Comancheria, le cocktail texan de la rentrée

septembre 14, 2016 9:14, Last Updated: septembre 14, 2016 9:14
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Après True Grit, un western anti-western des frères Coen, Jeff Bridges revient dans un western-polar Comancheria, cette fois-ci de David Mackenzie. Et quand Jeff Bridges choisit de jouer dans un film, il vaut mieux ne pas le rater.

Entre western moderne et drame social, Comancheria propose un scénario tissé avec une main de maître par Taylor Sheridan (Sicario). Un jeu excellent avec des prises de vue ahurissantes des plaines et des cieux texans, des villes à moitié désertées et la musique de Nick Cave pour rythmer tout cela, tantôt mélancolique, tantôt menaçante à souhait, telle un rapace qui guette sa proie sous un soleil ardent.

Jeff Bridges est un vieux sheriff qui poursuit avec son adjoint (Gil Birmingham) deux braqueurs de banques, Toby, interprété par Chris Pine, le héros de Star Trek et son frère Tanner, le sidérant Ben Foster. Toby est le cerveau, il n’a jamais commis de crime alors que Tanner est le bras, « un vrai comanche ».

« Comanche, ça veut dire ennemi de tous, et tu sais ce que ça fait de toi ? », lui demande dans un casino un indien prêt à se jeter sur lui. « Un comanche », répond Tanner, le frère avec un regard d’acier.

Le film commence comme un polar standard, deux méchants contre un sheriff et son député. Pas de surprise, se dit le spectateur, mais très vite un chamboulement se produit dans le scénario. La justice des hors la loi et celle de l’État s’entrecroisent. Qui est le vrai gangster et qui porte la voix de la justice ?

Le spectateur se retrouve à s’identifier avec tous les personnages bons comme méchants… sauf les banquiers.

Les banquiers et le système économique sont les vrais coupables. C’est le même système qui a pris les terres des comanches, les seigneurs des plaines, et qui dérobe les gens aujourd’hui.

« Il y a cent cinquante ans, tout cela était la terre de mes ancêtres… jusqu’à ce que les grands-parents de ces gens-là leur prennent. Et maintenant, ce sont les banques qui les prennent à leurs enfants », constate amèrement l’adjoint du sheriff.

Juste avant que la ferme familiale ne soit saisie par la banque, les deux frères décident de braquer les agences de cette même banque qui a contraint leur mère à hypothéquer – pour une somme dérisoire – le ranch bourré de puits de pétrole… afin de rembourser l’argent qu’elle devait à la banque et de sortir enfin de cette pauvreté héréditaire.

À côté des deux tandems – les frères et les policiers, les rôles secondaires ne sont pas moins surprenants et séduisants.

Toby est divorcé, désespéré de son propre sort et de celui de ses ancêtres qui « transmettent la pauvreté d’une génération à l’autre comme une maladie contagieuse ». Il décide de tout faire pour épargner ce destin à ses enfants. Il appelle à l’aide son grand frère qui vient de purger une peine de dix ans de prison pour avoir tué son père qui terrorisait toute la famille. Au cœur d’un Texas où le rêve américain semble très loin, les deux frères n’ont plus rien à perdre.

À leur poursuite, le sheriff Marcus à trois mois de la retraite et son adjoint moitié comanche moitié mexicain ne suscitent pas moins de sympathie, avec les vannes qu’ils se lancent l’un à l’autre sans arrêt. En contrepoint, par rapport aux deux frangins qui sont dans la folie de l’action, ils ne se précipitent pas, surtout le vieux sheriff qui attend, les bottes posées sur la table du café qui fait face à la banque, ayant « l’intime conviction » qu’ils vont finir par l’attaquer.

Les scènes sont quasi comiques dans une Amérique bizarroïde où les serveuses des « Diner » obèses ou fripées tiennent tête à la police et où chacun porte un flingue – ce qui peut s’avérer utile quand on voit toute la ville se lancer à la poursuite des deux braqueurs.

Drame social, polar comique, c’est aussi un film sur la fraternité et le sacrifice, sur l’amitié aussi étrange soit-elle.

Comancheria est un film à plusieurs niveaux de lecture pris dans les paysages d’une Amérique vaste et étrange. Dur et époustouflant, le film parcours la cinématographie américaine des années 70 à nos jours tout en restant unique en son genre.

Bonnie and Clyde d’Arthur Penn ou Le Convoi de Sam Peckinpah, Les Moissons du ciel de Terrence Malick, Wild at heart de David Lynch ou encore No Country For Old Men des frères Coen, s’agitent dans nos mémoires.

C’est le Texas, imprégné de cette angoisse existentielle où l’homme fait son choix face au destin et à la nature.

Bref, si vous aimez les westerns, allez voir Comancheria.

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