Bras de fer tarifaire : pourquoi les États-Unis ont l’avantage sur Pékin

Par Terri Wu
18 avril 2025 05:37 Mis à jour: 18 avril 2025 19:28

Alors que des tarifs douaniers réciproques sur les partenaires commerciaux américains devaient entrer en vigueur le 9 avril, le président américain Donald Trump concentre une grande partie de son attention sur le régime chinois.

Jusqu’à présent, environ 70 pays ont demandé à négocier avec les États-Unis, selon Scott Bessent, secrétaire américain au Trésor.

Plusieurs experts ont déclaré que si de nombreux dirigeants mondiaux finiront par satisfaire les demandes américaines après les protestations initiales, le dirigeant du Parti communiste chinois (PCC), Xi Jinping, ne le fera pas, même avec une nouvel ultimatum.

« Xi [Jinping] s’est venté au niveau national et international d’être celui qui tient tête à l’Amérique, et que les gens qui veulent tenir tête à l’Amérique devraient s’aligner derrière lui », a déclaré à Epoch Times Christopher Balding, chercheur principal au groupe de réflexion britannique Henry Jackson Society.

« Il serait catastrophique pour Xi d’être perçu comme cédant à Trump de quelque manière que ce soit. »

Les experts ont également déclaré que le PCC ne peut pas et ne veut pas donner aux Américains ce qu’ils demandent de la Chine : empêcher les exportations de précurseurs de fentanyl et l’ouverture du marché chinois.

Le bras de fer tarifaire actuel entre les États-Unis et la Chine est plus qu’un conflit commercial, selon Yeh Yao-Yuan, professeur d’études internationales à l’université de St. Thomas à Houston.

« C’est un découplage plus agressif, car l’escalade des tarifs entraînera une nouvelle baisse du commerce bilatéral », a déclaré M. Yeh à Epoch Times. « Lorsque le découplage persistera, il conduira à une guerre froide. »

L’expert de la Chine, Alexander Liao, a déclaré qu’il pensait que la situation actuelle deviendrait finalement un bras de fer entre Donald Trump et Xi Jinping. M. Trump dépend de la puissance de l’économie américaine, tandis que M. Xi s’appuie sur le soutien du système de contrôle strict du régime communiste.

Compte tenu de cela, estime M. Liao, M. Xi est désavantagé car il a peu de marge de manœuvre politique.

« Washington a de nombreuses cartes », a-t-il déclaré à Epoch Times. « Pékin en a peu. »

Des ouvriers démontent un panneau du Forum sur l’Initiative Ceinture et Route, à Pékin, le 27 avril 2019. (Greg Baker/AFP via Getty Images)

Tous les chemins mènent à la Chine

Lors de l’annonce des tarifs réciproques à Washington le 2 avril, M. Trump a brandi toute une liste de pays.

Bien que la Chine figurait en tête de liste, elle n’était pas visée par le taux le plus élevé. D’autres pays d’Asie du Sud-Est que les entreprises chinoises utilisent pour le transbordement, notamment le Vietnam et le Cambodge, ont été plus sévèrement ciblées, avec des prélèvements de près de 50 %.

Cependant, Christopher Balding estime que c’était bel et bien la Chine qui était visée par l’administration américaine.

« Je pense qu’ils voulaient être beaucoup plus agressifs avec la Chine, mais voulaient le faire discrètement », a-t-il déclaré.

Il note que M. Trump applique des tarifs différents aux autres pays qu’à la Chine. Dans le cas des tarifs américains sur d’autres nations, les taux sont fixés pour encourager les négociations. Cependant, il fait remarquer que les tarifs imposés à la Chine sont si élevés que les négociations ont été très difficiles pour Pékin.

Trois pays ont été les destinataires des précédents tarifs de 25 % sur le fentanyl : le Canada, le Mexique et la Chine.

Les deux pays nord-américains ont été exemptés des tarifs réciproques une semaine plus tard. La Maison-Blanche a déclaré que le Canada et le Mexique resteraient soumis au régime tarifaire sur le fentanyl et passeraient au régime tarifaire réciproque après avoir conclu un accord bilatéral avec les États-Unis.

En comparaison, la Chine a reçu un prélèvement réciproque en plus des tarifs sur le fentanyl. La plupart des importations chinoises sont désormais soumises à un prélèvement de plus de 60 %, le montant dont M. Trump a parlé pendant sa campagne.

Selon Christopher Balding, un tarif aussi élevé au début des négociations rend très difficile pour M. Xi de parvenir à un accord. Le dirigeant chinois, a-t-il dit, devrait faire beaucoup de concessions aux États-Unis – des compromis que Xi Jinping n’est pas disposé à accorder – pour que Washington réduise le taux de moitié. Même si cela se produisait, la moitié restante serait encore trop élevée pour être supportée par la Chine, selon lui.

« Que veut Trump ? » demande-t-il. « Il me semble qu’il dit essentiellement : ‘Détachons-nous tout autant que possible de la Chine.' »

Depuis le retour de Donald Trump à la Maison-Blanche, nombre de ses politiques étrangères ont été directement et indirectement motivées par la Chine.

Dans une interview accordée à CBS News le 6 avril, le secrétaire au Commerce, Howard Lutnick, a déclaré que le but des tarifs mondiaux était d’empêcher la Chine de transborder des marchandises vers les États-Unis, ce que de nombreuses entreprises chinoises ont fait pendant le premier mandat Trump pour contourner ses tarifs.

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Des conteneurs d’expédition alignés au port de Los Angeles le 28 mars 2025. (John Fredricks/Epoch Times)

« En gros, [M. Trump] a dit : ‘Je ne peux laisser aucune partie du monde être un endroit où la Chine ou d’autres pays peuvent transiter' », a déclaré M. Lutnick.

Le secrétaire d’État, Marco Rubio, s’est rendu au Panama dans le cadre de son premier voyage officiel à l’étranger. Peu de temps après cette visite, le Panama a déclaré qu’il ne renouvellerait pas son accord avec l’initiative chinoise « Ceinture et Route », une plateforme géopolitique permettant au PCC d’étendre son influence mondiale.

Un consortium d’entreprises américaines dirigé par BlackRock Inc. est également en train d’acquérir la société basée à Hong Kong qui gère les ports situés à chaque extrémité du canal de Panama, un passage vital pour les navires de guerre et les marchandises entre les océans Atlantique et Pacifique. L’accord final n’a pu été signé le 2 avril comme initialement prévu, car l’agence chinoise de réglementation du marché a annoncé un examen quelques jours auparavant.

La volonté de M. Trump d’acquérir le Groenland est également liée à la Chine. M. Rubio a déclaré que les États-Unis veulent acheter le Groenland en raison d’un manque de confiance dans la capacité du Danemark à résister à la pénétration du régime chinois dans cet emplacement stratégique de l’Arctique. La région est essentielle pour la future concurrence dans les ressources naturelles et le contrôle des routes maritimes mondiales.

Leçons apprises

L’administration Trump a tiré les leçons de son premier mandat et traite désormais la Chine différemment, ont déclaré des experts.

Au cours de la première administration, il a fallu deux ans à Donald Trump pour négocier et signer un accord commercial « phase un » avec la Chine. Finalement, Pékin n’a pas respecté son engagement d’acheter 200 milliards de dollars supplémentaires de produits américains sur deux ans.

M. Trump a également mentionné à plusieurs reprises que Xi Jinping avait promis de punir quiconque fabriquait du fentanyl et l’envoyait aux États-Unis. Cette promesse n’a pas non plus été tenue.

M. Liao a déclaré que la stratégie du PCC est de faire traîner les choses en longueur. Par exemple, il faudra peut-être deux ans pour parvenir à un accord et une autre année pour que Washington découvre que Pékin n’a pas tenu ses promesses.

Dans ce cycle, les États-Unis supportent le coût de ces retards.

Cette fois-ci, en imposant les tarifs d’emblée, M. Trump a immédiatement fait supporter le coût à Xi Jinping, a déclaré M. Liao.

Christopher Balding va dans le même sens.

« Si vous voulez faire traîner ça pendant des années et des années, allez-y », a-t-il déclaré, décrivant l’approche de Donald Trump. « Nous allons imposer d’énormes souffrances très tôt, de sorte que si vous voulez faire traîner ça, vous faites traîner votre souffrance. »

Le déficit commercial américain avec la Chine s’élevait à environ 300 milliards de dollars en 2024. Cela signifie que l’impact négatif d’un tarif de 34 % se fera sentir beaucoup plus fortement en Chine qu’aux États-Unis.

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Le président américain Donald Trump brandit une lettre du dirigeant chinois Xi Jinping lors de l’annonce d’un accord initial avec la Chine, lors d’une rencontre avec l’envoyé spécial et vice-premier ministre chinois Liu He au Bureau ovale le 11 octobre 2019. (Nicholas Kamm/AFP via Getty Images)

L’économie chinoise dépend d’un modèle axé sur les exportations depuis des années. En 2024, la croissance des exportations chinoises a été l’un des rares signes positifs pour Pékin. En raison des prix d’exportation bas, la croissance du volume des exportations chinoises a dépassé le volume du commerce mondial, avec 12 % contre 3 % en septembre 2024, selon le Council on Foreign Relations. La dernière publication de données confirme la même tendance.

Alors que la Chine continue de lutter pour stimuler la consommation, elle a davantage besoin d’acheteurs étrangers en raison de sa surcapacité de production. Une diminution des exportations entraînera probablement une accumulation de marchandises, et la base de consommation intérieure ne pourra pas les absorber. De telles conditions exacerberont l’effet des tarifs sur l’économie chinoise.

Bras de fer Trump-Xi

De nombreuses exportations chinoises vers les États-Unis sont des biens substituables, ce qui signifie que les consommateurs américains peuvent facilement trouver des alternatives. Par conséquent, ils sont moins susceptibles de payer l’augmentation des prix des produits chinois due aux tarifs douaniers. Au lieu de cela, ils achèteront des biens importés d’autres pays.

Les terres rares sont une exception. La Chine produit 90 % de ces métaux critiques dans le monde. Le 4 avril, Pékin a ajouté des terres rares clés aux contrôles à l’exportation dans le cadre des mesures de rétorsion aux tarifs réciproques américains.

C’est en partie pourquoi M. Trump poursuit l’acquisition de minéraux critiques en Ukraine, explique M. Liao. Finalement, lorsque les prix de ces matières premières pour les armes et l’électronique ne seront plus maintenus artificiellement bas en raison du monopole chinois, note-il, davantage d’entreprises rejoindront les activités de transformation.

Selon l’économiste américain Davy J. Wong, les États-Unis et la Chine ne sont pas dans une guerre commerciale, mais dans une bataille pour réinitialiser le protocole commercial international et même l’ordre mondial.

« Pékin considère les défis posés par Trump comme un rejet du modèle économique chinois », a déclaré M. Wong à Epoch Times. « En plus de cela, un défi sérieux à l’ensemble du système chinois. Par conséquent, Xi ne peut pas céder. Sinon, sa légitimité en Chine s’effondrera. »

Les États-Unis ont davantage de cartes en main

Quelle douleur chaque dirigeant de pays s’attend-il à endurer pendant le bras de fer tarifaire ?

Pour Xi Jinping, la résilience du système politique communiste est la clé, selon M. Liao. Le peuple chinois deviendra plus pauvre et plus mécontent. Cependant, si l’appareil communiste maintient le contrôle sur le peuple, Xi Jinping bien pourrait parvenir à tenir bon.

Pour M. Trump la situation est différente, explique M. Liao. Si l’économie peut survivre au choc initial et que les électeurs ne désespèrent pas de Donald Trump, il peut rester concentré sur sa fermeté face au PCC.

Le marché boursier américain a connu de fortes baisses la semaine dernière, principalement en raison de l’incertitude des tarifs réciproques mondiaux. Avec la plus forte baisse sur trois jours depuis l’été 2020 pendant la pandémie de Covid-19, plus de 6000 milliards de dollars de valeur se sont évaporés du marché des actions.

La tourmente boursière a exercé davantage de pression sur la Maison-Blanche et M. Trump, qui a souvent attribué la hausse du marché boursier au travail de son administration.

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Les chiffres du marché boursier sont affichés alors que des traders travaillent à la Bourse de New York le 7 avril 2025. Les trois principaux indices boursiers ont de nouveau chuté à l’ouverture du marché pour le troisième jour consécutif alors que les tarifs américains entrent en vigueur et que d’autres pays ripostent. (Michael M. Santiago/Getty Images)

Christopher Balding pense que Donald Trump tiendra bon pendant que le marché boursier s’ajuste, car le gouvernement américain donne la priorité à la sécurité nationale, ce qui est différent de l’accent mis par Wall Street sur les profits commerciaux.

M. Trump l’a lui-même dit, décrivant la vente massive du marché comme une douleur nécessaire pour l’objectif plus large d’équilibrer le commerce et de relocaliser la production américaine.

« Parfois, il faut prendre des médicaments pour réparer quelque chose », a-t-il déclaré le 6 avril.

Le président américain a également lié le déséquilibre commercial entre les États-Unis et la Chine à la sécurité nationale, affirmant que Pékin utilise son énorme excédent avec les États-Unis pour financer son armée.

« Nous ne voulons pas de ça », a déclaré M. Trump dans le Bureau ovale le 7 avril. « Je ne veux pas qu’ils prennent 500 ou 600 milliards de dollars par an et les dépensent pour leur armée. »

M. Balding et M. Yeh ont tous deux déclaré qu’ils pensent que si Trump parvient à négocier des accords avec des pays clés – tels que le Vietnam, la Corée du Sud et le Japon – pour réduire considérablement les tarifs d’ici le mois prochain, les entreprises gagneront en certitude. Cela contribuerait à stabiliser le marché boursier.

Washington a plus de cartes en main, estime M. Liao.

Outre l’augmentation des tarifs, il affirme que les États-Unis pourraient être amenées à exercer davantage de pression sur le PCC en s’unissant aux voisins de la Chine qui n’aiment pas le régime, notamment le Vietnam et l’Inde. Les États-Unis pourraient également adopter une approche axée sur les droits de l’homme et publier un rapport sur les origines de la Covid-19 ou rendre publiques des preuves de prélèvements d’organes forcés sur des prisonniers de conscience et des minorités ethniques en Chine.

Andrew Moran et Luo Ya ont contribué à ce article.

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