Difficile pour Si Vorn de retenir ses larmes à l’évocation de sa fille de 4 ans, morte de diarrhée après avoir joué dans les eaux polluées du lac Tonlé Sap. Cette Cambodgienne fait partie des 100.000 personnes dans le royaume qui vivent dans des maisons flottantes sur cette étendue d’eau, l’un des plus grands réservoirs de pêche d’eau douce du monde.
Bien que leur village compte 70 maisons et une école primaire, il ne dispose d’aucun système d’assainissement. Des « toilettes flottantes » ont commencé à être installées chez certains habitants mais leur coût élevé limite la généralisation de cette solution.
Depuis des générations, « nous utilisons cette eau, nous la buvons et nous déféquons dans cette eau » au risque de souffrir de diarrhées ou même du choléra, explique Si Vorn, dont la famille tombe constamment malade. « Chaque jour, je m’inquiète pour ma santé. Regardez l’eau, il n’y a pas d’assainissement. Mais je ne sais pas quoi faire ».
Un tiers de la population n’a pas accès à des toilettes correctes
Plus d’un million de personnes vivent sur ou autour du grand lac, dans 20.000 maisons flottantes. Le Cambodge, ravagé par la guerre et le génocide perpétré par le régime des Khmers rouges dans les années 1970, est l’un des pays les plus pauvres d’Asie. Selon l’organisation caritative WaterAid, environ un tiers de la population n’a pas accès à des toilettes correctes et la diarrhée est l’une des principales causes de mortalité chez les enfants de moins de cinq ans.
Wetlands Work, l’entreprise à l’origine des toilettes flottantes, espère que celles-ci pourront aider le village de Si Vorn et d’autres villages similaires au-delà du Cambodge. Les « HandyPods », de leur nom officiel, sont constitués d’une série de trois réservoirs pour filtrer et nettoyer les eaux usées des déjections humaines.
À l’intérieur, un « biofilm », micro-organisme contenant des milliards de bactéries, élimine les agents pathogènes et l’eau traitée peut ainsi être rejetée dans le lac. « Nous nous occupons de l’assainissement dans des villages flottants qui n’ont jamais connu d’assainissement auparavant », a déclaré à l’AFP Taber Hand, fondateur de Wetlands Work.
100 toilettes flottantes installées
L’ « eau grise » rejetée n’est pas potable, mais elles peut être utilisée sans danger pour se laver et cuisiner. L’entreprise a installé 19 toilettes flottantes à Chong Prolay, le village de Si Vorn. « Nous utilisons cette eau parce que dans le commerce une bouteille d’eau coûte 1 dollar. Ça serait trop cher d’en acheter assez pour cuisiner et nous laver », explique à l’AFP le pêcheur Roeun Nov, qui a gagné un HandyPod gratuit lors d’un tirage au sort il y a deux mois. « Nous achetons de l’eau minérale uniquement pour boire ».
En tout, 100 toilettes flottantes ont été installées sur le lac à ce jour, et 200 autres devraient l’être d’ici à 2025, avec le soutien de l’Union européenne.
L’espoir est que plus les villageois verront les toilettes en action, plus ils voudront bénéficier d’un assainissement adéquat. Wetlands Work a également installé le système dans 12 villages en Birmanie, mais le coût est un obstacle majeur, environ 175 dollars pièce. À Tonlé Sap, un pêcheur gagne au maximum 5 dollars par jour. Des subventions plus pérennes seront donc nécessaires, selon M. Hand, dont le but est que les familles ne paient que 35 à 40 dollars.
Les comportements en matière d’assainissement et d’hygiène commencent à changer depuis l’arrivée des toilettes, mais « nous n’avons pas les moyens d’en acheter car nous gagnons juste assez d’argent pour nos dépenses quotidiennes », a déclaré à l’AFP Yoeun Sal, le mari de Si Vorn. « Si personne ne nous aide, nous continuerons à utiliser le lac (comme toilettes) », a-t-il ajouté après s’être baigné dans l’eau près de sa maison par une chaude après-midi.
Comment pouvez-vous nous aider à vous tenir informés ?
Epoch Times est un média libre et indépendant, ne recevant aucune aide publique et n’appartenant à aucun parti politique ou groupe financier. Depuis notre création, nous faisons face à des attaques déloyales pour faire taire nos informations portant notamment sur les questions de droits de l'homme en Chine. C'est pourquoi, nous comptons sur votre soutien pour défendre notre journalisme indépendant et pour continuer, grâce à vous, à faire connaître la vérité.