Moins de deux mois avant la conférence de l’ONU sur le changement climatique organisée à Paris, le premier brouillon d’une proposition d’accord visant à réduire globalement et uniformément les émissions de dioxyde de carbone a été rendu public. Le comité ad-hoc a présenté ce document le 5 octobre dernier. Depuis, certains participants aux négociations sont trouvent préoccupés par l’exclusion d’un programme clef de réduction de la déforestation.
Ce programme est appelé REDD (Réduction des Émissions dues à la Déforestation et à la Dégradation des forêts, Reducing Emissions from Deforestation and forest Degradation). REDD (et maintenant REDD+) attribue une valeur financière au carbone stocké dans les arbres, de façon à motiver les pays en développement à réduire leurs émissions. Dit d’une autre façon, les pays en développement seront récompensés financièrement s’ils réduisent la déforestation.
Gustavo Silva-Chávez, chef de projet d’une initiative de suivi de dépenses menée par Forest Trends, qui a participé aux séances de négociations depuis 2002, a fait savoir dans un communiqué de presse que ce texte allait servir de point de départ aux négociations de Paris, fin novembre. REDD+ se doit d’être clairement et spécifiquement mentionné pour s’assurer que ce programme soit correctement considéré, et éventuellement mis en pratique.
« Les niveaux de financement nécessaire pour payer les pays s’engageant à réduire les émissions dues à la déforestation, ainsi qu’une façon pour les pays d’atteindre au moins partiellement les engagements climatiques en utilisant REDD+ devraient aussi être discutés « , mentionne également Silva-Chávez.
Réduction de la déforestation
Le document de 20 pages, obtenu après itération sur un document de 90 pages, repose en majeure partie sur deux variables : la mitigation et l’adaptation. La mitigation essaye de réduire un problème particulier, tel que la coupe des arbres ; l’adaptation consiste à trouver des moyens permettant de diminuer l’impact de changements climatiques persistants qui ne pourraient être mitigés. En somme, le rapport reprend les éléments de base issus de plusieurs années de discussions sur la nécessité pour les pays en développement de faire au mieux pour réduire les émissions de dioxyde de carbone.
Mais désormais, les pays en développement doivent aussi prévoir par eux-mêmes la réduction des émissions. La procédure à suivre pour chaque pays n’est pas vraiment explicitée dans le rapport, bien qu’il soit fait référence à des engagements établis durant des négociations précédentes autour de la coopération et la transparence dans la réduction des impacts environnementaux négatifs.
L’absence de tels détails a troublé Silva-Chávez, qui a expliqué au cours d’une interview téléphonique que d’après ce qu’il avait compris, la déforestation était depuis le début censé faire partie des négociations sur les accords climatiques de Paris.
La déforestation est la seconde cause principale des émissions de carbones après la consommation des combustible fossile, d’après Nature Conservancy, une organisation engagée dans la conservation de l’eau et de la terre. Les forêts protègent le sol de l’érosion, produisent de l’oxygène, stockent du dioxyde de carbone, et contribuent à stabiliser le climat. Lorsque des arbres sont coupés, les souches mortes et l’immense réseau de racines souterraines relâchent du dioxyde de carbone.
Mais Kelley Hamrick, assistant en gestion carbone chez Ecosystem Marketplace, une autre initiative de Forest Trends, explique qu’il n’y a aucun programme national REDD+ appliqué à ce jour.
« Il y a toujours eu ce genre de discours, comme quoi nous allions prendre en compte la foresterie pendant les négociations internationales sur le climat, mais cela n’est jamais vraiment arrivé » a-t-elle expliqué à Epoch Times. Si l’experte regrette l’absence d’un programme de déforestation dans le rapport, elle est encore plus inquiète sur le fait qu’à ce jour, aucun programme REDD + n’existe.
Silva-Chávez soupçonne que les références à REDD ont été omises parce que certains pays ne veulent pas inclure cette section de mitigation dans l’accord.
Kelley Hamrick explique que le financement est un moyen de mettre en œuvre la mitigation. Il y a de nombreux mécanismes financiers utilisés, tel que les investissements direct dans les énergies propres, ou encore compenser le coût de la mitigation.
Compenser les coûteuses réductions d’émissions étaient la base du protocole de Kyoto, qui autorisait les pays développés à atteindre leur objectif de réduction des émissions en payant d’autres pays pour réduire davantage les émissions de dioxyde de carbone à leur place.
Par exemple, le petit état Brésilien d’Acre a déjà reçu des fonds en provenance des gouvernements norvégien et allemand pour ne plus couper d’arbres, explique Kelley Hamrick.« Ils sont déjà bien avancés dans leur programme REDD » ajoute-elle.
Cependant, bien que le programme soit déjà avancé, « tout cela reste assez opaque, puisque l’influence sur les réductions d’émissions à l’échelle du Brésil tout entier n’est pas clairement établie » rapporte Kelley Hamrick. Autre détail regrettable : malgré le versement de sommes de la Norvège et de l’Allemagne, l’État du Brésil n’a pas encore complètement adopté le programme.
Autres raisons
L’omission de la déforestation n’est, ceci dit, pas forcément motivée par l’idée d’utiliser des financements pour remplacer la mitigation. Silva-Chávez expose des explications alternatives, dont la nécessité de supprimer du texte pour diminuer de manière significative le nombre de pages. Et même dans le texte réduit, il n’est pas explicitement mentionné que le sujet de la déforestation ne sera pas abordé pendant les échanges.
« Un pays peut très bien dire que son INDC (Intended Nationally Determined Contributions, ou les intentions de contributions formulées par les pays, ndr) va être essentiellement basé sur l’exploitation des forêts, qu’il va réduire les émissions, les vendre à un autre pays, et qu’il va être financé pour ça. Il n’y a rien dans le texte actuel qui pourrait empêcher ça » explique-t-il.
Mais il est plus difficile de ré-insérer du texte plutôt que d’en éliminer dit-il, et il reste troublé que la déforestation ne soit plus mentionné dans le brouillon.
Silva-Chávez reste, ceci dit, optimiste. Il y a plus d’une session de négociations prévue entre les 19 et 23 octobre, ou les pays pourront rajouter à nouveau REDD+ dans le brouillon des accords. Il s’attend à ce qu’à la fin du premier jour à Paris, plus de 50 pays se seront unis pour demander à ce que la déforestation soit à nouveau prise en compte.
« J’imagine que les gouvernements de la Norvège, de l’Allemagne, peut-être l’Europe et les États-Unis vont s’exprimer positivement envers la déforestation, » dit-il.
Article original : Key Carbon Mitigator Omitted in First UN Climate Draft
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