Budget : l’épée de Damoclès de la censure et le retour au chaos politique

Par Germain de Lupiac
27 novembre 2024 10:41 Mis à jour: 27 novembre 2024 12:07

Le RN de Marine Le Pen et la gauche de Mathilde Panot ont annoncé la couleur en début de semaine avec des menaces de censure du gouvernement après leurs entretiens avec Michel Barnier. Le Rassemblement national pourrait voter la censure dès le projet de budget sur la Sécurité sociale, sans attendre celui du budget de l’État mi-décembre, a laissé entendre le député RN Jean-Philippe Tanguy, en pointant des « lignes rouges » comme les retraites.

Michel Barnier a estimé que le « moment » était « très grave » sur le plan budgétaire et mis en garde contre des « turbulences graves sur les marchés financiers » en cas de censure de son gouvernement.

Plusieurs personnalités appartenant à la coalition du Premier ministre ont alerté sur le risque de crise financière que provoquerait une chute du gouvernement, sans adoption préalable d’un budget.

Les oppositions resserrent l’étau de la censure 

Marine Le Pen semble tenir entre ses mains le destin du gouvernement Barnier. À la sortie d’une journée d’entretiens du Premier ministre avec l’opposition, la cheffe de file du Rassemblement national a jugé notamment « inadmissible » l’augmentation des taxes sur l’électricité et le compromis sur les retraites, et réclamé des économies « claires » sur l’immigration et le fonctionnement de l’État.

La cheffe de file des députés de la France insoumise, Mathilde Panot, a affirmé de son côté avoir « acté des désaccords profonds » avec le Premier ministre, notamment sur le budget qui est à ses yeux « le plus violent socialement et écologiquement » de la Ve République. Elle a appelé « l’ensemble des députés », y compris du RN, à voter la motion de censure qu’elle a prévu de déposer avec ses alliés du Nouveau front populaire si le Premier ministre utilisait l’article 49.3 pour l’adoption sans vote du projet de budget.

Michel Barnier a également reçu le chef de file du groupe centriste Liot (Libertés, indépendants, outre-mer et territoires), Stéphane Lenormand, qui a redit son opposition à la baisse des dotations pour les collectivités locales et des crédits pour les territoires ultramarins. Liot « attendra le budget final » pour décider de la censure ou pas, a relaté son entourage.

Michel Barnier « doit corriger sa copie » car « c’est un mauvais budget », a estimé à son tour Eric Ciotti, allié du RN et président du groupe UDR (Union des droites pour la République), qui ne s’ « interdi[ra] pas » de voter la censure.

Outre les oppositions, certains alliés de Michel Barnier font monter la pression pour limiter les hausses d’impôts, parmi lesquels le chef des députés macronistes et ancien Premier ministre, Gabriel Attal, qui n’a de cesse de partager ses « doutes » sur le nouveau budget.

Le risque « d’envoyer le pays dans le mur »

Un vote de censure signifierait la chute du gouvernement Barnier mais aussi le rejet du projet de budget pour 2025. Ce scénario fait craindre à la porte-parole du gouvernement, Maud Bregeon, une crise financière voire « un scénario à la grecque ».

La gauche et le RN, en faisant tomber le gouvernement et le budget, « prendraient le risque d’envoyer le pays dans le mur » et « devront assumer la responsabilité d’un affaiblissement durable » de la France à l’échelle internationale, a jugé le 27 novembre la porte-parole du gouvernement.

« La France est à la croisée des chemins. On a le choix aujourd’hui entre relever la tête, accepter un budget de redressement […] ou s’enfoncer dans un déficit qui nous mènera vers un affaiblissement durable sur le plan économique, social, diplomatique du pays », a-t-elle déclaré sur Franceinfo.

Michel Barnier juge le moment « très grave »

Michel Barnier a prévenu le 26 novembre sur TF1 que la chute de son gouvernement pourrait provoquer des « turbulences graves » sur les marchés financiers, alors que les Français ont envie de « stabilité » a-t-il assuré. « Le moment est très grave » avec une dette « incroyable », un déficit « record » et « pas de majorité » à l’Assemblée nationale, selon lui.

Les Français « que je rencontre me disent […] on a besoin de stabilité, c’est ça qui compte », a-t-il ajouté en fustigeant « dans le microcosme parisien », des « gens qui font des manœuvres, des petites phrases ».

« Nous empruntons déjà très haut nos taux d’intérêt, les taux d’intérêt que nous sommes obligés de respecter pour financer notre dette avec des investisseurs chinois ou américains. Ils sont actuellement presque au niveau de la Grèce », a ajouté le Premier ministre, nommé le 5 septembre à Matignon par Emmanuel Macron pour sortir le pays de la crise politique consécutive à la dissolution de l’Assemblée nationale.

Les investisseurs sur les marchés montraient en début de semaine des signes de nervosité : l’écart entre les taux d’intérêt de l’emprunt de référence sur dix ans entre la France et l’Allemagne a atteint son plus haut niveau depuis 2012.

Pour ne rien arranger à la situation, le président Emmanuel Macron aurait déclaré : « Le gouvernement va tomber » en marge d’une cérémonie en début de semaine, a rapporté Le Parisien. L’Élysée a officiellement démenti ces propos, maintenus par le journal.

Le jeu politique en cours

Sous pression du gouvernement qui l’accuse de vouloir précipiter « la France dans le gouffre », voire de « bluffer » ou de faire le jeu de la gauche, Marine Le Pen s’est défendue d’un procès en irresponsabilité et dédramatise l’impact d’une motion de censure sur le budget.

« Même en cas de censure, l’impôt serait levé, les fonctionnaires payés, les pensions versées et les soins médicaux remboursés », soutient Marine Le Pen qui a balayé les avertissements sur un potentiel « chaos » politique et financier en cas de censure à exécution.  « Si ce budget ne passe pas, c’est le budget de l’année dernière qui s’appliquera. Il est plutôt somme toute moins mauvais que celui-là puisqu’il y a moins d’impôts », a-t-elle ajouté.

Au sein du gouvernement, le ministre de l’Intérieur, Bruno Retailleau, a probablement été le plus virulent à l’égard de Mme Le Pen en évoquant le risque de faire tomber un gouvernement ancré à droite pour qu’il soit remplacé par un autre de gauche.

Si 67 % des électeurs du RN se disent favorables à la censure du gouvernement, selon le dernier baromètre Ifop pour le Journal du Dimanche, il n’a pas échappé à la droite qu’un tiers d’entre eux ne la soutiennent pas et qu’ils seraient mécontents si la chute du gouvernement entraînait une période d’instabilité. Certains électeurs du RN pourraient donc voir d’un mauvais œil cette censure.

Certains, notamment à gauche, croient qu’il s’agit d’un bluff. À l’inverse, un député de droite est convaincu que Marine Le Pen est prête à « aller jusqu’au bout » après l’avoir entendue détailler les mesures qu’elle rejette catégoriquement dans le budget.

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