Budget 2025 : « La mauvaise gestion publique va accélérer un déplacement des dépôts bancaires vers la Suisse ou le Moyent-Orient », estime Tom Benoit

Par Julian Herrero
5 novembre 2024 16:30 Mis à jour: 5 novembre 2024 18:27

ENTRETIEN – Le Directeur de la rédaction de Géostratégie magazine et essayiste Tom Benoit analyse pour Epoch Times le Budget 2025.

Epoch Times : Tom Benoit, l’examen de la partie « recettes » du budget 2025 reprend ce mardi 5 novembre. Des nouvelles hausses d’impôts ont, jusqu’à présent, été votées à l’Assemblée nationale. Selon le député Liot et rapporteur général du budget Charles de Courson, le montant des recettes votées s’élèverait à 30 milliards d’euros. Que traduit, selon vous, ce chiffre ?

Tom Benoit : Il y a, en France, une paralysie du commerce intérieur qui traduit des baisses massives de recettes provenant des ventes immobilières, les frais de notaire étant essentiellement des taxes. À ma connaissance, sur l’année 2023, il y a eu environ 800 millions de pertes directes pour l’État liées au gel de l’activité sur le secteur de l’immobilier.

Toutes les études s’accordent sur le fait qu’à partir d’un certain niveau de taxation, les entités ou les personnes imposées décident de partir, parfois de manière illégale.

Beaucoup d’entreprises, notamment de services, vont délocaliser leurs activités, à la fois fiscalement, mais aussi délocaliser tout court. Ces sociétés vont se désintéresser de la France et du terrain économique qu’elle devrait représenter pour aller conquérir des marchés ailleurs. Le risque de délocalisation des dépôts bancaires actuellement logés au sein de banques européennes vers des organismes installés en Suisse, aux États-Unis, au Moyen-Orient et ailleurs va d’ailleurs poser un problème considérable dans un avenir proche. Même si pour le moment, nombre d’acteurs du secteur et d’analystes font l’impasse sur le sujet.

Je pense que le gouvernement devrait prendre en considération ces éléments… Cela concerne en premier lieu l’Europe d’ailleurs. Parce que si, effectivement, les Américains ferment déjà des banques, il leur arrive encore d’attirer des déposants européens. Alors que l’inverse n’est pas vrai. Les banques américaines ont perdu 872 milliards de dollars de dépôts en un an. Il serait intéressant de savoir si les banques à Dubaï ont perdu des dépôts, je serais surpris…

Je crains sérieusement qu’une gestion hasardeuse des finances publiques, doublée d’une communication déraisonnable de certains politiques conduisent les banques européennes vers de grandes difficultés.

Les économies ou les recettes prévues dans ce budget 2025 sont donc, selon moi, marginales.

Mais je ne suis pas surpris : je l’avais déjà annoncé il y a plusieurs mois. Ce qui m’inquiète avant toute chose, ce sont les 300 milliards d’endettement public prévus pour l’année prochaine. Ils représentent une vingtaine de milliards de plus par rapport à notre endettement public de l’année 2024.

Le ministre de la Justice Didier Migaud a obtenu 250 millions d’euros supplémentaires pour le budget de son ministère. Ce dernier avait menacé de démissionner en cas de non-revalorisation de l’enveloppe. Réduire la dépense publique va s’annoncer difficile pour le gouvernement ?

Je dirai que la dépense publique est en quelque sorte « en dehors de son corps ». On ne sait pas vraiment à quoi elle correspond.

Je note cependant que le budget de la Justice fait partie des plus faibles, loin derrière celui consacré à l’Éducation nationale. Mais les menaces de démission d’un ministre fraîchement arrivé, qui n’est pas une personnalité politique de premier plan, en faisant abstraction de la situation générale du pays, sont particulièrement regrettables, pour ne pas dire plus.

Que préconisez-vous pour réduire la dépense publique ?

Il n’y a qu’une solution pour sauver les finances de l’État : reprendre la main sur les émissions de monnaies. Et pour cela, il ne faut pas être dépendant ni de la Commission européenne, ni de la BCE.

Il faudrait également constituer une commission composée de personnalités assidues et sincères dans leurs activités et dans la vocation de la commission dont ils feraient partie pour réduire drastiquement les dépenses publiques inutiles qui se sont, par ailleurs, inscrites dans une forme de dépense publique de complaisance.

Parmi ces dépenses de complaisance, on trouve une partie très « publique » qui correspond au fonctionnement de l’État et à une forme de gabegie dont tout le monde s’aperçoit. On ne trahit absolument aucun secret en le disant aujourd’hui. Cela inclut parfois des retraites faramineuses des hauts fonctionnaires, des anciennes personnalités politiques, beaucoup d’organisation d’événements, des enveloppes de communication pour les départements et les régions qui sont investis dans des activités dont on ne comprend jamais vraiment la signification, le sens ou les objectifs.

Ensuite, vous avez une partie plus « libérale » qui s’inscrit également dans l’entre-soi.

Et celle-ci se traduit essentiellement par ce qu’on a l’habitude d’appeler aujourd’hui les « grands plans », c’est-à-dire un capitalisme de l’entre-soi qui décrète ce qui doit être un marché à un instant T. Ce qui est, par ailleurs, parfaitement opposé à la logique de marché.

Ces dernières années, on a observé cette situation principalement sur le marché de l’immobilier, avec des rénovations à des coûts énormes et anti-écologiques. Sous le masque de l’écologie, certaines entreprises agissent de la sorte avec, par exemple l’installation de pompes à chaleur, l’isolation par l’extérieur pour la plupart du temps à « un euro ». À la fin, c’est au contribuable et à l’État français de payer l’addition. Donc, si nous voulons sauver les dépenses publiques, c’est sous cet angle qu’il faudrait analyser la situation.

Déplorez-vous l’absence de réformes structurelles comme certains experts ?

Je le déplore, évidemment, mais encore une fois, je ne suis pas surpris. J’avais déjà déclaré il y a plusieurs mois que, quoi qu’il en soit, le Budget 2025, serait sensiblement identique au précédent et qu’on faisait, pour le moment, totalement abstraction d’une véritable problématique : nous sommes dépendants de l’extérieur pour notre financement.

Par conséquent, il y a chaque année, une fuite de capitaux colossale vers des créanciers dont on ne connaît pas exactement la nature, l’identité, la nationalité ou encore la proximité avec des groupes devenus plus puissants que des États à l’instar de BlackRock ou d’autres sociétés de gestion.

Pour réaliser des économies supplémentaires de 5 milliards d’euros, le gouvernement a décidé de « s’attaquer » à la fonction publique : hausse du nombre de jours de carence, baisse des indemnités des arrêts-maladies. Que pensez-vous de ces mesures ?

Pourquoi pas. Elles ne me scandalisent pas plus que ça. Ce qui m’inquiète, c’est l’intention du gouvernement et des gouvernements successifs de revenir sur des « engagements sociaux ». Et je pense qu’il s’agit là du prélude de la remise en question de la protection sociale, c’est-à-dire de la prise en charge de toutes les maladies pour les Français, qu’ils soient Français nationalisés ou véritablement « Français de souche ».

À mon sens, nous nous dirigeons vers une société à l’américaine, mais sans que les concitoyens aient la capacité de gagner suffisamment leur vie pour pouvoir se protéger et prendre en charge leurs besoins de santé élémentaires, ce qui est le cas aux États-Unis par ailleurs.

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