En Mésopotamie, les Sumériens faisaient peut‑être comme la plupart des gens aujourd’hui : ils s’arrêtaient au café en rentrant chez eux. C’est ce que prouvent certaines découvertes récentes.
Les vestiges d’une « taverne » – comprenant un système de refroidissement archaïque, un four, des bancs, des bols et des gobelets – ont été mis au jour par des chercheurs à Lagash, une ancienne zone urbaine du sud de l’Irak.
Des archéologues du Penn Museum et de l’Université de Pise ont entrepris des travaux sur la vie des populations qui se sont livrées aux premiers métiers industriels, à savoir la production de poterie, révélant potentiellement l’existence d’une ancienne « classe moyenne ».
Cette découverte va à l’encontre de ce que l’on pensait jusqu’à présent, à savoir que seules deux classes – élite et esclave – existaient dans cette partie du monde à cette époque.
Situé dans l’actuelle Al‑Hiba, Lagash était un important centre urbain de 450 hectares entre 3500 et 2000 av. J.‑C. « C’était un grand centre politique, économique et religieux, avec une population importante et une ville très élaborée », explique pour Epoch Times le Dr Holly Pittman, directrice du projet au Penn Museum.
Les premières fouilles scientifiques ont eu lieu ici de 1968 à 1978, tandis que la dernière saison de recherche en 1990 a été interrompue par la guerre du Golfe. Instigatrice de la reprise des fouilles, Holly Pittman a succédé à Donald Hansen à la tête du projet en 2007.
Les fouilles n’ont pas repris avant 2019 après une longue interruption, et novembre 2022 a vu la fin de la quatrième saison de fouilles. Ces dernières découvertes ont commencé à apporter un nouvel éclairage sur la façon dont les Mésopotamiens « moyens », hors élites, vivaient autrefois, il y a 5000 ans.
En utilisant la photographie par drone et la magnétométrie au‑dessus de la zone, ils ont identifié des preuves de combustion ancienne, indiquant la présence de pas moins de 11 fours. Les structures en briques de boue ont été durcies par la chaleur, ce qui les a préservées au fil des millénaires.
Ce que l’on pensait être un simple four sur le site de cette « taverne » s’est avéré être « un grand four de cuisson », explique le Dr Pittman, et le site semblait présenter « toutes les caractéristiques associées à ce qu’ils ont identifiés comme une ‘cantine publique’ ».
Sous la direction du Dr Sara Pizzimenti, de l’Université de Pise, les chercheurs ont fait une analyse microstratigraphique des couches de dépôt horizontales, une par une. En examinant chacune d’entre elles avec un soin chirurgical – plutôt que de creuser directement vers le bas – ils ont pu « voyager dans le temps » pour révéler chaque petit détail.
Après avoir dégagé les lieux d’un mur à l’autre jusqu’au sol, la structure s’étendait sur surface de 3 m sur 6 m, et d’une profondeur de 18 cm à 30 cm.
Outre le four, il y avait des bancs, des fragments de bols et de gobelets en céramique anciens, des restes de nourriture et un « dispositif de refroidissement » anciens de 5000 ans, appelé zeer, pour tenir au froid les rafraîchissements.
« C’est un plan circulaire, probablement d’un mètre de diamètre », explique le Dr Pittman. « Au milieu creux de ce cercle se trouve un espace dans lequel est placé un grand bocal ». C’est un « dispositif de refroidissement » constitué d’une jarre entourée par « de grands récipients en céramiques brisés superposés »… une sorte de « réfrigérateur » en argile. Comme la cavité est souterraine, elle était probablement couverte et maintenue au frais avec l’aide de la ventilation et de l’évaporation de l’eau dans les conteneurs trouvés dans ses environs.
Selon les chercheurs, il est concevable qu’après une journée de travail à mouler des pots en argile ou à transpirer près d’un four chaud, les ouvriers céramistes aient fréquenté la taverne, profitant de son cadre en plein air pour siroter une bière fraîche et prendre un repas cuisiné.
« Nous avons des gobelets qui auraient été utilisés pour de la bière », poursuit le Dr Pittman, rappelant que c’était « de loin la boisson la plus commune pour les Sumériens, peut‑être même plus que l’eau ».
« La plupart du travail effectué sur les autres sites se concentre sur les rois et les prêtres, les élites en somme, et c’est très important », souligne‑t‑elle. Mais les gens ordinaires sont aussi importants surtout que « plusieurs ateliers de céramiques dotés de fours » laissent penser que Lagash était « un centre important pour la production artisanale de masse, assurée par ces gens du communs, ville dont les habitants dépendaient également de l’agriculture, de l’élevage, de la pêche, mais aussi de l’échange de marchandises ».
« La taverne prouve l’existence d’une infrastructure sociale et économique – peut‑être politique – qui était utilisée il y a 5000 ans. Jusqu’à présent, personne n’a vraiment étudié la vie, le travail et l’économie des gens ordinaires à cette période de la civilisation. »
Le Dr Holly Pittman et son équipe espèrent également que l’association étroite du projet avec les archéologues et les villageois irakiens locaux, en leur fournissant une formation, suscitera leur intérêt pour faire revivre ce riche patrimoine ancien.
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