Définie par Merriam Webster comme « l’art de parler ou d’écrire efficacement », la pratique systématique de la rhétorique a débuté dans la Grèce antique, où des orateurs naturellement doués utilisaient leurs talents d’orateurs pour défendre leurs clients devant les tribunaux.
Lorsque la rhétorique est passée du statut d’outil de défense juridique à celui d’activité éducative pour un plus grand nombre de professionnels, les rhéteurs ont été à la fois félicités et blâmés pour avoir enseigné comment manipuler les émotions et les opinions par le biais de l’élocution.
Dans l’un des textes antiques les plus populaires sur l’art de la rhétorique, De Oratore, l’homme d’État romain Cicéron dresse le portrait de « l’orateur idéal ». Quels sont les principaux traits de caractère d’un bon orateur ? Comment le puissant outil qu’est l’art oratoire peut-il être utilisé à bon escient ? Les réponses de Cicéron sont plus que jamais d’actualité.
De Oratore : de l’orateur idéal
Écrit en 55 avant J.-C., le De Oratore est un dialogue en trois livres entre Lucius Licinius Crassus, Marcus Antonius et quelques personnages secondaires. À travers les expériences et les opinions de ses interlocuteurs soigneusement sélectionnés, Cicéron décrit la nature de l’art oratoire et les qualités qui définissent le meilleur orateur possible. Bien qu’il concerne principalement la politique, De Oratore peut également être lu comme un manuel universel destiné à toute personne désireuse de devenir un meilleur orateur et un meilleur penseur.
Dès le début, Crassus affirme que l’éloquence est nécessaire mais insuffisante pour devenir un grand orateur. Un orateur ne doit pas se contenter de maîtriser son discours. Antonius répond par un point de vue plus pragmatique, suggérant que ce qui compte le plus est la capacité d’adapter ses paroles à différents publics et circonstances.
Au fil du dialogue, on sent que la loyauté de Cicéron va surtout à Crassus. À travers une série de désaccords édifiants entre ses porte-parole, Cicéron présente cinq qualités essentielles que tout grand orateur doit posséder.
1. Connaissance des faits
La première exigence de Cicéron pour un orateur idéal est simple : connaître les faits. Un avocat peut-il « attaquer ou défendre un commandant en chef sans expérience de l’art de la guerre » ? Ou peut-il « s’adresser à l’assemblée populaire en faveur de l’adoption ou du rejet de propositions législatives, ou au Sénat au sujet de l’un des départements de l’administration de l’État, s’il ne dispose pas d’un savoir consommé » ?
On ne peut pas être convaincant si l’on connaît peu ou pas du tout son sujet. Un orateur doit savoir de quoi il parle. C’est une chose simple, mais Cicéron aurait pu être surpris par l’état du discours aujourd’hui.
2. Une large formation
Pour devenir aussi compétent que possible, un orateur doit suivre une formation générale. Cicéron était particulièrement impressionné par Aratus, un poète qui chantait des odes au ciel. Si quelqu’un comme Aratus, qui ne connaissait rien de substantiel à l’astronomie, pouvait réciter d’excellents poèmes sur les étoiles, « quelle raison y a-t-il pour qu’un orateur ne disserte pas avec la plus grande éloquence des sujets qu’il a préparés pour un exposé et une occasion spécifiques » ?
Un orateur doit être capable de parler de nombreux sujets, non pas pour étaler avec arrogance sa supériorité intellectuelle, mais plutôt pour montrer la profondeur qui sied à une personne de haut rang : « Nul ne doit être compté parmi les orateurs s’il n’est pas accompli » dans le plus grand nombre d’arts possible.
3. Maîtrise de la psychologie humaine
L’orateur idéal doit également posséder une connaissance approfondie de « toutes les émotions mentales ». Une compréhension approfondie des peurs, des désirs et des motivations fournit une feuille de route utile pour aborder un discours dans une circonstance spécifique : « C’est en calmant ou en attisant les sentiments de l’auditoire que l’on peut mettre en œuvre toute la puissance et la science de l’art oratoire ». L’étude de la psychologie et des techniques appropriées pour susciter des réactions émotionnelles de la part d’un auditoire est nécessaire pour affiner ses pouvoirs rhétoriques.
4. Une mémoire vive et étendue
À l’heure où nous confions nos vies aux algorithmes et à l’automatisation, nos mémoires à court et à long terme risquent d’en pâtir. Pourtant, la mémoire est fondamentale pour toute prise de parole professionnelle. Cicéron a écrit que si un orateur n’avait pas mémorisé « l’histoire complète du passé et un ensemble de précédents », il n’atteindrait pas son idéal. Cette norme est très exigeante, mais elle nous sert de boussole pour devenir de meilleurs rhétoriciens. »
Pour améliorer notre capacité à retenir les histoires et les informations, Cicéron nous suggère d’apprendre le plus grand nombre possible d’ouvrages écrits. Il ne s’agit pas seulement de lire un livre pour essayer de le comprendre. Il s’agit d’apprendre par cœur des passages mémorables de ce livre, afin de pouvoir les réciter sur commande, en cas de besoin.
Cicéron évoque une autre technique toujours populaire parmi les champions de la mémoire : le palais de la mémoire. Pour créer un palais de la mémoire, il faut choisir un lieu familier, « former des images mentales des faits » dont on veut se souvenir et « stocker ces images » dans notre lieu familier. En parcourant le palais de la mémoire avec notre imagination, nous pouvons nous remémorer les faits dont nous voulons nous souvenir.
Quelle que soit l’approche, une mémoire robuste et spacieuse est essentielle. Une mémoire faible est synonyme de déchéance intellectuelle, qui n’a pas sa place dans les domaines les plus élevés de la vie politique et publique.
5. Intégrité morale
En plus d’être un manuel précieux pour devenir un orateur convaincant, De Oratore met en garde contre l’utilisation abusive des pouvoirs rhétoriques à des fins néfastes. Savoir manipuler les émotions par la parole est une compétence puissante, en particulier en politique. Cicéron, qui a été témoin de plusieurs vagues de bouleversements sociaux violents, savait que la persuasion pouvait être exploitée par des orateurs sans scrupules.
Pour éviter d’aider des acteurs mal intentionnés avec ses instructions spécifiques, Cicéron a souligné la nécessité d’étudier la philosophie morale. La philosophie, pensait-il, nous aide à nous forger un caractère moral, qui complète les prouesses rhétoriques de l’orateur. Les objectifs de l’orateur doivent être nobles et bienveillants, tout comme les intentions qui sous-tendent ses paroles. Si ses idées, son articulation, son discours et tous les autres aspects de sa performance rhétorique ne reposent pas sur une base morale solide, s’ils sont motivés par l’égocentrisme et la tromperie, cet orateur n’a pas atteint cet idéal et mérite une franche critique.
Notre environnement politique encourage-t-il une rhétorique saine ? Nos dirigeants incarnent-ils les attributs de Cicéron ou tout au moins y aspirent-ils ?
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