Trop riches aux yeux du gouvernement, les 450 « plus grandes » collectivités seront les premières contributrices à l’effort de 5 milliards d’euros demandé aux communes, départements et régions pour 2025, mais redoutent un effet boomerang sur les services publics et l’économie locale.
Parmi les mesures confirmées jeudi par le gouvernement, c’est le prélèvement de 3 milliards d’euros sur les recettes des collectivités dont les dépenses de fonctionnement dépassent 40 millions d’euros qui a été le plus mal accueilli par les élus de France urbaine, l’association des grandes villes et intercommunalités réunie à Lyon.
Ce « fonds de précaution » concernera 450 collectivités qui ne « présentent pas de fragilité sociale » et sera « restitué », a promis le ministère du Partenariat avec les territoires, excluant d’emblée vingt départements sensibles.
« J’entends beaucoup dire qu’on va toucher les grandes collectivités qui seraient soi-disant riches, mais deux tiers des Françaises et des Français en situation de pauvreté dans ce pays vivent dans nos grandes villes », a commenté auprès de l’AFP Johanna Rolland, maire PS de Nantes et présidente de France urbaine.
Des répercussions sur les petites communes
« On parle, selon les villes, de 10, 15, 25 millions de ponction, mais derrière ce sont autant d’investissements, de projets concrets pour les Françaises et les Français », a-t-elle ajouté, rappelant que la suppression progressive de l’impôt CVAE qui tombait dans les poches des collectivités représente à elle seule une perte de 8 milliards d’euros.
« Il n’y a pas de lien immédiat entre le fait d’être gros et le fait d’être riche », abonde Claude Raynal, président PS de la commission des finances du Sénat, sur lequel les élus comptent s’appuyer pour réécrire le projet de loi.
« Si vous avez les départements et les régions qui sont touchés, ils pourront forcément moins subventionner les petites communes, ce qui va entraîner un effet récessif car on est sur des niveaux de prélèvement qui sont extrêmement importants », a-t-il ajouté.
À ce fonds, s’ajoutent deux autres mécanismes – un gel de TVA (1,2 milliard d’euros) et une amputation du FCTVA, le fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée (0,8 million). Mais les collectivités comptent aussi dans le panier la coupe du fonds vert (1,5 milliard), la hausse des cotisations retraite des agents territoriaux et les effets de l’inflation, soit une facture totale qui avoisine les 9 milliards.
Une sorte de « transfert fiscal »
Les élus des grandes villes s’étonnent aussi de voir leurs propres recettes fiscales s’envoler. « Les impôts qui ont été prélevés sur les habitants sont repris par l’État pour boucher ses propres trous. Les habitants de nos communes paieront donc le trou que l’État a fait dans ses propres finances », observe François Rebsamen, maire PS de Dijon.
Même son de cloche pour Grégory Doucet, maire écologiste de Lyon, pour qui l’opération revient à « faire du transfert fiscal » au profit d’un gouvernement qui dit « ne pas vouloir augmenter les impôts ».
Les maires redoutent aussi un effet boomerang sur l’économie locale. « Quand on transforme la voirie, les entreprises sont majoritairement locales, quand on sert 26.000 repas par jour dans les cantines lyonnaises, ce sont à plus de 50% des produits locaux », prévient M. Doucet, regrettant le discours sur « les villes dispendieuses qui seraient dans le luxe ».
L’association Intercommunalités de France a publié jeudi une carte de France des montants estimés des ponctions pour les 450 collectivités visées par le « fonds de précaution ». Ces dernières varient de 0,8 million d’euros pour des villes comme Béthune (Pas-de-Calais) à 154 millions d’euros pour Paris.
Versailles, « une ville pauvre » mais « des habitants aisés
À Versailles, la ponction sera au bas mot de 2,6 millions d’euros. « Nous sommes une ville d’administration, avec historiquement peu d’activités économiques, une ville pauvre avec des habitants aisés, le pire scénario », assure le maire DVD François de Mazières, qui pense suspendre des investissements dans les équipements sportifs.
Arnaud Robinet, maire Horizons de Reims, chiffre lui l’effort à 10 millions d’euros pour la ville et la communauté urbaine.
« Quand on a eu les ‘‘contrats de Cahors’’ (limitation des dépenses de fonctionnement, ndlr), l’État ne nous enlevait rien, on était dans un processus de responsabilisation. Là, on est dans un processus d’infantilisation », déplore-t-il.
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