Une opulente demeure de Medellin aux robinets en or et à la baignoire en forme d’huître où narcos et chefs paramilitaires ont longtemps planifié leurs crimes, va être reconvertie en laboratoire médico-légal pour identifier des milliers de personnes disparues en Colombie.
Saisie par l’État en 2010, la luxueuse villa « Montecasino » fut longtemps la propriété des sinistres frères Castaño – Carlos, Vicente et Fidel -, chefs des Autodéfenses unies de Colombie (AUC), milices d’extrême droite combattant les guérillas d’extrême gauche au plus fort du conflit interne qui ensanglanta la Colombie dans les années 1990-2010.
Dans ces murs ont été organisés les assassinats de candidats à la présidence et ordonnés les massacres de paysans suspectés de sympathie avec les guérilleros, selon les témoignages d’anciens tueurs à gages au service des Castaño.
Vue des escaliers du château Marroquin, construit en 1898 dans la municipalité de Chia près de Bogota, le 7 juin 2024. (Photo RAUL ARBOLEDA/AFP via Getty Images)
Le défunt Pablo Escobar et d’autres barons de la drogue fréquentaient la villa du quartier d’El Poblado (alors le plus huppé de Medellin) et les fastueuses fêtes qui s’y déroulaient au bord de la piscine coquillage où stagne aujourd’hui une eau verdâtre.
Selon « Popeye », l’un des célèbres tueurs à gages d’Escobar, ce manoir a littéralement accueilli des « sommets du trafic de drogue ».
En 2015, le bâtiment aux murs de marbre et son escalier blanc à colimaçon avec ses vastes jardins en friche a été cédé par l’État à l’Unité des victimes. Cette entité, en charge de venir en aide aux plus de 9,5 millions de victimes recensées du conflit armé, avait l’habitude de louer la maison à des locataires privés.
Sur ordre du président Gustavo Petro, « Montecasino » sera désormais administré par l’Institut médico-légal, qui identifie les restes des disparus du conflit, et y construira prochainement un laboratoire.
« Personne ne peut imaginer tous les crimes, les horreurs et les humiliations qui ont eu lieu ici »
Pour Luz Galeano, dirigeante communautaire de 60 ans, c’est un peu de lumière au milieu du long calvaire à la recherche de son mari Luis Laverde, disparu en 2008, enlevé par des hommes armés alors qu’il circulait dans un bus, quand Medellin était le théâtre d’une persécution féroce des paramilitaires contre les habitants des quartiers contrôlés par la guérilla.
Selon elle, ce laboratoire « est quelque chose dont nous avons rêvé (…) pour qu’il aide à identifier toutes les victimes disparues » et que « commence une purification spirituelle » de la villa « Montecasino ».
« Personne ne peut imaginer tous les crimes, les horreurs et les humiliations qui ont eu lieu ici, nous savons que de nombreuses personnes y ont été torturées », explique Claudia Patricia Vallejo, directrice de l’Unité des victimes dans le département d’Antioquia.
Le jour de son investiture, le 7 août 2022, M. Petro s’est engagé à utiliser les biens saisis aux narcotrafiquants comme « base d’une économie productive » au bénéfice des plus démunis, en s’appuyant sur la Sociedad de activos especiales (SAE, société des actifs spéciaux), une entité publique-privée liée au ministère des Finances qui les administre.
De forts soupçons de corruption planent sur l’entité SAE
Maisons, terrains, voitures et montres de luxe, jusqu’à des chevaux et autres caprices des narcos… la SAE les vend, les met aux enchères ou les loue. Elle gère aujourd’hui 33.109 biens immobiliers.
Selon son président Daniel Rojas, nommé il y a deux ans, seuls 21% de ces biens étaient alors loués, souvent pour des loyers très bas. De forts soupçons de corruption planent sur l’entité.
Une récente enquête étatique a ainsi révélé la disparition de près de 79 montres haut de gamme, de 15 chevaux de course, de 31 véhicules, et d’innombrables irrégularités dans la gestion des propriétés saisies, jusqu’à l’utilisation de plusieurs de ces maisons pour diverses activités illégales, comme la fabrication d’alcool frelaté…
L’opposition conservatrice accuse également le gouvernement de malversations, tandis que le Président Petro a dénoncé « une campagne visant à discréditer le progressisme et à blanchir l’image » des gouvernements de droite précédents.
Un château néo-gothique à deux tours construit en 1898 à Chia, une municipalité proche de Bogota, a été un temps aux mains de Juan Camilo Zapata, membre notoire d’un cartel de Bogota impliqué dans le trafic de cocaïne.
Zapata assassiné en 1993, son château est alors passé aux mains de la SAE qui, ces dernières années, le louait via une société qui y organisait mariages et concerts.
« En réparation aux entités publiques et aux communautés qui ont été affectées »
Sur instructions expresse du Président Petro, le contrat de location sera résilié et le château cédé à une université publique d’environ 9000 étudiants et 33 des 70 hectares de la forêt environnante seront dédiés à des activités académiques, culturelles et sportives.
« La politique de l’État devrait être que tous les biens acquis par le trafic de drogue, qui ont causé tant de dommages aux droits de l’homme dans ce pays, soient remis en réparation aux entités publiques et aux communautés qui ont été affectées », a commenté à l’AFP son recteur, Helberth Choachi.
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