ENTRETIEN – Le président de Reprenons le Contrôle et ancien candidat RN aux élections législatives Charles-Henri Gallois revient pour Epoch Times sur la conférence de presse tenue par François Bayrou sur les finances publiques. Il analyse également la politique économique protectionniste de Donald Trump.
Epoch Times : François Bayrou a tenu une conférence de presse sur les finances publiques. Il a notamment affirmé que « la France ne produit et ne travaille pas assez » et que la « dette est un piège dangereux ». Qu’avez-vous retenu de cette conférence de presse ?
Charles-Henri Gallois : Cette prise de parole était très surprenante, voire grotesque. On avait l’impression que François Bayrou et la macronie découvraient la situation et se dédouanaient de toutes les responsabilités.
Je rappelle que François Bayrou est à la tête d’un parti politique, le MoDem, qui a soutenu et voté tous les budgets depuis 2017.
Le bilan alarmant qu’il dressait en matière de finances publiques est en réalité le sien. Depuis que le bloc central est au pouvoir, la dette de la France s’est alourdie de 1087 milliards d’euros. En sept ans, la dette a autant augmenté qu’entre 1949 et 2004. C’est vertigineux !
Dans son discours, le Premier ministre a également souligné le poids trop important de la dépense publique, alors que ce sont bien les gouvernements macronistes successifs qui l’ont augmentée. En 2025, elle a augmenté de 378 milliards d’euros par rapport à 2017.
Ceux qui nous dirigent trouvent toujours des excuses pour tenter de justifier l’injustifiable. Ils mettent l’augmentation de la dette sur le dos de la crise sanitaire et de la guerre en Ukraine.
Mais nos voisins européens ont également vécu ces événements et affichent de meilleurs résultats économiques. Le ratio dette publique sur PIB de l’UE est le même fin 2024 qu’il ne l’était à fin 2017. Pour la France macroniste, on parle d’une hausse de 16 points.
Je pense que François Bayrou devrait donc faire preuve d’un peu plus de pudeur et s’excuser pour le bilan désastreux du bloc central et arrêter de critiquer les Français.
Le gouvernement entend réaliser 40 milliards d’euros d’économies en plus en 2026. N’est-ce pas incompatible avec la volonté de réarmer le pays ?
C’est bien entendu incompatible ou du moins difficilement conciliable. En bons technocrates, ceux qui nous gouvernent ont négocié avec Bruxelles pour tenter de concilier les deux. C’est-à-dire que dans les 800 milliards d’euros prévus pour la défense européenne, 650 sont des dépenses additionnelles qui ne seront pas incluses dans la règle des 3 % de déficit public de Maastricht. La belle affaire ! En 2024, le déficit public de la France s’élevait déjà à 5,8 % du PIB, bien au-delà de cette règle européenne.
Dans les faits, ces dépenses pour le réarmement vont se traduire par des charges financières additionnelles et donc une augmentation de la dette publique.
Le gouvernement nous explique que nous devons trouver 40 milliards d’économies pour 2026. Mais, il n’y aura pas de baisses des dépenses significatives engagées, c’est-à-dire de vrais efforts faits sur le millefeuille administratif, le coût de l’immigration, les innombrables agences publiques, la fraude sociale ou la contribution de la France à l’UE.
À la place, il va utiliser des artifices comme le déremboursement des médicaments en fonction des revenus ou le rabotage de certaines niches fiscales, autrement dit, des hausses d’impôts à peine cachées.
Comme d’habitude, les dépenses publiques ne vont pas baisser et le gouvernement, par facilité et lâcheté, va continuer à augmenter les impôts.
Donald Trump a annoncé une « pause » de 90 jours la semaine dernière des droits de douane réciproques pour 75 États, mais a toutefois averti cette semaine qu’aucun pays n’est « tiré d’affaires ». Vous avez écrit sur X que sa méthode était « brutale » et que « des droits de douane uniformes et tous azimuts sont un non-sens économique, à des années-lumière du protectionnisme intelligent. Qu’appelez-vous un protectionnisme intelligent ?
Il s’agit du protectionnisme qui est nécessaire pour réindustrialiser la France. Je ne crois pas à la mise en place de droits de douane de manière uniforme comme le fait Donald Trump.
En revanche, en instaurer filière par filière et les étaler dans le temps me paraît plus pertinent. Autrement dit, en cas de droits de douanes uniformes, le prix des produits augmenterait et les consommateurs français seraient les premiers pénalisés.
Cependant, arrêtons-nous sur la stratégie du président américain. Il n’a pas instauré des taxes douanières uniformes par manque d’intelligence. Il a avant tout cherché à sidérer le monde entier pour amener les pays à la table des négociations afin de réduire le déficit commercial américain qui est notamment de 300 milliards de dollars vis-à-vis de Pékin et de 200 milliards vis-à-vis de l’UE.
Il est évident qu’il ne va pas laisser des droits de douane uniformes sur tous les pays, y compris la Chine. J’observe qu’il y a déjà eu des exemptions sur les téléphones portables et les semi-conducteurs.
Malheureusement, la France subit cette politique américaine puisque la politique commerciale est une compétence exclusive de Bruxelles. Si notre politique commerciale était indépendante, il n’y aurait aucune raison que Donald Trump instaure des tarifs douaniers sur les produits français car nous enregistrons un déficit commercial de 4 milliards d’euros avec l’Amérique. In fine, nous payons le prix des excédents allemands et italiens.
Je constate aussi que les ripostes de la Commission européenne ne touchent que des filières qui, en cas de mesures de rétorsion, ne pénaliseraient pas l’industrie allemande, mais bien la nôtre.
Ce n’est pas une surprise. À chaque signature d’accords de libre-échange, l’exécutif européen est prêt à sacrifier les intérêts français au profit de ceux de Berlin.
La France a-t-elle réellement les moyens de mettre en œuvre une politique protectionniste ? N’y a-t-il pas un risque d’inflation et de représailles de la part d’autres pays ?
Il n’y a pas de risque si elle est mise en œuvre vis-à-vis de pays avec lesquels la France connaît un déficit commercial.
L’UE, quant à elle, a opté pour de légères mesures de représailles contre les États-Unis, malgré la communication, puisque Berlin et Rome sont en excédent commercial outre-Atlantique. Elle n’avait donc aucun intérêt à surenchérir et instaurer des barrières douanières hors normes.
L’économiste Nicolas Goetzmann a affirmé sur LCI la semaine dernière que « la guerre commerciale a été commencée par la Chine en 2015 avec le plan ‘Made in China 2025’ […] ce qui a été fait par Donald Trump correspond à une riposte ». Partagez-vous ce propos ?
La Chine avait déjà instauré des barrières douanières plus importantes bien avant Donald Trump.
Mais la guerre commerciale ne se fait pas seulement à coup de taxes douanières. Pékin bénéficie aussi d’un avantage compétitif considérable avec sa monnaie sous-évaluée et le faible coût de sa main-d’œuvre. En réalité, la Chine mène une guerre commerciale, mais de manière moins visible et brutale que Donald Trump.
L’Allemagne avec l’euro jouit du même atout que la Chine sur le plan monétaire. D’ailleurs, les 20 % de droits de douane mis en place par l’administration Trump contre l’UE calculés sur la base du déficit commercial correspondent plus ou moins à la sous-évaluation de la monnaie allemande, c’est-à-dire le taux de change qu’aurait Berlin en ayant conservé le Mark.
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