Le Conseil d’État a confirmé le 23 novembre l’illégalité de certaines techniques de capture avec des filets ou des cages, jugées non conformes au droit européen mais que le gouvernement avait de nouveau tenté d’autoriser en 2021 dans le Sud-Ouest et les Ardennes.
L’étau se resserre sur les chasses traditionnelles d’oiseaux. Année après année, l’exécutif, sous pression des chasseurs, a beau restreindre les techniques autorisées, les quotas ou les territoires concernés, il ne parvient pas à convaincre le Conseil d’État, saisi par les ONG environnementales, de la compatibilité entre ces techniques ancestrales et la législation environnementale européenne.
Cette fois, selon la décision publiée mercredi, la plus haute juridiction administrative a jugé illégale une série d’autorisations prises pour la saison 2021-2022.
Celles-ci accordaient des dérogations chiffrées pour « la chasse des vanneaux huppés, pluviers dorés, grives et merles noirs à l’aide de tenderies (filets fixés à terre ou nœuds coulants) dans le département des Ardennes » ainsi que pour la chasse aux « alouettes des champs à l’aide de pantes (filets horizontaux) et de matoles (cages) dans plusieurs départements d’Aquitaine et d’Occitanie ».
Des chasses illégales
Ces chasses traditionnelles avaient déjà été jugées illégales en août 2021 par le Conseil d’État, saisi par la Ligue pour la protection des oiseaux (LPO) et l’association One Voice. Mais deux mois plus tard, à l’ouverture de la saison de chasse, le gouvernement avait repris des arrêtés d’autorisation de ces technique, avec des quotas.
Vent debout, les deux ONG avaient obtenu en urgence leur suspension par le Conseil d’État, en raison d’un « doute sérieux sur leur légalité ». Et un an plus tard, les hauts magistrats complètent maintenant cette suspension par une annulation définitive des arrêtés, les estimant de nouveau contraires au droit européen.
La directive européenne « oiseaux » de 2009 interdit en effet les techniques permettant la capture d’oiseaux massivement et sans distinction d’espèces. Une dérogation est possible à condition « qu’il n’existe pas d’autre façon de capturer l’espèce recherchée » et « que cette technique ne permette de capturer que cette espèce-là, ou d’autres espèces mais en très faible quantité et sans dommage pour elles », rappelle le Conseil d’État.
« Des pratiques moyen-âgeuses »
La LPO a salué dans un communiqué cette décision prise « pour la quatrième année consécutive », dénonçant « des pratiques moyen-âgeuses de piégeage d’oiseaux sauvages », dont elle demande « l’abolition définitive ».
« S’acharner sur des espèces en déclin comme l’alouette des champs ou le vanneau huppé n’est pas digne d’un pays qui ambitionne d’être un modèle de protection de la biodiversité au niveau mondial alors qu’il n’arrive même pas à respecter la Directive oiseaux, adoptée par la France il y a trente ans », a déclaré le président de la LPO, Allain Bougrain Dubourg, dans un communiqué.
Une « victoire au goût amer »
Une « victoire au goût amer » pour la présidente de One Voice, Murielle Arnal, qui dénonce des « autorisations iniques » prises par le ministère de la Transition écologique « malgré des décisions contraires et répétées (jusqu’à la Cour de justice de l’Union européenne) ».
« Le ministère fera-t-il encore fi des décisions du Conseil d’État, ou respectera-t-il enfin la justice ? » s’interroge la présidente de One Voice, dans un communiqué. Le ministère « va étudier cette décision », s’est-il borné à déclarer.
Des décisions attendues
À l’été, le ministre de la Transition écologique Christophe Béchu avait d’abord dit vouloir attendre la décision au fond du Conseil d’État avant d’éventuellement publier de nouvelles autorisations pour la saison 2022-2023.
Mais finalement, en octobre, le gouvernement avait accordé une dérogation pour cette saison, concernant cette fois uniquement l’alouette des champs dans plusieurs départements du Sud-Ouest. Ces arrêtés ont toutefois été suspendus à leur tour en urgence le 22 octobre par le Conseil d’État, avant un examen sur le fond dans plusieurs mois.
Face à cette future échéance, la Fédération nationale de la chasse (FNC) reste confiante car elle estime que les arrêtés de cette année ont un cadre juridique différent de ceux qui ont été annulés. En attendant, l’alouette des champs ne peut pas être capturée.
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