Cinq grands tableaux illustrant des scènes célèbres de la littérature

La littérature et la poésie classiques ont le pouvoir d'inspirer de grandes œuvres d'art. Nous examinons cinq œuvres ayant un lien étroit avec des légendes, des pièces de théâtre et des mythes

Par Walker Larson
16 avril 2025 16:19 Mis à jour: 16 avril 2025 16:40

Le croisement des arts visuels et de la littérature constitue un terrain fertile pour l’épanouissement de la créativité. L’un des grands trésors de la civilisation occidentale est la « conversation » permanente qui a lieu au fil des siècles entre les poètes, les peintres et les philosophes, tous réagissant aux idées et aux expressions artistiques les uns des autres.

Chaque œuvre d’art d’inspiration littéraire commente la littérature qui l’a produite. Elle interprète la vision de l’auteur, ajoute de la profondeur à son œuvre, tout en devenant une nouvelle vision – une nouvelle œuvre d’art à part entière.

L’exploration de cette conversation artistique est un véritable plaisir pour les critiques littéraires et les spécialistes de l’art. Dans une relation synergique et réciproque, l’art éclaire la poésie tandis que la poésie éclaire l’art.

Voici cinq exemples de l’interaction artistique dans toute sa splendeur.

La Chute d’Icare de Pieter Bruegel (1560)

Comme le tronc d’un arbre, cette peinture du maître hollandais Pieter Bruegel l’Ancien est issue d’une tradition littéraire et constitue la base de ramifications littéraires ultérieures. Bruegel y a représenté une scène du mythe grec d’Icare et Dédale.

La Chute d’Icare, 1560, par Pieter Bruegel l’Ancien. Huile sur toile ; 73,5 cm x 112 cm. Musées royaux des Beaux-Arts de Belgique, Bruxelles. (Domaine public)

Dans ce mythe, le roi Minos de Crète recrute l’inventeur Dédale pour fabriquer un labyrinthe complexe dont il est impossible de s’échapper et qui servira de prison au monstre Minotaure. Mais une fois que Dédale a accompli sa tâche, le roi Minos ne lui permet pas, ni à son fils Icare, de rentrer chez eux. Minos les enferme dans une tour.

Dédale, plein de ressources, crée deux paires d’ailes faites de plumes et de cire pour que lui et son fils puissent s’échapper. Mais Icare, ignorant les avertissements de son père, vole trop près du soleil. La cire fond, les plumes se détachent et Icare plonge dans l’océan pour y mourir.

Bruegel a fait un choix intéressant en dépeignant le moment de la mort d’Icare. Il a placé Icare et son impact sur l’océan à l’arrière-plan, si petit qu’un passant n’aurait même pas remarqué les deux petites jambes disparaissant dans la mer d’un vert profond. Le tableau de Bruegel se concentre sur un grand et magnifique navire qui prend la mer et sur un laboureur qui travaille dans un champ au premier plan.

Le célèbre tableau a inspiré un poème célèbre au poète moderniste W. H. Auden. Dans ce poème, Auden réfléchit au fait que la plupart des personnages du tableau de Bruegel n’ont pas conscience de la tragédie d’Icare :

Sur la souffrance, ils ne se trompaient jamais,

Les Vieux Maîtres : comme ils comprenaient bien

Sa place dans la vie humaine, et qu’elle se produit

Pendant que quelqu’un d’autre est en train de manger

ou d’ouvrir une fenêtre ou bien de passer avec indifférence.

C’est ainsi que le grand art engendre le grand art dans un cycle incessant.

La Douleur d’Andromaque par Jacques-Louis David (1783)

La douleur et les regrets d’Andromaque sur le corps d’Hector, couramment abrégé en La Douleur d’Andromaque est un tableau peint par Jacques-Louis David.

Les lecteurs de l’Iliade connaissent l’un de ses aspects les plus magnifiques et les plus émouvants : la relation entre le héros troyen Hector et sa femme aimante, Andromaque. Hector est le prince de Troie qui maintient les défenses de la ville contre les Grecs assiégeants. Son leadership, son courage et son habileté au combat font de lui la clé de voûte de la sécurité de la ville. C’est aussi un père et un mari attentionné.

L’une des scènes les plus touchantes du poème se déroule lorsqu’Hector rentre dans la ville après la bataille pour rendre visite à son Andromaque et à leur fils, Astyanax. Il joue tendrement avec l’enfant et réconforte sa femme, qui le supplie de ne pas retourner à la guerre. Malgré les protestations de sa femme, Hector retourne au combat, en grande partie pour la protéger.

À la fin, cependant, il échoue, réduit en poussière par la main puissante d’Achille. Le tableau de David représente Andromaque et Astyanax pleurant le corps d’Hector.

David a dépeint la scène avec une telle habileté technique et un tel pathos dramatique qu’elle lui a valu d’être élu à l’Académie Royale en 1784.

La Douleur d’Andromaque, 1783, par Jacques-Louis David. Huile sur toile ; 275 cm x 203 cm. Musée du Louvre. (Domaine public)

Dans le rendu de David, la lumière tombe le plus lourdement sur Andromaque inconsolable. Elle tourne les yeux vers le haut et s’éloigne du corps d’Hector, qui est étendu devant elle. Le cadavre est à moitié dans l’ombre. L’obscurité semble empiéter sur le bord gauche de l’œuvre, comme l’ombre de la mort elle-même.

La scène du Banquet dans Macbeth de Shakespeare par Daniel Maclise (1840)

Cette peinture puissante de Daniel Maclise coupe le souffle des spectateurs par son utilisation réaliste de l’ombre et de la lumière, son atmosphère obsédante et ses poses dramatiques.

Elle dépeint le moment où, dans Macbeth de Shakespeare, le personnage principal voit le fantôme de Banquo, son ancien ami et victime de son meurtre. La victime est assise sur le propre trône de Macbeth lors d’un festin que le roi organise pour ses thanes (similaires à des barons, ndlr). Banquo a subi des dommages collatéraux lors de la descente cauchemardesque de Macbeth dans la jalousie, la paranoïa et la cruauté. Macbeth réagit avec stupeur et horreur à la vision spectrale. Sa femme, Lady Macbeth, tente rapidement d’expliquer son comportement étrange aux invités confus, qui ne voient pas l’esprit.

La scène du Banquet dans Macbeth de Shakespeare, 1840, par Daniel Maclise. Huile sur toile ; 183 cm x 305 cm. Guildhall Art Gallery, Londres. (Domaine public)

Des flammes sauvages du lustre au balayage du bras de Lady Macbeth et à la figure de Macbeth qui recule (contrastant avec la silhouette immobile du dos du fantôme), le tableau possède une énergie puissante et légèrement déséquilibrée. Il reflète la descente de Macbeth au bord de la folie, alors qu’il commence à perdre le contrôle de sa situation.

Les ombres sombres sur les bords de la composition reflètent les ténèbres, la sorcellerie et le mal qui entourent Macbeth dans la plus sombre des tragédies de Shakespeare. Lady Macbeth est la figure dominante et la plus éclairée du tableau, un choix de composition qui reflète sans aucun doute son influence significative sur son mari et sur les événements macabres de la pièce.

Ophélie par John Everett Millais (1851)

L’œuvre de Shakespeare est très appréciée des artistes, et nous avons ici une autre scène d’une tragédie de Shakespeare, peinte cette fois par John Everett Millais. Millais dépeint de manière poignante les derniers instants d’Ophélie dans Hamlet.

Ophélie est l’amoureuse d’Hamlet. Elle sombre dans la folie après qu’Hamlet, endeuillé par la mort de son père, le roi du Danemark, a commencé à agir de manière erratique et a accidentellement tué son père, Polonius. Après cette tragédie, la jeune fille erre dans la nature, chantant des chansons étranges, et finit par se noyer dans un ruisseau.

Ophélie, 1851, par John Everett Millais. Huile sur toile ; 76 x 112 cm. Tate Britain, Londres. (Domaine public)

Millais peint Ophélie juste avant qu’elle ne s’enfonce dans l’eau, les lèvres encore entrouvertes en chantant, ses vêtements et ses cheveux flottant autour d’elle dans l’eau, quelques fleurs molles dans sa main. La richesse des couleurs et la pose étrange et statuaire de la femme à moitié immergée attirent l’attention.

Comme l’a écrit Janie Slabbert pour The Collector : « Même dans la mort, elle possède un air de grâce et de sérénité, ses mains doucement tournées vers le haut comme si elle avait accepté sa fin. » En effet, les bras ouverts d’Ophélie suggèrent qu’elle est prête à accepter ce qui arrive : sa mort imminente.

La Dame de Shalott par John William Waterhouse (1888)

Dans cette peinture, John William Waterhouse a illustré une scène de l’œuvre de son contemporain, le grand poète Alfred Tennyson. Tennyson était très inspiré par les légendes arthuriennes, un autre exemple où l’art engendre l’art. Il a écrit un certain nombre de récits en vers, dont le recueil Idylles du Roi.

Un poème indépendant, La Dame de Shalott, raconte l’histoire d’une dame qui vit dans une tour au bord d’une rivière qui coule vers Camelot. Elle est victime d’une malédiction qui lui interdit de regarder directement le monde. Si elle le fait, elle mourra. Elle ne peut voir l’extérieur qu’en regardant dans un miroir. Elle tisse des tapisseries avec ce qu’elle voit. En fin de compte, cependant, la Dame de Shalott choisit d’enfreindre la règle. Elle regarde directement Camelot, assurant ainsi sa propre mort. Quittant sa tour, elle trouve un bateau et descend le fleuve jusqu’à Camelot. Elle meurt avant d’arriver.

The Lady of Shallot (La Dame de Shalott), 1888, de John William Waterhouse. Huile sur toile ; 153 cm x 200 cm. Tate Britain, Londres. (Domaine public)

L’un des tableaux les plus célèbres de Waterhouse, The Lady of Shalott, montre l’héroïne dans sa barque, descendant le fleuve, à l’approche de sa mort. Ce tableau est remarquable pour sa combinaison de réalisme proche de la photo et d’un air mystique et fantastique. Avec des détails et des couleurs denses et riches, Waterhouse a donné vie à ce moment, quelques instants avant la survenue de la mort.

Le spectateur peut lire sur le visage de la dame, profondément endeuillé, fatigué, fragile et pourtant paisible, qu’elle sait qu’elle va mourir. Elle est assise bien droite, un bras légèrement tendu, le regard fixé vers l’avant, comme si elle était déterminée à profiter au maximum du monde avant qu’il ne lui échappe.

À l’instar de la Dame de Shalott qui voit le monde dans un miroir, les grands artistes présentés dans cette liste ont vu le monde se refléter dans les mythes, les poèmes et les histoires qu’ils ont cherché à illustrer. Leurs œuvres deviennent une sorte de double reflet de la réalité, car la littérature et l’art coïncident pour mettre en lumière la vérité et la beauté, comme des lentilles superposées dans un télescope.

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