ans. « Sa personnalité fait que les gens ont envie de la protéger », souligne son amie Sanaa Titraoui.
Une petite « avec la banane », « extrêmement respectueuse et gentille » et qui est restée comme ça, rapporte Zohra Hachim, qui était employée au collège Jules Michelet de Vénissieux. Avec son prof d’EPS, Amel a vécu une épopée inoubliable. Cet enseignant à la drôle de gouaille avait monté une équipe de sept filles pour l’UNSS (Union nationale du sport scolaire). Grâce à Amel, elles sont allées jusqu’en finale.
« On est monté dans la Creuse pour le match. Mon équipe de gamines du quartier à Guéret, ça détonait. Elles étaient à l’arrache. Je me souviens, la FFF leur avait donné un sac à chaussures. Mais elles avaient mis toutes leurs affaires dedans, même leur brosse à dent », rigole encore Alain Bozon, enseignant aux Minguettes depuis 38 ans.
A l’école en revanche, ce n’était pas si simple. Et il faudra à Amel beaucoup d’abnégation pour réussir à décrocher son Bac… à la quatrième tentative. A 19 ans, elle signe pro à l’OL, une référence dans le foot féminin. Avec lequel elle progressera au point d’être nommée l’an dernier pour le Ballon d’or, finalement remporté par sa coéquipière, la Norvégienne Ada Hegerberg.
Sa sœur, qui vit toujours aux Minguettes, est elle devenue entraîneure au club de Genas, à 15 kilomètres de Venissieux. Rachida est toujours, avec le mari d’Amel, lui aussi coach, son œil le plus critique.
Au début du Mondial, ses proches s’inquiétaient de sa fatigue après une saison harassante à Lyon où les filles ont terminé championnes de France et d’Europe. Mais la numéro 10, défenseure chez les Bleues et milieu dans son club, a su s’imposer. Même lors du piteux match contre le Nigeria où elle fut la seule à tenir son rang.
Amel Majri reste humble. « Trop humble » même disent certains. A 26 ans, elle pourrait annoncer son départ de Lyon. Mais d’ici là, si elle gagne en finale le 7 juillet à Lyon, elle a promis de ramener la Coupe aux Minguettes, où elle est devenue un modèle et un espoir pour les jeunes filles.
D.C avec AFP
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