PARIS, France – A l’Assemblée nationale, ce 27 novembre a eu lieu une conférence-débat sur le thème du trafic et du tourisme de transplantations d’organes. Animée par la député des Bouches-du-Rhône Valérie Boyer et Docteur Harold king, contact français pour DAFOH, la conférence a donné la parole à des professeurs et des chirurgiens français, autour du problème éthique du trafic d’organes à l’étranger et, notamment, en Chine. Cette conférence fait suite à une conférence en juillet dernier sur les abus de transplantation d’organes en Chine, avec la venue de David Matas pour la présentation à la presse et aux députés de son ouvrage Organes de l’État. Cette fois, étaient présents des professionnels du domaine médical, le professeur Francis Navarro, chirurgien transplanteur au CHU de Montpellier; le professeur Didier Sicard, ancien président du Comité consultatif national d’éthique; le professeur Belghiti, chirurgien transplanteur au CHU de Beaujon; le professeur Yves Chapuis de l’Académie de médecine, ancien chirurgien et pionnier des greffes d’organes en France et le professeur Patrick Pessaux, chirurgien transplanteur au CHU de Strasbourg. Ils ont tenu à être présents pour témoigner de leurs expériences sur la transplantation d’organes en France et à l’étranger et du mutisme complice du domaine médical et politique concernant les prélèvements forcés en Chine.
Le contexte du commerce de prélèvements d’organes non consentis en Chine
Selon Harold King, contact de DAFOH en France (Doctors against forced organ harvesting – Médecins contre les prélèvements forcés d’organes), les prélèvements d’organes forcés sont un problème éthique majeur dans la communauté internationale et, notamment, en Chine. Depuis 1980, le gouvernement chinois a permis à la police d’utiliser sans restriction les cadavres de prisonniers pour des transplantations d’organes, avec ou sans consentement des familles ou de l’individu. Le premier impact de cette loi a été de violer pour la première fois la loi éthique reconnue au niveau mondial quant au consentement de la personne. Le second impact a été la grande opacité conséquente du système, car les services de police et les militaires gèrent intégralement les prisons en Chine. Harold King, a mentionné son doute vis-à-vis de la résolution Hangzou signée il y a quelques semaines par 169 hôpitaux chinois dans laquelle le gouvernement chinois projette de limiter l’utilisation des organes prélevés sur les prisonniers condamnés à mort et exécutés.
Selon lui, cette résolution est, comme il en est coutume en Chine, un discours de façade, à l’image de la loi sortie en Chine en 2007 interdisant les prélèvements d’organes forcés suite à la pression internationale suscitée par la publication du rapport sur les prélèvements d’organes forcés de David Kilgour et David Matas et du rapport de Manfred Nowak rapporteur spécial des Nations unies. Dans les faits cela n’a pas du tout été respecté. Au contraire, ce commerce d’organes en Chine touche dans une plus grande mesure les prisonniers de conscience qui n’ont commis aucune faute pénale. Ils n’apparaissent ni dans le système judiciaire ni dans le décompte des exécutions de condamnés à mort. Pour montrer le jeu des autorités chinoises face à ces pratiques et à la communauté internationale, en 2012, le chiffre de 1.167 personnes volontaires pour le don d’organes a été communiqué par le gouvernement chinois, or, curieusement, c’est exactement le chiffre de 1167 personnes qui sont mortes dans l’année pour donner leurs organes.
La Chine s’avère être le seul pays au monde, où l’on peut obtenir un organe en moins de 2 semaines, ce qui est incompatible avec les données cliniques et scientifiques et les chiffres du nombre de personnes exécutées en Chine chaque année. La question se pose donc sur la provenance de cette source d’organes rapidement disponible. Selon les différents rapports de David Kilgour et David Matas, et du journaliste d’investigation américain Ethan Gutmann, ce surplus d’organes disponibles vient des pratiquants du Falun Gong, des prisonniers de conscience emprisonnés par centaines de milliers dans les prisons chinoises depuis 1999 et dont plusieurs recoupements de preuves expliquent les plus de 200.000 transplantations d’organes d’origine inconnue entre 2000 et 2008.
Aller opérer en Chine au nom de la coopération scientifique
Selon le professeur Jacques Belghiti, chirurgien transplanteur au CHU de Beaujon, il n’y a aucune publication scientifique sur les résultats de transplantations venant de prélèvements d’organes forcés.
Jacques Belghiti a été nommé en 2006, président de la société internationale de transplantation. Selon lui, en 2006 c’était l’explosion du nombre de transplantation en Chine, avec plus de 500 centres, 8.000 transplantations rénales (officielles), 4.000 transplantations hépatiques, des prélèvements à partir de condamnés à mort et une commercialisation effrénée. C’était l’industrie principale et la source des revenus de beaucoup d’hôpitaux. A ce moment là, il n’y a pas eu de réactions de la part du milieu des transplanteurs, car il y avait un pays, la Chine, qui pouvait leur offrir pratiquement sans limite des organes de jeunes gens en bonne santé. Le rôle de Jacques Belghiti était à ce moment de faire prendre conscience – notamment aux Américains qui dirigent les grandes sociétés internationales de recherche scientifique, de l’inacceptable qui avait lieu en Chine.
C’est à cette même période qu’il a eu connaissance de patients américains d’origine chinoise qui allaient se faire transplanter en Chine et revenaient avec des complications plus ou moins graves. Les médecins ont alors pris conscience qu’ils devaient reprendre en charge ces malades avec des médicaments anti rejet et qu’il était parfois nécessaire de refaire une transplantation. Pour le professeur Belghiti, il est inadmissible qu’il y ait une commercialisation des organes à quelques endroits que ce soit.
En 2008, devant le constat de cette banque d’organes vivante en provenance de Chine, des professionnels de la santé de 78 pays se sont retrouvés à la conférence d’Istanbul et ont défini pour la première fois ce qu’était le trafic d’organes et le commerce de transplantation, et ce que signifiait pour un certain nombre de chirurgiens de se rendre en Chine au nom de la coopération scientifique. Il y avait alors une floraison de sites internet d’hôpitaux chinois ressemblant à des sites vacances, promettant à l’image des spots publicitaires, une réussite à 100% de la greffe, peu de complication, 4 min d’arrêt circulatoire, un taux de rejet de 0%, etc. Ces sites portaient la caution d’une collaboration étrangère. En Chine, les équipes de chirurgiens constituent un corps médical très puissant et lié pouvoir, ils pouvaient intervenir comme bon leur semble et avec tous les moyens possibles dans l’organisation du commerce d’organes.
Selon Jacques Belghiti, ce qu’il y a de commun pour ces hôpitaux et ces cliniques de transplantation, c’est que leurs opérations médicales ont toujours été associées à une faible ou une absence totale de rigueur scientifique, et aucune publication dans les revues spécialisées. Selon lui, avec tous les moyens qui ont été donnés à ces chirurgiens, le résultat scientifique et médical est nul, et il n’en est rien resté pour la communauté internationale.
Des chirurgiens chinois formés par des chirurgiens français
Le professeur Francis Navarro, chirurgien transplanteur au CHU de Montpellier a pris la parole pour témoigner de son expérience de collaboration avec un hôpital chinois. Avant cela, il a tenu à préciser que suite à la conférence avec David Kilgour qui s’était tenue en 2009 à l’Assemblée nationale sur le même sujet, il avait initié une pétition auprès des chirurgiens français pour les sensibiliser à cette question éthique. Puis, il avait souhaité la remettre à Nicolas Sarkozy et au ministre des Affaires étrangères Bernard Kouchner, et le gouvernement lui avait fait comprendre qu’il fallait se calmer et être le plus discret possible sur le sujet des prélèvements d’organes forcés en Chine. La Chine reste en effet un sujet sensible pour le gouvernement français, et le sujet des prélèvements d’organes sur les pratiquants de Falun Gong, soigneusement évité pour ne pas froisser les fonctionnaires et les investisseurs chinois liés au régime.
En 2007, Francis Navarro participait à des échanges interuniversitaires entre la ville de Montpellier et la ville de Chengdu en Chine. A cette époque, l’équipe du CHU de Montpellier a été sollicitée pour la formation des chirurgiens chinois en transplantation d’organes. Toutes les conférences étaient planifiées et le professeur Navarro et son équipe pensaient intervenir sur un donneur vivant connu pour lui prélever une partie du foie et la transplanter sur un receveur, ce qui laissait le donneur en vie. Quelques jours avant ce voyage, il a demandé le dossier du donneur, pour connaître les informations à minima du patient avant d’arriver à Chengdu.
«Par mail et par voie officielle, on m’a alors expliqué que cela allait être une transplantation standard avec l’organe complet, que tout serait prêt pour le jour de mon arrivée et que la greffe allait être faite avec une retransmission pour enregistrer tous les détails», a précisé le professeur Navarro. C’est à cet instant qu’il a commencé à comprendre qu’une exécution était en train d’être planifiée pour le jour de la transplantation: le donneur n’était donc pas volontaire, on utilisait des êtres humains comme banque d’organes pour les transplantations en Chine. Il a appris plus tard que pour une transplantation d’organes en Chine, ce sont souvent dix organes qui sont prélevés avant de trouver le bon. Il a donc refusé d’y aller. Il s’est renseigné davantage sur la situation de la Chine sur les prélèvements d’organes. Il a alors rencontré l’association Dafoh qui lui a confirmé le constat qu’il avait fait en Chine.
Les transplanteurs et les chirurgiens français ont toujours eu d’excellentes relations avec les autres universités dans le monde, pour la qualité de leur expertise. La Chine a énormément sollicité les chirurgiens français. Selon Francis Navarro, il y a eu et il y en a encore aujourd’hui, certains transplanteurs français qui sont complices du développement de la transplantation en Chine. Selon Francis Navarro, les chirurgiens chinois ont été formés en partie par d’excellents chirurgiens transplanteurs français.
Pour conclure, le professeur Francis Navarro constate encore aujourd’hui que la problématique du trafic d’organes en Chine n’intéresse pas la communauté médicale et scientifique, et encore moins la communauté politique. Selon lui, cette question dans le futur sera encore plus aigüe avec ce qui nous attend en terme de commercialisation des organes. Il est important, d’après lui, de sensibiliser au niveau national la communauté médicale et la communauté politique du grand problème éthique que nous sommes en train de soulever devant nous.
La commercialisation du corps humain, un sujet d’actualité en France
Selon la députée des Bouches-du-Rhône Valérie Boyer à l’origine de la conférence à l’Assemblée nationale, il y a de manière générale une évolution des mentalités sur la commercialisation du corps dans tous les domaines. Selon elle, le texte qui va être voté sur la Famille à l’Assemblée nationale va être l’occasion de reculer encore et d’aller vers cette commercialisation de l’homme par l’homme.
Aujourd’hui, il existe un problème global de ventes d’organes entre la France et l’étranger, que ce soit au niveau du sang, des ovocytes, des spermatozoïdes, d’organes génitaux, etc. en relation avec l’évolution des mœurs de la société. Il y a certes une différence, avec les prélèvements d’organes vitaux en Chine qui tuent la personne prélevée, mais la marchandisation du corps devient un problème qui se généralise.
Selon elle, ce qui est préservé encore aujourd’hui en France au sujet à la non-marchandisation du corps humain est propre à l’esprit français et est un trésor au niveau de l’éthique. Cependant, le débat sur la famille va donner lieu à une ouverture vers la marchandisation du corps et ce serait un pas en arrière au niveau de l’éthique nationale française. On ne sait pas la chance que l’on a en France du point de vue de la santé publique, de s’intéresser à soigner le malade avant tout, quelque soit son revenu et sans lien de commercialisation.
Selon la députée, demain ces principes vont être bafoués en changeant le système pour permettre la commercialisation du corps humain dans tous ses aspects. Les gens ne se rendent donc pas compte ce que cela va signifier pour la société future, que leur propre corps puisse devenir une marchandise pour l’autre. «Aujourd’hui les idées qui avancent sont celles de l’euthanasie, de la commercialisation du corps, de la vente de parties de corps humain, et tout çà s’éloigne du caractère inaliénable, unique et individuel du corps humain», a-t-elle conclu.
L’exception française unique en terme d’éthique
Suite à la proposition de loi déposée par Valérie Boyer en 2010 dans le texte sur la Bioéthique, le ministère de la Santé avait répondu que la règlementation sur le trafic d’organes était présente en France et que cela ne concernait pas les Français. Effectivement la règlementation actuelle sur la commercialisation du corps en France est encore unique au monde et en Europe.
Selon Didier Sicard, ancien président du Comité consultatif national d’éthique, la France reste dans le monde un pays modèle en ce qui concerne la transplantation d’organes. Selon le professeur Sicard, «la France est beaucoup plus profondément ancrée dans un principe de non commercialisation du corps […] Il ne faudrait pas pourtant que le corps médical français soit le premier à transgresser ce principe, car la complicité médicale internationale est plus grave et bafoue nos valeurs citoyennes». Le principe français de non commercialisation est selon lui ancré profondément dans la culture française, mais il n’est pas partagé par les autres pays. La clé serait d’aider les autres pays à prendre conscience progressivement de notre responsabilité éthique envers le futur c’est-à-dire que l’universel sera la non commercialisation du corps plutôt que l’inverse.
La France est en effet un des rares pays au monde à être porteur d’une loi de bioéthique, et à avoir une rigueur dans le domaine de la transplantation qui est extraordinairement peu partagée par les autres pays du monde. Mais il existe quand même en France le travers de la complicité internationale qui pose un problème éthique au pays. Selon le professeur Sicard, le problème central est comment la médecine française peut ne pas être complice des prélèvements d’organes forcés. Cette complicité pouvant se manifester par la formation donnée aux chirurgiens chinois, aux échanges interuniversitaires et scientifiques, par les publications ou par la prise en charge des patients transplantés à l’étranger par des médicaments antirejet remboursés en France, etc. Selon Didier Sicard, la France est là pour ne pas participer à ce qui au fond est une faille éthique en concluant qu’«il est impossible d’être en même temps porteur d’une rigueur éthique dans notre pays et d’une désinvolture dès qu’on quitte nos frontières».
Selon Xavier Breton, député de l’Ain, s’étant déplacé entre deux réunions, il y a la possibilité dans la prochaine loi sur la Famille d’intervenir sur le sujet. Selon lui, il est important de conserver cette exception culturelle française en terme d’éthique.
Les prochaines étapes du débat
Pour les différents intervenants, l’avenir de ce débat passera par une pérennisation de ces informations, surtout de la part des médecins et chirurgiens français qui ne se sont pas prononcés à ce sujet. La France doit également porter un message au niveau européen, pour ne pas rester dans cette position de mutisme et de satisfaction d’une règlementation intérieure respectée alliée à une désinvolture à l’international.
Une date importante sera aussi le vote en décembre par le Parlement européen d’une résolution contre le prélèvement d’organes forcés en Chine et le 9 décembre, la remise au siège de l’ONU à Genève d’une enveloppe avec 1 million de signatures, dont 200.000 viennent d’Europe demandant au Haut Commissionnaire aux droits humains des Nations unies l’arrêt immédiat des prélèvements d’organes forcés sur les prisonniers de conscience du Falun Gong.
A ce sujet, Valérie Boyer a rappelé aux journalistes en début de séance, qu’une conférence de presse avait été initialement prévue pour la projection du film Free China auprès des députés, mais le président de l’Assemblée nationale ne l’avait pas, pour l’instant, autorisée. Le débat quant à la commercialisation du corps humain se retrouvera aussi dans la prochaine loi sur la Famille en débat à l’Assemblée.
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