L’enjeu stratégique des terres rares dans la guerre en Ukraine

Par Germain de Lupiac
25 février 2025 06:24 Mis à jour: 25 février 2025 06:24

Les terres rares sont des métaux stratégiques indispensables à l’économie de demain. Elles sont nécessaires dans la fabrication des technologies de la transition énergétique, de l’intelligence artificielle, des écrans de télévision, des drones, des fusées, etc.

L’Ukraine concentre à elle-seule 5 % des ressources minières mondiales et possède selon la Commission européenne « plus de vingt matières premières critiques », parmi lesquelles du fer, du manganèse, de l’uranium, du lithium, du mercure, du gallium, etc.

Mais si l’Ukraine possède d’importantes ressources naturelles, la plupart d’entre elles se trouvent dans des régions en partie contrôlées par la Russie ou menacées par l’avancée des troupes russes.

Dans le contexte du processus de paix en Ukraine, le président américain Donald Trump dit vouloir conditionner l’aide militaire américaine à des contrats d’extraction des terres rares ukrainiennes. L’Europe n’est pas non plus étrangère à cette course aux ressources minières présentes dans le sous-sol ukrainien.

L’état des terres rares dans le monde

Dysprosium, néodyme, cérium… Les terres rares sont composées de 17 matières premières regroupées sous une même appellation et souvent présentes dans les mêmes sols.

Une fois le minerai récupéré dans la terre, il fait l’objet d’un traitement de « séparation » pour le distinguer les différents minéraux, par le biais d’opérations chimiques impliquant parfois des acides. Elles sont considérées comme abondantes sur la planète.

Dans un bilan de 2024, l’US Geological Survey évaluait à 110 millions de tonnes les réserves mondiales, dont plus du tiers, 44 millions de tonnes, situées en Chine, 22 millions au Vietnam, 21 millions au Brésil, 10 millions en Russie et 7 millions en Inde.

« Plus la demande progresse pour ces matières premières, plus les gens en cherchent et plus ils en trouvent. Le problème est davantage dans la relation entre le coût d’extraction et le prix de marché », analyse John Seaman, chercheur à l’Institut français des relations internationales.

Or la demande devrait continuer à augmenter. Pour atteindre la neutralité carbone en 2050, l’UE aura par exemple besoin de 26 fois plus de terres rares qu’aujourd’hui, a calculé l’université KU Leuven pour Eurométaux, l’association européenne des producteurs de métaux.

Des métaux indispensables à l’économie de demain

Chacun de ces minéraux a son utilité pour l’industrie, entre l’europium utile aux écrans de télévision, le cérium destiné au polissage du verre ou le lanthane pour les catalyseurs dans les moteurs à essence. On peut en trouver aussi bien dans un drone, une éolienne, un disque dur, un moteur de voiture électrique, une lentille de télescope ou un avion de chasse.

Irremplaçables parce que leurs propriétés sont parfois uniques, ils sont par exemple privilégiés pour fabriquer les aimants permanents des éoliennes en mer, grâce aux qualités du néodyme et du dysprosium. Une fois installés, les aimants nécessitent peu d’entretien et affichent de fortes performances, facilitant le fonctionnement de ces équipements installés loin des côtes.

L’Ukraine a déclaré qu’elle était l’un des dix premiers pays au monde en termes de réserves prouvées de titane et qu’elle représentait 7 % de la production mondiale. En 2023, les États-Unis ont importé plus de 95 % de leur titane, selon l’Institut d’études géologiques des États-Unis (USGS), référence mondiale dans le domaine. Le titane est utilisé dans l’aérospatiale et l’électronique.

Le gouvernement ukrainien a déclaré qu’il était l’un des cinq premiers pays au monde en termes de réserves de graphite avec environ 19 millions de tonnes du précieux minerai. Avant l’invasion de l’Ukraine par la Russie en 2022, la production de graphite en Ukraine était d’environ 10.000 tonnes par an, selon l’USGS, mais elle a chuté de 95 % en 2023 en raison du conflit.  En 2023, les États-Unis ont importé tout leur graphite, qui a diverses utilisations industrielles, notamment dans la fabrication de batteries.

En 2022, l’Ukraine se classait au 10eme rang mondial de la production de fer, selon World Mining Data. Avant l’invasion russe, l’Ukraine était le cinquième plus grand exportateur de minerai de fer au monde avec 6,8 milliards de dollars en 2021, selon le Kyiv Post.

L’Ukraine dispose également de réserves substantielles d’autres éléments recherchés, notamment le mercure et le gallium, un métal utilisé dans l’électronique.

Les minerais stratégiques du sous-sol ukrainien

L’Ukraine concentre à elle-seule quelque 5 % des ressources minières mondiales, mais toutes ne sont pas exploitées. L’Ukraine se place en 40eme position des pays producteurs de minerais, toutes catégories confondues (charbon inclus), selon l’édition 2024 de la publication de référence World Mining Data.

Dans un ouvrage publié en 2023 par le Bureau français de recherches géologiques et minières (BRGM), des géologues ont fait l’inventaire de plus d’une centaine de ressources, dont le fer, le manganèse ou encore l’uranium. Le pays était en 2022 le 10eme producteur mondial de fer, selon World Mining Data.

L’Ukraine produit notamment trois minerais critiques : manganèse (8eme producteur mondial selon World Mining Data), titane (11eme) et graphite (14eme), indispensable pour les batteries électriques.

Le lithium, également indispensable pour les batteries et les téléphones, est aussi considéré comme un minerai critique, c’est-à-dire qu’il existe des craintes de perturbations de son approvisionnement. L’Ukraine dit avoir sur son territoire « une des plus vastes ressources » de lithium en Europe. Mais « à ce jour, le lithium n’est pas extrait en Ukraine », précise le gouvernement.

Le pays déclare aussi posséder des terres rares stratégiques comme le béryllium, présent dans l’aérospatial, dans six zones, dans des quantités limitées.

Si l’Ukraine dispose de plusieurs dépôts contenant des terres rares, « aucun n’est ou n’a été exploité », explique le professeur Elena Safirova, spécialiste de l’Ukraine à l’USGS. Le pays a des « ressources significatives » de terres rares abonde le géologue ukrainien Boris Malyuk.

L’eldorado des terres rares ukrainiennes

Le président Volodymyr Zelensky a appelé le 8 février ses alliés occidentaux à « investir » dans l’exploitation des ressources naturelles de l’Ukraine, faisant écho aux déclarations de Donald Trump qui a dit vouloir obtenir un accès aux terres rares ukrainiennes.

« Nous avons des ressources minérales, mais cela ne veut pas dire que nous les donnons à n’importe qui, y compris aux partenaires stratégiques », a indiqué Zelensky sur Telegram. Début février, le président américain Donald Trump affirmait vouloir négocier un « accord » avec l’Ukraine de manière à ce qu’elle offre une « garantie » sur ses terres rares, en échange de la cruciale aide américaine.

Selon Volodymyr Zelensky, les terres rares se trouvant dans le sol ukrainien représentent « des milliards, des milliers de milliards d’argent ». Le président ukrainien s’est aussi dit prêt à « conclure des contrats » de fourniture à l’Ukraine de gaz naturel liquéfié (GNL) afin de devenir une « plaque tournante pour toute l’Europe ».

Sur la table des négociations, une adhésion à l’Union européenne – voire à l’Otan, une protection militaire en cas d’accord de paix, des partenariats commerciaux, etc.

Mais si l’Ukraine possède d’importantes ressources naturelles et des terres rares, la plupart d’entre elles sont au cœur de la guerre depuis février 2022, car elles se trouvent majoritairement dans des régions en partie contrôlées ou menacées par la Russie.

Les terres rares, le nerf de la guerre

Forbes Ukraine a estimé en avril 2023 que les ressources en minerais de l’Ukraine s’élevaient à 111 milliards de tonnes, pour une valeur de 14.800 milliards de dollars – principalement du charbon et du minerai de fer.

Mais plus de 70% de ces ressources se trouvent dans les régions de Donetsk et Lougansk, en partie contrôlées par la Russie, et dans celle de Dnipropetrovsk, où les forces de Moscou s’approchent.

La demande de lithium, essentiel à la fabrication des batteries des véhicules électriques, est en plein essor.  Selon Forbes Ukraine, en 2023 l’Ukraine possédait 33 millions de tonnes de lithium, d’une valeur de 38 milliards de dollars.

Mais les troupes russes progressent près d’un grand gisement de lithium dans la région de Donetsk et ont mis la main sur un autre gisement à Kruta Balka dans la région de Zaporijjia.

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