Au coeur d’un des plus anciens terroirs viticoles d’Europe, de lourdes grappes de raisins sèchent à même le sol, colorant les champs de mauve et d’or. A Chypre, les vendanges pour le vin doux Commandaria, appellation d’origine protégée, battent leur plein. « J’ai le coeur qui bat à chaque instant car c’est un vin à risque », explique à l’AFP Filippos Karseras, propriétaire avec son père Panayotis d’un vignoble à Doros, village de la région de Limassol (sud).
Chaque jour, il scrute avec attention le ciel, espérant le voir parfaitement bleu.
Car à quelques centaines de mètres de la cave où vieillit le vin des récoltes précédentes, les raisins cueillis cette année sèchent au soleil, alignés en rangées d’une cinquantaine de mètres de long, selon la technique du « passerillage ».
Les grappes du cépage chypriote « Mavro » (noir) côtoient celles du « Xinisteri » (blanc) pour s’enrichir en sucres durant 10 jours. « Si nous avons de la pluie maintenant, c’est la destruction », relève Filippos.
En septembre, autour des 14 villages autorisés à produire ce vin qui aurait fait les délices du roi Richard Cœur de Lion, ces champs de raisins « prenant le soleil » parsèment la campagne. Tout autour, des oliviers, des figuiers de Barbarie et des amandiers.
Dans cette île au climat aride, la production peut varier énormément d’une année à l’autre selon la pluviométrie.
Chypre a produit 3.339 hectolitres de Commandaria en 2017, mais seulement 1.971 hectolitres en 2014, selon des chiffres du ministère de l’Agriculture transmis à l’AFP. Le vignoble labellisé pour ce vin couvre 408 hectares. Ce vin à la couleur ambrée ne peut être vendu au détail qu’après avoir vieilli au moins deux ans en fûts de chêne.
A quelques kilomètres de Doros, dans les collines constituant les contreforts du massif des Troodos, cinq ouvriers s’activent eux à récolter manuellement le raisin à partir de six heures du matin. Comme dans d’autres pays viticoles, les vendangeurs viennent parfois de loin. Élégant turban mauve sur la tête, Karepreet Singh, originaire du Pendjab, une région du nord de l’Inde, vendange pour contribuer à payer ses études à Chypre.
De nombreux amateurs de Commandaria sont eux originaires de Russie, un pays entretenant d’étroites relations avec Chypre. « Les Russes achètent 75% de notre production vendue au détail à la cave », explique M. Karseras. Le Commandaria est exporté jusqu’en Chine, aux Etats-Unis et en Australie.
Les chevaliers de Saint-Jean et les Templiers, donnèrent au vin le nom Commandaria
Si de nombreux jeunes délaissent l’agriculture au profit des services, Filippos, 33 ans, se dit « heureux » de maintenir en vie ce vin si particulier évoqué dans les grands récits antiques. « Le vin des dieux et des rois », insiste le ministère de l’Agriculture en rappelant qu’à l’origine cette boisson alcoolisée s’appelait « Nama », « le nectar ».
Après l’installation de deux ordres religieux et militaires à Chypre au Moyen-Age, les chevaliers de Saint-Jean et les Templiers, le vin devient Commandaria du nom des structures foncières (commanderies) autorisées à lever des revenus par différentes activités, explique à l’AFP Alexeï Golovanov, guide au musée du vin Commandaria à Sylikou. Le Commandaria « est dans notre ADN » depuis des milliers d’années, clame Filippos Karseras.
DC avec AFP
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