Cet article est publié dans le cadre de la série du CEPII « L’économie internationale en campagne », un partenariat CEPII–La Tribune–The Conversation–Xerfi–Canal. Stéphanie Monjon, économiste au CEPII, maître de conférences en sciences économiques (Université Paris Dauphine), est spécialiste des politiques climatiques. Elle répond aux questions d’Isabelle Bensidoun et Jézabel Couppey-Soubeyran.
Tout le monde en parle. L’enjeu est décisif. Pourriez-vous nous préciser ce que sont les énergies renouvelables ?
Il s’agit de l’ensemble des ressources énergétiques issues de la nature, inépuisables à l’échelle de temps humain, utilisables dans le secteur de la production d’énergie ou des transports. Certaines, comme l’énergie hydraulique, l’énergie marine ou l’énergie éolienne ne peuvent servir qu’à produire de l’électricité. D’autres ont plusieurs usages possibles : l’énergie solaire, l’énergie géothermique, ou encore la biomasse (par exemple, le bois ou les déchets) permettent de produire de l’électricité ou de la chaleur ; le biogaz peut servir à la production électrique ou alimenter des véhicules adaptés, et les biocarburants peuvent être ajoutés aux carburants traditionnels.
Quelle est leur importance ?
Au niveau mondial, dans la consommation énergétique finale, la part des énergies renouvelables a atteint près de 20 % en 2014. C’est dans la production électrique mondiale que les énergies renouvelables ont le plus fortement progressé : leur part a atteint 23 % en 2014 avec près de 17 % pour l’hydraulique, loin devant l’énergie éolienne (2,3 %), les bioénergies (1,2 %) et le solaire photovoltaïque (1,2 %).
Bien que la part du solaire photovoltaïque et de l’éolien soit encore faible dans la production électrique mondiale, il y a dans ce domaine des progrès remarquables : entre 2011 et 2015, les capacités de production installées ont augmenté de respectivement 42 % et 17 % par an. C’est là que le potentiel de croissance des capacités électriques est le plus important, même si les installations ne permettent pas de produire de l’électricité de façon continue, ce qui ne rend pas facile leur intégration dans les réseaux électriques. En matière d’hydraulique, le potentiel est plus faible, car il n’y a plus beaucoup de sites dans le monde permettant d’accueillir de tels projets.
Qu’est-ce qui a permis cet essor des énergies renouvelables ?
Cet essor doit beaucoup aux engagements et aux soutiens publics. L’Union européenne a, par exemple, décidé en 2007 de doubler la part des énergies renouvelables dans sa consommation d’énergie d’ici à 2020 (en les portant de 10,4 % à 20 %) et d’atteindre au moins 27 % d’ici à 2030. D’après l’Agence internationale pour les énergies renouvelables, 164 pays ont désormais au moins un objectif en matière d’énergie renouvelable, contre 43 en 2005.
Différentes politiques ont permis à ces engagements publics de se concrétiser. En France, par exemple, la mise en place de nouvelles capacités renouvelables a été possible grâce à un tarif de rachat de l’électricité supérieur aux prix de marché et garanti sur plusieurs années. Aux États-Unis, les modes de soutien ont différé selon les États, mais, au niveau fédéral, les nouvelles capacités éoliennes et photovoltaïques ont bénéficié d’un crédit d’impôt. Même si le coût des installations renouvelables a beaucoup baissé ces dernières années, les soutiens publics restent indispensables pour assurer la viabilité des nouveaux projets.
Cette tendance devrait-elle se poursuivre ?
À n’en pas douter. D’après l’Agence internationale de l’énergie (AIE), la baisse du coût des équipements et les forts retours d’expérience dans l’éolien et le photovoltaïque devraient permettre une réduction des coûts de production électrique de 15 % pour l’éolien terrestre et de 25 % pour le photovoltaïque d’ici à 2021. Une hausse de 42 % des capacités électriques renouvelables, reposant essentiellement (75 %) sur l’éolien ou le solaire photovoltaïque pourrait alors porter la part des renouvelables dans la production électrique mondiale de 23 % en 2015 à 28 % en 2021.
Comment se situe la France dans ce domaine ?
En France, la part des énergies renouvelables dans la consommation énergétique finale est passée de 10,3 % en 2005 à 14,2 % en 2013 et de 11 % à 17 % dans la consommation intérieure brute d’électricité. L’objectif européen, négocié et accepté par la France pour 2020, est d’atteindre 23 % d’énergies renouvelables dans sa consommation énergétique finale. Mais selon toute probabilité la France n’atteindra pas cet objectif. En cause, le lancement tardif des programmes de soutien à l’électricité d’origine renouvelable dans un pays où le nucléaire occupe une place prépondérante (voir le graphique ci-dessous), les nombreux recours juridiques des riverains dont ont fait l’objet les projets éoliens terrestres et le retard pris par l’éolien en mer.
En dépit de ce retard, arrivera-t-on à ce que d’ici quelques décennies, l’énergie que nous consommons soit exclusivement d’origine renouvelable ?
Il faut ici distinguer énergie et électricité. Dans les transports, le pétrole restera probablement la source d’énergie la plus utilisée, même dans les scénarios les plus optimistes. Le 100 % renouvelable à un horizon de quelques décennies n’est envisageable que pour l’électricité. Il faudra toutefois d’importants progrès dans les technologies de stockage pour parvenir à développer un parc électrique majoritairement renouvelable. Comme les potentiels les plus importants reposent sur des sources d’énergie intermittentes, il faudra développer, dans le même temps, des installations pour stocker l’électricité qui aura été produite à un moment de la journée pour pouvoir la consommer ultérieurement. Ce type d’installations n’est pas encore au point, mais les progrès technologiques sur ces équipements sont continus. Restera alors la question du coût de ces installations pour envisager de déployer les capacités renouvelables. Ce coût sera d’autant plus supportable que nous saurons modérer nos besoins !
Propos recueillis par Isabelle Bensidoun & Jézabel Couppey-Soubeyran
Pour aller plus loin :
La page consacrée aux énergies renouvelables sur le site de la Commission européenne.
Medium-Term Renewable Energy Market Report 2016, Market Analysis and Forecasts to 2021, Agence internationale de l’énergie, 2016.
The First Decade : 2004-2014, REN21, 2016.
Isabelle Bensidoun, Économiste, CEPII – Recherche et expertise sur l’économie mondiale; Jézabel Couppey-Soubeyran, Maître de conférences en économie à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne et conseillère éditoriale, CEPII – Recherche et expertise sur l’économie mondiale et Stéphanie Monjon, Maître de conférences en sciences économiques, chargée de recherche au CEPII – Recherche et expertise sur l’économie mondiale, Université Paris Dauphine
La version originale de cet article a été publiée sur The Conversation.
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