Canicule, feux de forêt, guerre en Ukraine… Après un été 2022 marqué par une actualité énergétique intense, il est temps de s’interroger sur la conduite à tenir pour faire face au changement climatique. À ce sujet, le Laboratoire sur les inégalités mondiales souligne que :
« 10 % des plus fortunés sont responsables de 48 % de toutes les émissions de gaz à effet de serre mondiales, tandis que les 50 % les plus pauvres ne sont responsables que de 12 % au total. »
Face à ce constat et à l’hiver qui se rapproche, on peut donc s’interroger sur les comportements de consommation des ménages les plus aisés, alors qu’une polémique a déjà éclaté ces dernières semaines au sujet de l’utilisation des jets privés.
Entre 8 % et 10 % en plus
Si on se base sur une abondante littérature en économie, on a tendance à trouver une relation positive entre le niveau de revenu et la consommation d’énergie. Cette relation positive peut être associée à plusieurs phénomènes, qui va d’une augmentation de la température de confort en hiver à l’achat de nouveaux équipements consommateurs d’électricité.
Par exemple, des études ont montré qu’une préférence déclarée pour le confort thermique pouvait se traduire par une hausse de la consommation d’énergie entre 8 % et 10 % selon les différentes estimations. Le niveau de revenu pourrait ainsi être perçu comme un indicateur pour évaluer un niveau spécifique de confort et de taux d’équipement.
De plus, les ménages les plus aisés, qui vivent souvent dans des maisons individuelles récentes et qui peuvent ajuster leur température de chauffage, ont tendance à consommer plus que ce que leur diagnostic de performance énergétique indique, comme nous l’avons relevé dans un article de recherche publié en 2021.
En approfondissant cette relation entre niveau de revenu et poids de la consommation énergétique (en se basant sur des données françaises récentes récoltées dans le cadre du projet de recherche PEPSI), nous obtenons que ceux qui déclarent préférer le confort thermique plutôt que de réaliser des économies d’énergie gagnent 7965 euros de plus par an que la moyenne des ménages.
Taux d’équipement en hausse
Si on regarde plus en détail, le lien entre la température moyenne de chauffage en hiver dans les pièces à vivre et le niveau de revenu (Figure 1), on constate que les ménages qui se chauffent en dessous de 19 °C gagnent relativement moins que les ménages qui peuvent maintenir une température adéquate.
Il en va de même pour ceux qui se chauffent à plus de 25 °C, mais ces derniers sont parfois dans l’incapacité de pouvoir ajuster leur température (en général, les ménages qui ne sont pas en mesure de pouvoir régler leur température de chauffage vivent dans des logements plus anciens et gagnent 4016 euros de moins par an).
En outre, parmi les ménages qui se chauffent à moins de 19 °C en hiver, ils sont plus des trois quarts à déclarer se restreindre.
Par ailleurs, si on considère que les ménages vivant dans les logements dotés de la meilleure étiquette énergétique (et qui ont donc moins besoin d’énergie pour se chauffer), notés A, ont un revenu moyen supérieur de 13 000 euros par rapport à ceux qui vivent dans des logements notés G, on remarque également que les ménages les plus aisés dépensent nettement plus en facture d’électricité et de chauffage, ce qui semble réaffirmer une préférence avérée pour le confort thermique et l’utilisation d’appareils électroménagers (Figure 2).
Après « le deuxième été le plus chaud observé en France depuis au moins 1900 avec un écart de +2,3 °C par rapport à la moyenne 1991-2020 » en 2022 selon Météo France, on peut donc s’interroger sur l’évolution des dépenses d’électricité des ménages français dans les années à venir.
En effet, d’une façon générale, le taux d’équipement des ménages en système de rafraichissement augmente depuis 2020. Ce sont particulièrement les ménages propriétaires (75 % des détenteurs de système de refroidissement en 2020), souvent chef d’entreprise, indépendant ou cadre et résidants en maison individuelle qui entretiennent cette hausse (60 %).
Cette tendance risque désormais de s’accentuer si l’on veut pouvoir assurer le confort thermique et le bien-être de chacun. Il va donc être plus que nécessaire de trouver des solutions pérennes pour assurer le confort thermique d’hiver et d’été en veillant à ne pas creuser les inégalités.
Si les innovations technologiques permettront probablement de limiter le poids des consommations sur le climat, une solution consiste également à poursuivre les efforts dans l’amélioration de l’efficacité énergétique des bâtiments tout en veillant à informer les ménages les plus aisés du poids de leur consommation sur le climat.
Dorothée Charlier, Maîtresse de conférences en économie de l’énergie et de l’environnement, Université Savoie Mont Blanc
Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.
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