« Le monde rural se meurt » : le mouvement de colère des agriculteurs espagnols a gagné mercredi le centre de Madrid, où d’immenses colonnes de tracteurs ont manifesté contre la précarité du secteur, qui agite plusieurs pays européens.
Dans un concert de klaxons, de cloches de vaches et de tambours, près de 4000 agriculteurs venus de toute l’Espagne ont investi les rues de la capitale, selon les autorités, à l’appel de l’organisation Union de Uniones (Union des Syndicats) et de groupes mobilisés sur les réseaux sociaux.
Parmi eux, 500 sont parvenus à rejoindre le centre-ville à bord de tracteurs, selon la préfecture. Regroupés en cinq colonnes d’une centaine de véhicules, ils ont manifesté devant le ministère de l’Agriculture derrière des pancartes indiquant : « Le monde rural se meurt » ou « sans la campagne, la ville ne mange pas ».
Cette manifestation, point d’orgue d’un mouvement de colère ayant débuté voilà trois semaines, dans le sillage des manifestations organisées en France et en Allemagne notamment, a entraîné de nombreux embouteillages et suscité quelques tensions avec les forces de l’ordre.
Algunos de los tractores y manifestantes han llegado ya al Ministerio de Agricultura, junto a la estación de Atocha.
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— Telediarios de TVE (@telediario_tve) February 21, 2024
« Ce que l’on souhaite, c’est être entendus, que les autorités comprennent qu’on ne peut plus continuer ainsi », a expliqué à l’AFP José Ignacio Rojo, 58 ans, venu manifester depuis Burgos (nord) contre des prix « qui ne permettent pas de vivre » et une « bureaucratie » jugée excessive.
« Moi, je travaille 14 heures par jour. Et quand je finis mes journées dans les champs, il y a toujours de la paperasse qui m’attend », soupire le quinquagénaire, propriétaire avec sa fille d’une ferme de 330 hectares dédiée aux céréales et à l’élevage.
Un message relayé par Bernardino Hernandez, venu défiler avec une pancarte : « la bureaucratie ruine mon exploitation ». « Rien que pour l’administration, il me faudrait une personne à plein temps, c’est impossible », assure cet agriculteur de 70 ans, chapeau de paille et moustache poivre et sel.
Propriétaire de 40 hectares près de Cuenca (centre), ce viticulteur faisait travailler par le passé trois employés. « Aujourd’hui, je n’en ai plus qu’un, à cause de la chute du prix du raisin (…) Je travaille, mais je perds de l’argent », déplore-t-il.
« Simplifier » les démarches administratives
Interrogé sur la télévision publique, le coordinateur national de Union de Uniones, Luis Cortés, a appelé le gouvernement espagnol à plus d’efforts pour « simplifier » les démarches administratives et protéger les agriculteurs, obligés pour beaucoup de « vendre à perte ».
Il faut un meilleur « contrôle des importations », a plaidé le leader syndical, mettant en cause la concurrence déloyale des produits importés de pays non européens. Ces derniers doivent être « soumis aux mêmes contraintes » environnementales « que celles imposées aux agriculteurs espagnols », a-t-il insisté.
Outre ce rassemblement madrilène, plusieurs autres manifestations ont eu lieu mercredi dans le pays, notamment à Murcie (sud-est), Palencia (nord) et Malaga (sud), à l’appel cette fois-ci des trois organisations professionnelles représentatives du secteur : l’Asaja, la COAG et l’UPA.
Dans un communiqué, le ministre de l’Agriculture Luis Planas a assuré être « pleinement impliqué » pour « apporter des réponses aux préoccupations des agriculteurs », en rappelant avoir dévoilé la semaine dernière un paquet de mesures de soutien au secteur à l’issue d’une rencontre avec les syndicats.
Le ministre s’est par ailleurs de nouveau engagé à défendre lundi à Bruxelles la mise en place de « clauses miroir », un mécanisme qui impose aux produits importés de respecter les mêmes règles que celles exigées aux agriculteurs européens.
De nombreux pays européens touchés
Ce mouvement de colère agricole touche de nombreux autres pays européens depuis le début de l’année. En France, théâtre de vastes manifestations fin janvier, une autoroute a ainsi de nouveau été coupée par des agriculteurs mercredi matin. Des manifestants ont par ailleurs envahi le siège du géant de l’industrie laitière Lactalis pour réclamer une meilleure rémunération des éleveurs.
Face à cette flambée de colère, qui survient à quelques mois de élections européennes de début juin, la Commission européenne a fait plusieurs concessions ces dernières semaines, notamment sur les objectifs de réduction de l’usage des pesticides dans l’UE. Les États de l’UE ont quant à eux reconduit mercredi les mécanismes d’encadrement des importations d’Ukraine, au cœur de plusieurs manifestations d’agriculteurs ces derniers jours.
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