Le tribunal spécial chargé de juger les Khmers rouges pour leurs atrocités a confirmé en appel la condamnation à la prison à perpétuité de Khieu Samphan, dernier dignitaire en vie, pour génocide, dans une ultime décision rendue jeudi avant sa dissolution à Phnom Penh.
L’ancien chef d’Etat du Kampuchéa démocratique, âgé de 91 ans, a aussi été reconnu coupable de crimes contre l’humanité – meurtres, mises en esclavage, mariages forcés, viols – et de graves violations aux Conventions de Genève.
Khieu Samphan « avait connaissance directe des crimes et il partageait l’intention de les commettre avec les autres participants de l’entreprise criminelle commune » qui a tué près de deux millions de personnes entre 1975 et 1979, a rappelé le juge Kong Srim.
Les accusations qui le visaient sont associées à « certains des actes les plus haineux » de la dictature ultra-maoïste, a insisté le président de la Chambre de la Cour suprême.
« Le jugement est raisonnable »
Assis sur son fauteuil roulant, Khieu Samphan a assisté au jugement, et écouté le prononcé de deux heures et demie avec un casque audio.
Il a déjà été condamné à la perpétuité en 2014 – verdict confirmé en appel en 2016 – pour des crimes contre l’humanité commis lors de l’évacuation forcée des habitants de Phnom Penh, dans le premier volet de son procès fleuve, démarré en 2011.
Près de 500 personnes, dont des familles de victimes, des moines bouddhistes et des diplomates, ont assisté à l’audience.
« Je suis heureux, le jugement est raisonnable, cela me rend justice », a réagi auprès de l’AFP Chum Mey, 91 ans, un survivant de la funeste prison S21 de Phnom Penh, où environ 18.000 personnes ont été tuées.
« Je ressens un soulagement, bien que nous n’ayons pas eu de compensation » financière, a expliqué Eam Mary, 57 ans, qui a perdu cinq membres de sa famille durant la terreur.
De nombreux tortionnaires khmers rouges condamnés
Khieu Samphan, un des rares visages publics du régime, a toujours nié son implication dans les faits qui lui sont reprochés, notamment dans le génocide contre les Vietnamiens.
Il est le troisième dignitaire khmer rouge à être condamné par cette Cour spéciale, composée de magistrats cambodgiens et internationaux.
Kaing Guek Eav, alias Douch, a été condamné à la perpétuité pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité. L’ancien tortionnaire, chef de S21, est mort en 2020, à 77 ans.
Les juges ont infligé la même sentence à Nuon Chea, l’idéologue du mouvement, pour génocide des Vietnamiens et musulmans chams, et crimes contre l’humanité. Il est décédé en août 2019 à l’âge de 93 ans.
« Frère numéro un », Pol Pot, est lui décédé en 1998, sans être jugé.
Dernier jugement de la Cour
Les Chambres extraordinaires au sein des tribunaux cambodgiens (CETC) s’apprêtent désormais à fermer leurs portes sans avoir dissipé les controverses qui les minent.
L’abandon ces dernières années des poursuites contre trois personnes accusées de génocide ou de crimes contre l’humanité a rappelé leur fragilité dans un pays dirigé par un ancien commandant khmer rouge repenti, Hun Sen, qui s’est prononcé contre tout nouveau procès au nom de la stabilité nationale.
Son coût, plus de 330 millions de dollars, rapporté au nombre de condamnations, a également alimenté les suspicions.
« Le tribunal a servi de plateforme importante pour le débat public sur le régime meurtrier des Khmers rouges, un lieu où les victimes ont pu être entendues, enregistrées et leurs témoignages, diffusés », a réagi Ming Yu Hah, directrice régionale adjointe d’Amnesty.
Son fonctionnement doit servir de « modèle pour poursuivre les crimes graves et massacres dans le futur au niveau international », a affirmé Bin Chhin, Premier ministre adjoint du Cambodge.
Les procès « ont aidé à cicatriser les blessures du passé, permettant aux Cambodgiens de se tourner vers le futur », a déclaré Fergal Gaylor, un des procureurs de la Cour.
Sa dernière affaire close, la Cour doit se dissoudre en 2025, après avoir terminé son travail d’archivage, entre autres.
Comment pouvez-vous nous aider à vous tenir informés ?
Epoch Times est un média libre et indépendant, ne recevant aucune aide publique et n’appartenant à aucun parti politique ou groupe financier. Depuis notre création, nous faisons face à des attaques déloyales pour faire taire nos informations portant notamment sur les questions de droits de l'homme en Chine. C'est pourquoi, nous comptons sur votre soutien pour défendre notre journalisme indépendant et pour continuer, grâce à vous, à faire connaître la vérité.