Avec les différents sons de cloche venant du sud de la frontière, la donne change quotidiennement en ce qui a trait aux négociations commerciales entre le Canada, les États-Unis et le Mexique.
Dans un dernier développement, une clause « Acheter américain » empêcherait les bâtisseurs de routes et de ponts aux États-Unis d’utiliser des matériaux canadiens. Cela est survenu moins d’une semaine après que le Congrès américain a abandonné l’idée de taxer tous les produits importés.
Lorsque les négociations vont réellement débuter le 16 août, le Canada fera face à plus d’une demande sur lesquelles le gouvernement Trudeau ne voudra pas plier, selon Mark Sills, un avocat en commerce international de la firme Sills Egsgard LLP de Toronto.
Il s’agit d’une révision assez large de certains des principes et clauses fondamentaux de l’ALÉNA.
– Mark Sills, avocat
« Il est devenu assez clair que même si les responsables canadiens ont été amenés à croire – par le président américain lui-même et d’autres responsables – qu’il s’agirait seulement d’un ajustement de l’ALÉNA, quand vous lisez le résumé des objectifs spécifiques des négociations, c’est beaucoup plus que cela », indique M. Sills, se référant au document diffusé par Washington le 17 juillet.
« Il s’agit d’une révision assez large de certains des principes et clauses fondamentaux de l’ALÉNA. »
En plus de mettre au rancart le mécanisme de résolution de différends (le chapitre 19) – auquel le premier ministre Justin Trudeau tient fermement – les États-Unis veulent un plus grand accès au marché agricole canadien, dont l’industrie laitière, qui n’est actuellement pas inclus dans l’accord d’il y a 23 ans.
« Les États-Unis se tournent vers le marché canadien seulement parce qu’ils sont en surproduction. Quand trop de lait est produit, les prix s’effondrent et, en conséquence, des emplois sont perdus, les fermiers perdent des revenus et, dans certains cas, ils doivent mettre fin à leurs opérations », affirme Les Producteurs laitiers du Canada à Epoch Times.
Il est peu probable que la délégation canadienne permette aux États-Unis d’exporter du lait au Canada sans quota ou de se débarrasser du chapitre 19.
« Le secteur laitier au Canada s’est consolidé au cours des 20 dernières années, mais comparativement aux États-Unis il est encore à petite échelle. Alors beaucoup de producteurs canadiens n’ont pas les économies d’échelle associées à certains des très gros producteurs américains », explique M. Sills, ajoutant qu’il doute que M. Trudeau autorise la compétition directe au Canada.
« [Éliminer les quotas] pourrait saper la capacité des producteurs canadiens à vendre dans leur propre marché. »
L’autre soi-disant ligne rouge pour le gouvernement canadien, le chapitre 19, est cruciale pour le Canada depuis les premières négociations de l’ALÉNA menant à sa ratification en 1994.
« Le gouvernement canadien a traîné les États-Unis en arbitrage selon le chapitre 19 et a obtenu, dans nombre de cas, des décisions favorables pour le Canada. Les États-Unis proposent essentiellement d’éliminer ce mécanisme », affirme M. Sills.
« Ils n’aiment pas l’idée qu’une instance non américaine puisse réviser les droits compensatoires ou les décisions antidumping. »
Il est peu probable que la délégation canadienne permette aux États-Unis d’exporter du lait au Canada sans quota ou de se débarrasser du chapitre 19.
Signe positif
Un des signes positifs pour le Canada avant la première ronde de négociations est l’abandon par le Congrès américain d’une taxe frontalière mise de l’avant par le président de la Chambre Paul Ryan, selon laquelle tous les biens importés auraient été imposés.
C’est une bonne nouvelle pour Stephen Laskowski, président de l’Alliance canadienne du camionnage.
« Chaque fois qu’il y a des discussions concernant l’ALÉNA et les tarifs frontaliers, et qu’elles ont la possibilité de grandement modifier le commerce entre nos deux pays, c’est toute l’économie qui en est affectée. Pas seulement le camionnage, mais tous les manufacturiers ou les services qui sont impliqués dans le commerce nord-sud », affirme M. Laskowski.
En général, l’Alliance canadienne du camionnage est en faveur qu’il y ait moins de barrières tarifaires, contrairement à des organisations comme Les Producteurs laitiers du Canada.
« Il y a des risques pour les gagnants et les perdants des deux côtés. Ceci dit, l’idée générale de l’ALÉNA et de ses aspects commerciaux a été une bonne chose pour les États-Unis et le Canada ainsi que pour l’économie en général », estime M. Laskowski, ajoutant que tenir compte des préoccupations des différentes industries fait partie de l’équation.
« Nous discutons de plusieurs mesures concernant la diminution de la frontière ou sa simplification, avec la douane ou d’autres agences qui inspectent la marchandise des deux côtés. »
M. Laskowski indique avoir été encouragé par les efforts des gouvernements ontarien et fédéral pour influencer les décideurs locaux aux États-Unis contre le protectionnisme à la veille des négociations.
« J’estime que l’état d’esprit principal penchera vers une modernisation et une amélioration de l’ALÉNA au cours des prochains mois, et non sur son abolition », dit-il.
Malgré la promesse de Donald Trump durant la campagne présidentielle d’abolir l’ALÉNA, M. Sills croit qu’il est peu probable que ce chemin soit emprunté.
« Le problème pour [Trump] est que beaucoup d’emplois américains dépendent de l’accès libre au marché canadien. Selon certaines estimations, jusqu’à 9 millions d’emplois sont partiellement ou pleinement dépendants du libre-échange avec le Canada, donc s’il le déchire, il devra s’expliquer aux nombreux travailleurs qui auront perdu leurs emplois », affirme-t-il.
M. Sills souligne que les États du Nord-Est et du Midwest sont les régions qui ont les liens les plus forts avec le Canada sur le plan économique.
« Ce sont des régions château-fort pour lui – le Michigan, l’Ohio, la Pennsylvanie », fait-il remarquer.
« Avec les conséquences que cela pourrait avoir sur les travailleurs dans ces usines, [Trump] doit s’inquiéter à quel point cela pourrait affecter les élections de mi-mandat en 2018 et les élections présidentielles en 2020. »
Will Koblensky est un journaliste-pigiste basé à Toronto spécialisé en actualités financière, politique et locale.
Version originale : NAFTA Changes Will Amount to ‘More Than a Tweak’: Trade Expert
Comment pouvez-vous nous aider à vous tenir informés ?
Epoch Times est un média libre et indépendant, ne recevant aucune aide publique et n’appartenant à aucun parti politique ou groupe financier. Depuis notre création, nous faisons face à des attaques déloyales pour faire taire nos informations portant notamment sur les questions de droits de l'homme en Chine. C'est pourquoi, nous comptons sur votre soutien pour défendre notre journalisme indépendant et pour continuer, grâce à vous, à faire connaître la vérité.