Cocaïne : les saisies, même massives, impuissantes face à un trafic sans précédent

Par Epoch Times avec AFP
13 janvier 2025 11:15 Mis à jour: 13 janvier 2025 11:20

Le ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau se rend lundi au Havre, après une récente saisie massive de cocaïne, dont plus de 45 tonnes ont été interceptées par les services français en 2024. Soit le double de l’an dernier, mais sans que cela n’enraye un trafic sans précédent.

Sur les dix premiers mois de 2024, les services français ont saisi 44,8 tonnes de cocaïne, soit le double de 2023 (23,2 tonnes), a indiqué fin novembre au Sénat le Directeur général de la police nationale (DGPN) Louis Laugier. Il s’agit du dernier bilan à date, qui ne comptabilise pas les deux tonnes saisies au Havre le 30 décembre 2024.

Le directeur général de la police nationale française, Louis Laugier. (LUDOVIC MARIN/POOL/AFP via Getty Images)

 

Le ministre de l’Intérieur dévoilera lundi le bilan des saisies, tous produits stupéfiants confondus, au cours des onze premiers mois de 2024. Même record, ces saisies, réalisées en métropole et surtout dans les Outre-Mer, ne représentent qu’une toute petite partie de ce qui entre et circule réellement en France.

Si les forces de l’ordre ont été « très bonnes cette année, elles ont dû saisir 20% » des produits stupéfiants, « 5%, si elles n’ont pas été bonnes, et, si elles ont été comme d’habitude, 10% », explique un policier spécialisé. Les saisies, même d’ampleur, le laissent de marbre : « il n’y a que les politiques pour faire la course à la quantité saisie », qui n’est pas « forcément significative d’une déstabilisation ou du démantèlement d’une organisation ».

Un véritable « tsunami blanc »

Pour les spécialistes, c’est un véritable « tsunami blanc » qui a déferlé sur les ports, les aéroports, les routes et les côtes françaises en 2024. Selon eux, cette forte hausse de cocaïne en circulation s’explique par une « explosion de la production » en Amérique du sud, une « démocratisation de la consommation en Europe » et une « saturation » du marché américain.

A cela s’ajoute une rentabilité extrême pour les trafiquants. Le kilo de cocaïne vaut « entre 2.000 et 2.500 dollars (1.950 à 2.440 euros) en gros en Colombie, 5.000 (près de 4.900 euros) aux Antilles françaises » et finit à « 33.000 euros au Havre », détaille un enquêteur. De quoi « susciter des vocations ».

 Des narcotrafiquants capables de « donner » une partie de leur marchandise

Résultat, note un autre policier spécialisé: la drogue part « tous les jours » et les saisies n’ont que « peu de conséquences » sur le trafic. Même celles du Havre. « Avec deux tonnes, dit-il, tu vas faire du mal à l’organisation, mais tu ne les mettras pas à plat. Ils s’en remettront ».

Richissimes et puissants, les narcotrafiquants ont aussi « très bien compris le mode de fonctionnement des institutions répressives », observe un magistrat spécialisé, qui les pense capables de « donner » une partie de leur marchandise pour s’assurer le passage sans encombre du reste. Un « tuyau » sur un conteneur suspect va concentrer toute l’attention du « port et de la chaîne judiciaire », explique-t-il. « Pendant ce temps, le ou les conteneurs d’à côté passent ».

« Nous n’assècherons pas les organisations criminelles simplement en saisissant du produit »

« Les saisies, c’est bien », ajoute-t-il, « mais si vous arrivez à les raccrocher à des personnes »,  à remonter aux « commanditaires ». Et pas seulement à des « petites mains », comme dans le dossier du Havre où seuls un docker et un chauffeur routier ont été mis en examen à ce stade.

(PHILIPPE LOPEZ/AFP via Getty Images)

Pour le général Dominique Lambert, sous-directeur de la police judiciaire de la gendarmerie, dont les services ont participé à l’enquête au Havre, une saisie d’ampleur n’est malgré tout « pas neutre » et représente « une certaine somme ». Mais « nous n’assècherons pas les organisations criminelles simplement en saisissant du produit, nous en sommes convaincus depuis bien longtemps ».

Saisies d’avoirs criminels, démantèlement de systèmes de blanchiment et de messageries cryptées 

Lutter contre le narcotrafic se fait aussi via la progression « chaque année » des saisies d’avoirs criminels (1,4 milliard d’euros en 2023). Et par le démantèlement de systèmes de blanchiment et de messageries cryptées comme Encrochat, Sky ECC ou récemment Ghost, ou en allant chercher les « trafiquants réfugiés à l’étranger », plaide-t-il.

Le général attend beaucoup de la proposition de loi sur le narcotrafic qui doit être examinée fin janvier au Sénat. Il espère qu’elle donnera aux enquêteurs des moyens plus efficaces pour lutter contre ces organisations criminelles aux poches profondes, au « pouvoir corrupteur très important » et qui ont « accès à des technologies pour lesquelles elles n’ont aucune contrainte, ni budgétaire, ni juridique ».

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