ENTRETIEN – La semaine dernière, Sciences Po était bloquée par des étudiants pro-palestiniens avant qu’un accord soit trouvé entre les militants et la direction de l’école. Selon un communiqué, la prestigieuse école parisienne aurait accédé aux revendications des manifestants, notamment en permettant des discussions sur « l’investigation des partenariats de l’école avec les universités et organisations soutenant l’État d’Israël ». En échange « les étudiants se sont engagés à ne plus perturber les cours, les examens et toutes les activités de l’institution ». Pour le délégué national du syndicat étudiant UNI Yvenn Le Coz, l’accord est « tout simplement scandaleux ». Entretien.
Epoch Times – Yvenn Le Coz, comment jugez-vous l’accord passé entre les étudiants pro-palestiniens et la direction de Sciences Po ?
Yvenn Le Coz – Cet accord entre les étudiants pro-palestiniens et la direction de Sciences Po est tout simplement scandaleux. On se retrouve dans une situation dans laquelle Sciences Po est bloquée et occupée par des militants pro-palestiniens, si ce n’est pro-Hamas. Pendant ces occupations et ces blocages, des slogans ont été scandés, notamment ‘From the River to the Sea’. Un slogan qui est utilisé par le Hamas et qui implique la disparition de l’État d’Israël.
Après ces manifestations et au lieu de sanctionner les étudiants bloqueurs ainsi que les organisations étudiantes que sont l’UNEF et l’Union étudiante qui ont jeté de l’huile sur le feu pour faire en sorte que ces blocages continuent, la direction a préféré ouvrir des discussions sur la remise en question des partenariats avec les universités israéliennes et les organisations considérées comme pro-israéliennes. Mais ne soyons pas dupes, discuter signifie en réalité commencer à remettre en question les partenariats.
En outre, il n’y a pas de discussions prévues sur le fait que Sciences Po garde dans ses programmes d’études des étudiants et des militants pro Hamas. C’est d’autant plus scandaleux que la ministre de l’Enseignement supérieur Sylvie Retailleau s’est félicitée de l’accord passé entre la direction et les manifestants.
On a le sentiment que Sciences Po n’ose pas sanctionner sévèrement certains étudiants et manifestants. Représentent-ils un nombre important d’étudiants ?
La majorité des étudiants à Sciences Po sont proches des idées défendues par la France Insoumise et Jean-Luc Mélenchon. D’ailleurs, ils ont en grande partie voté pour le candidat LFI en 2022, mais ils ne soutiennent pas tous, pour autant, les blocages et les occupations. Je crois également qu’ils ne sont pas d’accord avec toutes les dérives antisémites qu’il peut y avoir. Les bloqueurs représentent donc une extrême minorité au sein de Sciences Po.
Concernant la direction, elle tremble parce que ces étudiants minoritaires, qui sont environ une cinquantaine, peuvent quand même faire fermer l’école s’ils le souhaitent. Et surtout, ils font partie d’organisations étudiantes, notamment l’UNEF, le Poing Levé et l’Union étudiante qui représentent énormément d’étudiants au niveau de l’Île-de-France et sont en capacité de se déplacer à Sciences Po, comme c’était le cas la semaine dernière pour participer au blocage et à la « bordélisation » de l’école.
Par conséquent, la direction sait que si elle sanctionne les militants en question, il y aurait des centaines d’étudiants en provenance d’autres universités mobilisés devant Sciences Po.
Pour régler le problème, il faudrait que Sylvie Retailleau et Gabriel Attal agissent réellement et que les fauteurs de troubles, qu’ils soient de Sciences Po ou de l’extérieur, soient sanctionnés.
La réalité des choses est que, quand on est faible et laxiste sur un point, quand on leur donne la main, ils nous prennent le bras. Et Sylvie Retailleau a donné très gentiment sa main aux étudiants et manifestants pro-palestiniens.
Plusieurs personnalités politiques dont l’ancien Premier ministre Manuel Valls, se sont indignées de l’accord conclu et ont indiqué souhaiter la mise sous tutelle de l’institution. Quelle est votre analyse ?
La mise sous tutelle en tant que formule politique peut être intéressante, mais ce n’est ni quelque chose auquel nous nous opposons, ni que nous demandons. Elle ne changerait pas grand-chose puisque l’école passerait sous la tutelle de la ministre de l’Enseignement supérieur et la ministre a eu autant la main qui tremble, si ce n’est davantage, que Sciences Po face aux blocages et aux occupations. Ça serait une bonne chose si Sylvie Retailleau s’était montrée intraitable, mais ça n’a pas été le cas.
Ce blocage intervient dans un contexte de montée de l’antisémitisme au sein de l’institution depuis plusieurs mois. Comment analysez-vous le climat au sein de l’école ? Quelles actions mènent l’UNI pour combattre cet antisémitisme ?
Le climat au sein de l’école est très compliqué. Des étudiants de confession juive n’osent plus dire qu’ils sont juifs. Quand ils entrent dans un amphithéâtre, d’autres étudiants ne veulent pas s’asseoir à côté d’eux.
Grâce à ses élus, l’UNI a déjà alerté de nombreuses fois sur la montée de l’antisémitisme à Sciences Po. Malheureusement, à chaque fois, il n’y a aucune mesure qui est prise par l’administration.
Nous participons aussi régulièrement à des manifestations. Par exemple, la semaine dernière, lors de la venue de Jean-Luc Mélenchon, nous sommes allés devant Sciences Po en brandissant des pancartes sur lesquelles il était écrit « Hamas = terroristes ». Nous avons également dénoncé, dans le cadre d’une nouvelle campagne d’affichage, la venue de la France insoumise dans les universités pour faire faire entendre la voix de ceux qui ne soutiennent pas l’idéologie pro-palestinienne, si ce n’est pro-Hamas, dans l’enseignement supérieur. Nous avons été reçus assez violemment.
L’UNI va continuer à mener des actions coup de poing et poursuivre son travail dans les conseils. Mais nous avons toujours affaire à une administration qui préfère baisser les yeux lorsqu’elle est face aux organisations d’extrême-gauche, par peur que l’école soit à nouveau bloquée ou occupée.
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