Une « catastrophe systémique », tel est le verdict du Dr Stephanie Seneff connue pour ses travaux de longue date sur le glyphosate. Le glyphosate est l’ingrédient actif de l’herbicide Roundup. Selon la chercheuse, ce produit chimique tue les êtres humains et les autres formes de vie « à petit feu ».
Le Dr Seneff, chercheuse principale au Massachusetts Institute of Technology, étudie ce produit chimique toxique depuis une dizaine d’années.
Elle pense que l’utilisation généralisée du glyphosate dans l’agriculture est à l’origine de l’augmentation spectaculaire de l’autisme, du diabète, du cancer, des allergies et bien d’autres maladies chroniques.
Fonctionnement du glyphosate
Le glyphosate a été utilisé pour la première fois dans le Roundup, un herbicide développé par Monsanto en 1974.
Lors de son lancement, Monsanto a présenté le glyphosate comme étant inoffensif pour les êtres humains ou tout autre mammifère. Selon la multinationale, le glyphosate tue les mauvaises herbes en perturbant la voie de synthèse du shikimate, absente chez les animaux, et donc il n’est pas nocif.
« Cependant, cette voie existe dans les bactéries intestinales », écrit le Dr Seneff dans sa première étude sur le glyphosate.
Des recherches récentes ont révélé que le corps humain compte plus de bactéries que de cellules humaines, et que la flore intestinale joue un rôle très important dans le maintien de la santé.
« En plus de faciliter la digestion, la flore intestinale synthétise les vitamines, détoxifie les xénobiotiques (biotiques étrangers) », renforce le système immunitaire et empêche les bactéries nocives de passer à travers l’intestin, écrit le Dr Seneff.
Inversement, l’alimentation joue également un rôle dans la flore intestinale. Il a été démontré que les fibres alimentaires favorisent les bactéries intestinales saines, alors qu’une alimentation riche en sucre et en gras transformés favorise les bactéries à l’origine de l’inflammation.
Sachant que le glyphosate est capable de perturber les voies métaboliques des bactéries intestinales, le Dr Seneff a estimé que l’augmentation annuelle des troubles intestinaux, de l’autisme (qui est fortement corrélé à une altération des bactéries intestinales), des allergies et de nombreuses autres maladies pourrait être due à un régime contenant des aliments riches en glyphosate.
Elle a constaté que l’augmentation annuelle des cas de maladies, comme le diabète et divers cancers, peut être directement corrélée à une augmentation de l’utilisation du glyphosate.
Glyphosate et cancer
Plus de 60 ans après l’arrivée du Roundup sur les étagères et son utilisation dans les champs et les jardins, le public commence à comprendre la relation entre le glyphosate et le cancer.
Le glyphosate est impliqué dans de nombreux cancers. L’une des premières études sur le glyphosate menée par le Dr Gilles‑Éric Séralini, biologiste moléculaire français et ami du Dr Seneff, a montré que l’exposition à de faibles doses de Roundup entraînait une réduction de la durée de vie et des lésions organiques chez les rats.
De plus, des études en laboratoire sur des cellules humaines et des embryons d’oursins ont également montré que le glyphosate provoquait des cassures de l’ADN, ce qui est un facteur majeur dans la progression du cancer.
Les publications antérieures de Monsanto ont tout autant montré des dommages au niveau des organes chez les rats et la croissance de tumeurs, mais ces résultats n’ont pas reçu l’attention qu’ils méritaient, car la compagnie a ensuite soumis d’autres études ne montrant aucun impact significatif sur la santé.
Les recherches du Dr Seneff ont établi un lien entre le glyphosate et de très nombreux cancers, notamment le cancer du sein, du foie, du côlon, du rein, de la peau (mélanome), de la thyroïde et le lymphome non hodgkinien (LNH).
Le lymphome non hodgkinien, un cancer des globules blancs, a fait l’objet de nombreux procès récents contre Monsanto et Bayer, l’actuel propriétaire de la marque Roundup.
Le Dr Seneff établi un lien entre le LNH et l’exposition au glyphosate. Il est connu depuis longtemps que les agriculteurs sont plus susceptibles de développer un LNH. Par ailleurs, une étude suédoise de 2002 a montré que le glyphosate multiplie par trois le risque de développer un LNH.
Selon l’étude du Dr Seneff, le LNH pourrait être attribué à l’impact du glyphosate sur les micronutriments, notamment à des carences en manganèse.
Le manganèse est un élément qui nous est indispensable, mais dans de petites quantités seulement. Il peut se lier à d’autres molécules et former des composés. Un composé particulièrement important est une protéine appelée superoxyde dismutase à manganèse (MnSOD) qui agit dans l’organisme comme antioxydant.
Les antioxydants sont des molécules primordiales pour lutter contre le vieillissement. Ils neutralisent l’action des espèces réactives de l’oxygène (ROS) qui endommagent les cellules et l’ADN et augmentent le risque de cancer. La superoxyde dismutase à manganèse prévient ces dommages en se liant à ces molécules et en les inhibant, et contribue également à tuer les cellules cancéreuses.
Cependant, le glyphosate peut se lier à des métaux tels que le manganèse et le magnésium. Il est donc probable qu’il puisse également se lier au manganèse dans la superoxyde dismutase à manganèse, perturbant ainsi ses fonctions.
Des études en laboratoire ont montré que la superoxyde dismutase à manganèse peut réduire la croissance des cellules LNH et peut également prévenir le cancer du pancréas.
Les personnes atteintes de LNH présentent aussi souvent de faibles concentrations de superoxyde dismutase à manganèse et sont traitées avec un autre composé du manganèse, les porphyrines cationiques de manganèse.
Selon le Dr Seneff, les porphyrines de manganèse fonctionnent en imitant l’action de la superoxyde dismutase à manganèse, ce qui met en évidence l’importance de ce composé et les effets perturbateurs que le glyphosate peut potentiellement causer au corps humain.
Il existe « des preuves fondées que le glyphosate contribue probablement à la prévalence accrue de multiples types de cancer chez l’homme », écrit le Dr Seneff dans son étude (pdf).
« Quarante ans d’exposition au glyphosate ont fourni un laboratoire vivant dont les humains sont les cobayes et les résultats sont alarmants. »
Glyphosate et protéines
Les maladies mentionnées ci‑dessus ne sont pas les seules. Selon le Dr Seneff, la perturbation de l’intestin par le glyphosate serait à l’origine de l’autisme, de la maladie coeliaque (l’intolérance au gluten) et d’autres allergies et troubles du comportement. Le Dr Seneff raconte que certaines personnes de son entourage ont prétendu avoir résolu les troubles du comportement ou l’asthme de leurs enfants en changeant leur régime alimentaire et en passant à des produits biologiques.
Cependant, l’hypothèse des Drs Seneff et Samsel, celle qui les inquiète le plus, est que le glyphosate pourrait s’incorporé dans les protéines humaines, les éléments constitutifs même de nos cellules.
Les protéines sont constituées de molécules appelées acides aminés, que nous obtenons via l’alimentation ou grâce aux cellules.
Les recherches du Dr Seneff supposent que le glyphosate est structurellement similaire à un acide aminé appelé glycine, et que les cellules peuvent donc absorber par erreur le glyphosate et l’intégrer aux protéines, en pensant qu’il s’agit de glycine.
Selon les Drs Seneff et Samsel, des études antérieures ont montré que le glyphosate, à l’instar de la glycine, peut moduler certains récepteurs sur les neurones, ce qui serait dû à la similitude entre les deux composés.
La glycine est un acide aminé très commun. On la trouve dans beaucoup de protéines et elle joue un rôle essentiel dans leur bon fonctionnement. Par conséquent, si le glyphosate peut être substitué à la glycine, d’importants changements dans les processus biochimiques du corps peuvent avoir lieu.
Par exemple, la glycine est présente dans les protéines qui produisent de l’énergie pour les cellules humaines. Ces protéines se trouvent dans les mitochondries et leur modification ou altération entraîne leur dysfonctionnement. Cela provoque un stress cellulaire qui peut entraîner la mort des cellules. Des études antérieures ont observé que les cellules exposées à de fortes doses de glyphosate sont endommagées et soumises à un stress mitochondrial.
Selon le Dr Seneff, l’augmentation de la prévalence de maladies chroniques telles que le diabète et d’autres maladies métaboliques serait également liée à l’utilisation accrue du glyphosate.
La glycine est présente dans les protéines qui régulent les graisses et l’insuline. Si le glyphosate remplace la glycine dans ces protéines, celles‑ci sont altérées et perdent leur fonction régulatrice des graisses et de la glycémie. Le corps est alors vulnérable aux troubles métaboliques, notamment l’obésité et le diabète.
Un parcours semé d’embûches
De nombreuses études du Dr Seneff ont été fortement critiquées, on l’accuse de tirer ses conclusions à partir d’hypothèses ou de corrélations.
Cependant, peu de recherches ont été menées pour prouver ou infirmer ses craintes. De nombreux scientifiques et médias se sont opposés aux conclusions de ses recherches et ont tenté de faire rétracter ses publications évaluées par des pairs.
La rétractation est le processus par lequel les revues retirent les études qui y sont publiées. Elle est souvent associée à un processus de recherche frauduleux, utilisant des données fabriquées, et à une violation de l’éthique. Avoir un article rétracté est une tache noire dans la carrière d’un chercheur.
Le Dr Seneff déclare avoir beaucoup de chance qu’aucun de ses articles n’ait été rétracté, contrairement à certains chercheurs de son entourage.
Toutefois, le premier article du Dr Seneff sur le glyphosate a failli être rétracté. Dans cette étude, elle faisait référence au Dr Gilles‑Éric Séralini, un ami et personne clé dans son parcours de recherche sur le glyphosate.
« C’est vraiment lui qui a lancé l’alerte au sujet du glyphosate », déclare le Dr Seneff.
Le Dr Séralini a fait la lumière sur les impacts à long terme du Roundup de Monsanto en reproduisant l’étude de Monsanto soumise à l’Agence de protection de l’environnement des États‑Unis (EPA).
Dans les études de Monsanto, les chercheurs avaient exposé des rats à de faibles doses de Roundup pendant trois mois et n’avaient constaté aucun effet sur leur santé par rapport aux rats non exposés à l’herbicide.
« Cela faisait partie du processus d’approbation, et ils avaient en fait une règle : vous n’avez pas à regarder au‑delà de trois mois. Trois mois et il n’y a aucun problème, c’est bon », explique le Dr Seneff.
Le Dr Séralini a répété l’expérience. Or, il a voulu tester les effets à long terme du Roundup et a exposé les rats à cette substance pendant toute leur vie.
« Il n’était même pas sûr que quelque chose allait se passer », se souvient le Dr Seneff, « il m’a dit au bout de trois mois que ça se présentait bien ».
« Il n’y avait pas vraiment de preuve d’un quelconque problème avec le groupe exposé et il s’inquiétait que toute l’expérience soit complètement inutile. »
Cependant, à quatre mois, il y a eu un changement.
« À quatre mois, ils [les rats] ont commencé à présenter des lésions. À la fin de leur vie, les femelles avaient d’importantes tumeurs mammaires et les mâles avaient les reins et le foie endommagés. Des problèmes de reproduction et une mort précoce ont été observés chez les deux sexes. »
Le Dr Séralini a découvert que le glyphosate tuait à petit feu. Cette étude a été une des premières sur les méfaits du glyphosate et a renforcé la conviction du Dr Seneff que ses recherches étaient sur la bonne voie.
Un an après la publication de l’étude du Dr Séralini, le Dr Seneff a publié sa première étude sur le glyphosate, avec Anthony Samsel, et a cité l’article de Séralini.
Son article a suscité de nombreuses critiques au sein de la communauté scientifique. Beaucoup lui ont reproché de ne pas être qualifiée pour les questions de santé, alors qu’elle est diplômée en biologie, et ont attaqué le journal dans lequel elle l’a publié, le qualifiant de « journal prédateur ».
Quelques semaines après la publication de son premier article, l’étude du Dr Séralini a été rétractée. Dans la même semaine, le rédacteur en chef l’a contactée pour lui demander si elle souhaitait retirer son article.
« Il s’agit d’une sorte de menace de rétractation si vous ne vous retirez pas [de votre propre gré] », explique le Dr Seneff.
Si le Dr Samsel et elle retiraient leur article de leur propre chef, ils s’épargnaient la peine d’être humiliés par une rétractation et « n’auraient pas cette vilaine tache [dans le parcours d’un chercheur] d’avoir un article rétracté ».
Cependant, les Drs Seneff et Samsel ont refusé.
« Nous avons dit non merci, en gros. »
De façon inattendue, le journal « est revenu une semaine plus tard et a dit : ‘Ce n’est pas grave, nous ne le pensions pas’ ».
Au lieu de cela, le journal a publié une déclaration : « La politique de nos revues est d’ignorer largement la blogosphère, où règnent les intérêts divergents, la corruption et l’anonymat. Nous n’autorisons pas les attaques personnelles, les déclarations diffamatoires ou les commentaires au ton agressif. »
Les éditeurs ont demandé aux chercheurs qui contestent les articles publiés dans la revue de « préparer un commentaire scientifiquement rigoureux ». Les auteurs de ces commentaires étaient « invités à déclarer tout intérêt concurrent et leur identité, dans leur commentaire » et à présenter « des publications antérieures scientifiquement pertinentes sur le sujet ».
Finalement, le premier article des Drs Seneff et Samsel sur le glyphosate n’a pas été rétracté.
« Notre article n’a jamais été rétracté, et j’en ai été très heureuse », se souvient le Dr Seneff, précisant que la revue dans laquelle elle a publié sa deuxième étude a fermement défendu son article contre les critiques qui tentaient de le faire retirer.
Tout au long de son parcours, le Dr Seneff a rencontré d’autres chercheurs de par le monde partageant les mêmes vues qu’elle, formant de petits groupes, se soutenant mutuellement, collaborant et réussissant à publier leurs articles.
De l’espoir dans l’avenir
Le Dr Seneff déclare être très encouragée par les récents jugements de la Cour suprême des États‑Unis. Bayer a perdu en appel et on a exhorté l’EPA a réévaluer la cancérogénicité du Roundup.
Bayer AG est un géant pharmaceutique et agrochimique qui a acheté le Roundup à Monsanto en 2018. Depuis, il a perdu trois procès d’un million de dollars dans lequel il était poursuivi au sujet du Roundup qui aurait entraîné différents cancers chez les consommateurs.
« C’était une bonne nouvelle de notre côté », raconte le Dr Seneff. Elle avoue être très excitée par les derniers développements juridiques au sujet du glyphosate.
« J’avais très peu d’intérêt pour le système juridique par le passé », explique‑t‑elle. « Je suis une scientifique, j’aime lire des travaux de recherches. Je suis très éloignée des aspects juridiques, je ne connais rien à la loi. Toutefois, je commence à m’y intéresser toujours davantage parce qu’il semble bien que le droit soit la voie à suivre. »
« Un nombre important de preuves scientifiques sont nécessaires pour monter un dossier. J’ai l’impression que mon travail sur le glyphosate a vraiment aidé leur cause. »
Dans son livre « Toxic Legacy » elle évoque non sans fierté Robert F. Kennedy, Jr. Celui‑ci aurait déclaré que ses recherches ont aidé les consommateurs qui ont intenté des poursuites contre le Roundup à gagner leur procès.
Pour réduire l’exposition au glyphosate, le Dr Seneff recommande de manger des aliments biologiques et de boire de l’eau filtrée.
Comme le glyphosate est utilisé pour pulvériser les mauvaises herbes, de nombreuses plantes telles que le maïs, le soja, le canola, la betterave à sucre, le coton et la luzerne sont génétiquement modifiées pour tolérer le glyphosate. Cela a considérablement augmenté la teneur en glyphosate des plantes, les agriculteurs les pulvérisant également au lieu de ne pulvériser que les mauvaises herbes.
De plus, la résistance des mauvaises herbes au glyphosate a fait augmenter les quantités requises pour le rendre efficace. Cela a également nui aux bactéries bénéfiques dans le sol ainsi qu’aux vers de terre, réduisant ainsi la valeur nutritive des aliments.
Le Dr Seneff recommande également de ne pas trop fréquenter les autoroutes où l’on est fortement exposé aux gaz d’échappement des voitures. La chercheuse soupçonne que le biocarburant contenu dans l’essence provient également de plantes exposées au glyphosate et qu’il en contient donc des traces.
Des études menées au Brésil ont montré que la teneur en glyphosate dans l’air aux abords des autoroutes est similaire à celle dans l’air à proximité des zones agricoles utilisant des herbicides. Il aurait été observé que les pays qui ont abondamment recours aux biocarburants auraient une prévalence importante de maladies que le Dr Seneff pense être liées au glyphosate.
Néanmoins, le Dr Seneff déclare que le glyphosate est omniprésent et que malgré tous ses efforts pour éviter sa propre exposition à cette substance, une analyse a révélé la présence de cette substance dans son corps.
Dans son livre intitulé « Toxic Legacy », publié en juillet 2021, elle explique en détail comment le glyphosate induit des effets néfastes sur le corps humain.
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