Un an après la polémique sur le recours de l’État aux cabinets de conseil, et alors que l’administration clame sa volonté d’internaliser ces compétences, plusieurs consultants du privé ont choisi de rejoindre le secteur public, attirés par le sens et l’impact des missions de conseil.
« Le métier reste le même », sourit Claire Goupy dans les locaux parisiens de la Direction interministérielle de la transformation publique (DITP). Ancienne du cabinet Stanwell Consulting, elle a rejoint « tout début 2021 » la DITP, un service de quelques dizaines de consultants au service de l’État. « Toutes les missions sont stratégiques, au cœur de l’actualité et répondent aux priorités du gouvernement », se réjouit-elle quelques semaines après la fin d’une mission consacrée à la réforme des lycées professionnels. « En ça, j’ai vraiment gagné par rapport au métier que je pouvais faire avant ». Même satisfaction chez Sihame Sellali, de retour à la DITP depuis 2020 après un premier passage de quatre ans. Depuis que l’État est devenu son employeur plutôt que son client, l’ex-consultante de Wavestone peut « conseiller les administrations sans avoir à traiter les sujets commerciaux ».
Quatre recrues sur cinq issues du secteur privé
Contrairement aux cabinets privés, les consultants de la DITP misent sur la formation de l’administration pour que celle-ci capitalise ensuite en interne et réduise sa dépendance aux prestataires privés. À la DITP « l’idée est de diffuser les compétences en formant les agents qu’on accompagne », relève ainsi Sihame Sellali.
Si quatre recrues de la DITP sur cinq viennent du secteur privé, la plupart ont cependant déjà eu des liens assez étroits avec le secteur public et s’y projettent de toute façon à plus long terme dans leur carrière.
Diplômée du master Affaires publiques de Sciences Po, Dalhia Chekaoui a fait plusieurs stages dans l’administration. « J’ai toujours voulu faire du conseil au secteur public », assure-t-elle. Lors de son passage dans le grand cabinet privé EY, elle intervenait « exclusivement auprès d’acteurs publics locaux, nationaux et européens », raconte-t-elle. « Passer par un cabinet privé, je l’ai plutôt conçu comme une étape pour acquérir de la méthode en termes de gestion de projets, de réalisation de diagnostics, de consultation de parties prenantes… c’est quand même une bonne école », affirme Mme Chekaoui.
Rejoindre le service public après un passage dans des cabinets privés implique malgré tout des sacrifices : en plus d’une charge de travail au moins équivalente à celle supportée dans le secteur privé, les recrues de la DITP quittent généralement le confort d’un CDI pour un CDD de trois ans, éventuellement renouvelable, et doivent faire de sensibles concessions salariales. « On ne rejoint pas l’État pour des sujets de salaire », évacue Nicolas Robin, ancien du cabinet Capgemini, diplômé de Sciences Po. Et « il y a des règles qui font que globalement on n’y perd pas trop sur le plan financier », complète-t-il.
« Internaliser » les compétences de conseil
Les consultants ne sont guère plus bavards quand il s’agit de commenter le rapport explosif du Sénat, daté de mars 2022, qui avait dénoncé le recours massif de l’État aux cabinets de conseil privés, y voyant un phénomène « tentaculaire ». « J’ai une opinion personnelle, je ne pense pas que ce soit ma place de la partager aujourd’hui », affirme Claire Goupy. « Ce n’est pas à moi de me prononcer », esquive lui aussi Nicolas Robin, avant de souligner que dans le rapport, « il n’y a pas de choses négatives qui sont sorties sur la DITP. » Pour Sihame Sellali, le recours par l’État à des prestataires privés « mérite d’être un sujet, pour montrer qu’il faut internaliser » les compétences de conseil.
Avec quelques dizaines de consultants répartis entre la DITP et une poignée de ministères, l’État peine encore à rivaliser avec les cabinets privés sur les plus grosses missions. À l’heure actuelle, la DITP pilote une vingtaine de missions de conseil par an, d’une durée comprise entre trois et six mois, indique-t-elle à l’AFP.
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