Ce que l’implication de la Corée du Nord pourrait signifier dans la guerre entre la Russie et l’Ukraine

Le gouvernement américain a estimé que pas moins de 3000 soldats nord-coréens sont arrivés en Russie ces dernières semaines

Par Ryan Morgan
27 octobre 2024 13:34 Mis à jour: 27 octobre 2024 13:34

La communauté des affaires étrangères surveille de près les signes de participation des forces nord-coréennes aux combats en Ukraine, suite à l’annonce du gouvernement américain concernant l’envoi de troupes par Pyongyang en Russie.

S’adressant aux journalistes à Rome le 23 octobre, le secrétaire à la défense américain Lloyd Austin a déclaré que le Pentagone disposait d’éléments attestant d’une présence militaire nord-coréenne en Russie. Ses commentaires renforcent les rapports antérieurs sur les mouvements de troupes nord-coréennes soulevés par les gouvernements sud-coréen et ukrainien.

La Maison Blanche a estimé à plus de 3000 le nombre de soldats nord-coréens en Russie, mais le service national de renseignement sud-coréen a évalué à 10.000 le nombre de soldats nord-coréens déployés dans ce pays.

Pyongyang a démenti l’information, mais le président russe Vladimir Poutine a semblé la confirmer.

Interrogé par un journaliste le 24 octobre lors d’une conférence de presse au sommet des BRICS à Kazan, en Russie, au sujet d’images satellite montrant prétendument des mouvements de troupes nord-coréennes, Poutine a déclaré : « Les images sont une chose sérieuse. S’il y a des images, c’est qu’elles reflètent quelque chose. »

Il a notamment mentionné l’article 4 de l’accord de partenariat entre la Russie et la Corée du Nord, qui traite de la défense mutuelle.

« Il y a l’article 4. Nous n’avons jamais douté que les dirigeants nord-coréens prennent nos accords au sérieux. Mais ce que nous faisons dans le cadre de cet article est notre affaire », a déclaré Poutine.

Il reste à savoir ce que ces forces nord-coréennes ont exactement l’intention de faire, mais les dirigeants ukrainiens ont tiré la sonnette d’alarme quant à la possibilité que ces forces rejoignent le camp russe dans la guerre en cours.

Si ces troupes nord-coréennes entrent en guerre, elles pourraient contribuer à compenser les pertes russes après près de trois ans de combats très éprouvants qui ont épuisé les deux camps.

Au début du mois, le Pentagone a estimé que la Russie avait enregistré environ 600.000 pertes à ce jour dans la guerre, en incluant les troupes tuées ou blessées sur le champ de bataille. Le nombre exact de victimes ne peut être vérifié de manière indépendante, et les deux camps ont peu parlé de leurs propres pertes tout au long de la guerre.

« Si la Russie est effectivement contrainte de se tourner vers la Corée du Nord pour obtenir de la main-d’œuvre, ce serait un signe de faiblesse, et non de force, venant du Kremlin », a déclaré John Kirby, porte-parole du Conseil de sécurité nationale de la Maison-Blanche, le 23 octobre.

Être ou ne pas être en Ukraine

Le déploiement d’une force nord-coréenne en Ukraine pourrait faire monter la température de la guerre en cours.

Le président de la commission du renseignement de la Chambre des représentants américaine, Mike Turner (Parti républicain de l’Ohio), a déclaré que les États-Unis devaient considérer l’entrée de troupes nord-coréennes dans le conflit en cours comme une « ligne rouge ». En outre, M. Turner a souligné que les États-Unis devraient réagir à toute implication de la Corée du Nord dans la guerre en assouplissant les limites imposées à l’utilisation par l’Ukraine d’armes fournies par les États-Unis pour frapper à l’intérieur du territoire russe.

Depuis des mois, le président ukrainien Volodymyr Zelenskyy fait pression sur l’administration Biden pour qu’elle autorise des frappes ukrainiennes de grande envergure sur la Russie avec des armes américaines.

« Je conteste depuis longtemps la position malavisée de l’administration Biden-Harris qui consiste à restreindre l’utilisation par l’Ukraine d’armes américaines contre des cibles situées sur le territoire russe », a déclaré M. Turner le 23 octobre. « Si les troupes nord-coréennes attaquent l’Ukraine depuis le territoire russe, l’Ukraine devrait être autorisée à utiliser des armes américaines pour riposter. »

M. Turner a suggéré d’aller encore plus loin si des troupes nord-coréennes se joignaient aux combats à l’intérieur des frontières de l’Ukraine.

« Si les troupes nord-coréennes devaient envahir le territoire souverain de l’Ukraine, les États-Unis devraient sérieusement envisager une action militaire directe contre les troupes nord-coréennes », a-t-il déclaré.

Un document du Service national de renseignement sud-coréen publié le 18 octobre 2024 montre des images satellite récentes d’un navire russe quittant le port nord-coréen de Najin avec des armes nord-coréennes à destination de la Russie. (Capture d’écran/Service national de renseignement sud-coréen)

Lorsqu’on lui a demandé comment les États-Unis réagiraient à un tel déploiement nord-coréen en Ukraine, M. Kirby a répondu que l’administration continuerait d’accroître l’aide à la sécurité de l’Ukraine, mais n’a pas précisé si les États-Unis prendraient de nouvelles mesures.

« Nous discutons avec nos alliés et nos partenaires des prochaines étapes à suivre », a assuré M. Kirby.

Paul Davis, professeur adjoint à l’Institut pour la politique mondiale, a déclaré que si les troupes nord-coréennes participent aux combats, « il faudra alors envisager sérieusement que les forces occidentales posent des bottes sur le terrain » en Ukraine également.

« Il est probable que certains pays d’Europe de l’Est, la Pologne en particulier, soient plus enclins à envoyer leurs troupes en Ukraine, car l’envoi de troupes nord-coréennes directement dans le conflit constitue certainement une ligne rouge », a souligné à Epoch Times M. Davis.

Selon lui, les soutiens occidentaux de l’Ukraine pourraient craindre que la Russie ne s’enhardisse davantage si l’Occident ne réagit pas suffisamment à l’implication de la Corée du Nord dans la guerre en Ukraine.

Michael DiMino, responsable de la politique publique à Defense Priorities et ancien analyste militaire de la CIA, a appelé à ne pas considérer un déploiement nord-coréen en Ukraine comme un nouveau développement majeur dans la guerre. Il a prédit que même 10.000 soldats nord-coréens auraient peu de chances de changer de manière significative le cours de la guerre en faveur de la Russie.

« Le fait que la Corée du Nord soit prête à envoyer 10.000 soldats est remarquable, mais je ne pense pas qu’il faille le prendre pour argent comptant, n’est-ce pas ? » a affirmé à Epoch Times M. DiMino. « Nous n’avons pas besoin que l’OTAN envoie 10 000 soldats en guise de réponse. »

M. DiMino a également prévenu que le déploiement de troupes occidentales sur le champ de bataille ukrainien pourrait rapidement entraîner l’ensemble de l’alliance de l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (OTAN) dans la guerre, ce qui amènerait plusieurs nations dotées de l’arme nucléaire à prendre part aux combats de part et d’autre.

Les forces nord-coréennes peuvent contribuer à l’effort de guerre russe sans passer par l’Ukraine. Ces troupes nord-coréennes pourraient notamment aider les forces russes à repousser l’incursion ukrainienne dans la région russe de Koursk, qui a débuté au mois d’août.

Des militaires ukrainiens utilisent un char T-72 de fabrication soviétique dans la région de Sumy, près de la frontière avec la Russie, lors de l’invasion russe de l’Ukraine, le 12 août 2024. (Roman Pilipey/AFP via Getty Images)

MM. Davis et DiMino ont tous deux convenu que limiter l’implication de la Corée du Nord dans les combats dans la région de Koursk pourrait être considéré comme moins incendiaire que si des troupes nord-coréennes entraient en Ukraine.

L’ancien ambassadeur des États-Unis en Ukraine, John E. Herbst, a estimé que même si les troupes nord-coréennes ne se déployaient que dans la région de Koursk, il serait « absurde » pour la Russie de dire que les troupes de Pyongyang ne font que défendre le territoire russe. M. Herbst, qui est directeur en chef du Centre Eurasie de l’Atlantic Council, a affirmé que les forces ukrainiennes ne se trouvaient à Koursk qu’en réponse à l’agression de la Russie en Ukraine.

Le 24 octobre, la direction du renseignement du ministère ukrainien de la Défense a diffusé un rapport indiquant que des troupes nord-coréennes avaient déjà été aperçues dans la région de Koursk. La porte-parole adjointe du Pentagone, Sabrina Singh, a déclaré qu’elle n’avait pas d’autres informations à communiquer concernant ce rapport des services de renseignement ukrainiens.

Ce que la Russie et la Corée du Nord ont à gagner

Alors que la Russie pourrait considérer l’aide de la Corée du Nord comme un moyen de compenser les pertes au combat et de soulager certaines de ses unités épuisées, Pyongyang pourrait voir dans un déploiement au combat aux côtés des troupes russes une expérience d’apprentissage.

Le dernier conflit majeur dans lequel les forces nord-coréennes se sont engagées est la guerre de Corée, qui s’est terminée par un armistice en 1953.

« Je pense que l’acquisition d’une expérience de combat sur un champ de bataille moderne est l’une des raisons pour lesquelles la Corée du Nord veut y participer », a observé M. DiMino.

Selon M. Davis, Pyongyang pourrait également s’attendre à ce que Moscou partage des technologies militaires, notamment des avancées en matière de missiles et d’armes nucléaires, en échange d’une aide dans le conflit ukrainien.

Entre la Russie et la Corée du Nord, M. Davis a fait part de sa plus grande inquiétude quant aux avantages que la Corée du Nord pourrait tirer de ce partenariat.

Depuis le début de l’invasion de l’Ukraine, les pays occidentaux ont multiplié les sanctions contre la Russie et réduit leurs relations diplomatiques avec Moscou. Ces relations tendues avec l’Occident ont incité Moscou à se concentrer sur ses autres partenariats mondiaux.

M. DiMino a indiqué qu’il mettait en garde les Occidentaux contre une réaction vigoureuse à la présence de troupes nord-coréennes en Russie, notamment pour ne pas inciter la Russie à rechercher des partenaires comme l’Iran, et la Chine.

Le président russe Vladimir Poutine prononce un discours lors de la réunion au format élargi du sommet des BRICS à Kazan, le 23 octobre 2024. (Alexander Nemenov/Pool/AFP via Getty Images)

Le Pentagone a fait part de son évaluation des troupes nord-coréennes en Russie la semaine même où la Russie accueillait le 16e sommet du Brésil, de la Russie, de l’Inde, de la Chine et de l’Afrique du Sud (BRICS).

Formée à l’origine en 2009 en tant que bloc économique entre la Russie, le Brésil, l’Inde et la Chine, l’organisation s’est élargie au fil des ans. Des représentants de 40 pays ont participé au sommet des BRICS qui s’est tenu cette année à Kazan, dans le sud-ouest de la Russie.

Si la Russie peut se tourner vers de nouveaux partenaires pour compenser ses relations tendues avec l’Occident, les calculs de Moscou pourraient s’avérer encore plus complexes.

Shirley Martey Hargis, chercheuse indépendante au Global China Hub de l’Atlantic Council, a estimé que la Russie était souvent traitée comme le « petit frère » dans ses relations diplomatiques avec la Chine.

« Les liens de plus en plus étroits entre la Russie et la Corée du Nord constituent une protection contre la domination de la Chine », a fait valoir Mme Hargis.

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