Vingt-quatre ans après « Le péril jeune », il a gardé intact son attrait pour les rôles qui bousculent sa nature: à 44 ans, Romain Duris poursuit sa mue d’acteur avec la curiosité dévorante d’un jeune premier, conscient que « tout peut s’arrêter ».
L’acteur fétiche de Cédric Klapisch qui l’a révélé en 1994 évoque son besoin impérieux de « prendre des risques » et « d’être surpris » pour prendre du plaisir et libérer son jeu. « S’il y a une chose qui me fait peur, c’est de faire ce métier confortablement et d’occuper une place avec un parcours. Je suis pourtant à un âge où je pourrais être dans le confort », relève le comédien aux 52 films, rencontré cette semaine au Festival des Arcs (Savoie).
Forgé à l’occasion de ses premiers pas devant la caméra, cet état d’esprit n’a jamais cessé de guider ce « terre à terre » autrefois désinvolte, qui a bâti « sur le tas » et « sans méthode » une filmographie au service d’un travail d’acteur en « constante mutation ». « J’attends du cinéma qu’il soit explosif, étrange et risqué. C’est ainsi que je le trouve excitant. J’aime avoir la sensation qu’un film me fait avancer dans la vie. Jouer avec ma nature, ça m’intimide », abonde-t-il, justifiant pourquoi il a refusé la plupart des sollicitations internationales.
Nommé aux Prix Lumières de la presse internationale, avant les César ? pour son rôle dans « Nos batailles » de Guillaume Senez, Romain Duris mesure sa chance d’avoir débuté dans la peau de personnages « entiers et complexes » qui « trimbalaient une humanité », estimant que la nouvelle génération est moins bien lotie. « À l’époque, je n’avais aucune expectative… Je fonçais ! L’important était de ne pas avoir peur et j’en ai fait une force. C’était de la désinvolture, mais pas du je-m’en-foutisme. Je prenais la chose très au sérieux », se souvient-il.
L’acteur cite sa rencontre avec Jacques Audiard et sa partition « intense, sensible et fragile » dans « De battre mon cœur s’est arrêté » (2005) – comme l’une des étapes fondatrices de sa carrière. L’une de celles qui ont « profondément bouleversé » l’homme qu’il est. « C’était vibrant, physique et précieux. On ne sort pas si facilement de ce genre de rôles. C’est un film qui m’habite encore », souligne Romain Duris, rappelant son goût pour les scénarios « verrouillés, maîtrisés ».
Plus tard, c’est aux côtés de Patrice Chéreau pour « Persécution » (2009) qu’il franchit un nouveau cap, explorant « le vrai travail d’acteur ». « Il m’a appris à m’approprier un texte, à remplir un espace, habiter des silences et à me lâcher, à improviser. Il m’a donné des bases incroyables », explique-t-il.
Mais c’est après le succès de « L’auberge espagnole » (2002), autre film de Klapisch dans lequel il interprète le « gauche et naïf » Xavier Rousseau – dont il craignait que le spectateur le trouve « con et chiant », que Romain Duris a scellé son souhait de s’épanouir dans le cinéma. « Toute cette angoisse pour mon personnage m’a poussé à énormément travailler pour donner une épaisseur à sa légèreté. À mon âge [28 ans,], c’était une vraie composition, une immersion totale. J’allais à la fac, je traînais avec des étudiants… Je n’aurais pas continué ce métier si mon interprétation n’avait pas fonctionné ».
En 2019, les cinéphiles découvriront Romain Duris, barbe noire fournie et cheveux longs dans « Vernon Subutex », une série de Canal+ adaptée de la célèbre saga littéraire de Virginie Despentes.
Pour s’imprégner de son personnage, un ancien disquaire au chômage devenu SDF dont la « trajectoire extraordinaire » l’a « happé humainement », l’acteur a beaucoup « traîné dans Paris », sur les lieux arpentés par ce héros « entier et puissant », puis s’est mis en quête d’une « dimension intérieure » pour se glisser dans sa peau. « Je me suis demandé ce que c’est que de vivre sans rien. J’ai ouvert une porte en moi que j’ai tenté d’explorer », décrit-il, reconnaissant, comme pour « Vernon Subutex », la « dimension psychanalytique » de certains rôles qu’il a autrefois interprétés.
D.C avec AFP
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