Dans les Pyrénées françaises, la transhumance avec la peur de l’ours

Par Epoch Times avec AFP
31 juillet 2019 16:27 Mis à jour: 31 juillet 2019 16:36

C’était la transhumance ou rien. Pas question de renoncer, mais Nicolas Bengoechea, berger à Iraty, dans les Pyrénées françaises, à quelques kilomètres de l’Espagne, l’avoue : « C’était le stress dans la vallée, tout le monde ne parlait que de ça ». 

« Ça », c’est une attaque de l’ourse Claverina, réintroduite en octobre dernier dans le Béarn, une province du sud-ouest de la France. Le 30 avril, Nicolas Bengoechea découvrait l’une de ses brebis tuée, à trois kilomètres de son exploitation, dans le village de Larrau.

En comptant Claverina et Sorita, les deux ourses slovènes introduites en 2018 dans les Pyrénées françaises, 40 ours bruns avaient été décomptés dans cette région en 2018, avait annoncé au printemps le ministère de la Transition écologique, soulignant toutefois que ce nombre, en baisse par rapport aux 46 de 2017, pouvait être sous-évalué.

Une brebis était morte

L’arrivée des deux femelles slovènes, relâchées pour sauvegarder une espèce menacée d’extinction, avait suscité une levée de boucliers de la part d’éleveurs de la région dénonçant la prédation des plantigrades.  Le 30 avril au matin, « une brebis est revenue toute seule jusqu’à la ferme et j’ai trouvé ça bizarre. Donc, je suis allé voir. J’ai mis toute une journée à retrouver mes bêtes, dont une était morte », raconte Nicolas Bengoechea.

Le collier-émetteur de Claverina borne ce jour-là à 400 mètres de la prairie clôturée du berger, comme le confirmeront quelques jours plus tard les autorités locales, qui évoquent un « dégât d’ours ».  Débute alors une saison d’estive au goût amer pour les éleveurs, même si, jusque-là, « tout s’est bien passé », assurent ceux d’Iraty.

Dans le kayolar (petite maison de berger en montagne) Ibarrondua, à 1300 mètres d’altitude, ils sont huit à se relayer toute la saison, de juin à fin septembre, pour surveiller quelque 1.500 brebis. « On ne s’est pas posé la question de monter ou pas. La viabilité de l’exploitation dépend de la transhumance », souligne Nicolas Bengoechea, qui est installé avec son père Jean-Marc depuis 2008.

Son grand-père avant lui, ainsi que son arrière-grand-père, ont eux aussi arpenté chaque été ces pentes montagneuses qui culminent à 2017 mètres et abritent la plus grande forêt de hêtres d’Europe. « Quand j’ai vu passer l’ourse dans sa cage en octobre, je ne me doutais pas que, huit mois plus tard, elle serait chez moi », souffle l’éleveur.

Les autorités ne comprennent pas le pastoralisme

Pour le père comme pour le fils, les mesures de protection préconisées par l’Etat ne sont pas adaptées « à notre façon de voir le pastoralisme ». Les autorités proposent une aide à l’emploi d’un berger supplémentaire et encouragent à prendre un patou, ces gros chiens des Pyrénées, ou à construire un parc de nuit pour rentrer les bêtes.

« Parquer 1.500 brebis, je ne sais pas si vous imaginez. C’est contraire au parcours des bêtes qui ont tendance à pâturer en montant et à dormir sur les hauteurs. Ça voudrait dire les redescendre tous les jours, c’est infernal », s’exclame Jean-Marc Bengoechea, berger transhumant depuis les années 1980.

Quant aux parcs, « on a de forts doutes », assure le père, qui est également maire de Larrau. « En Ariège », autre département pyrénéen où l’ours est présent, « ça ne suffit pas à éviter les attaques », souligne-t-il. A Iraty, la petite trentaine de kayolars concentrent environ 80.000 bêtes, ovins comme bovins, précise Sébastien Uthurriague, éleveur transhumant du kayolar Ibarrondua, et représentant de la chambre d’agriculture locale.

Pour Nicolas Bengoechea, le choix est simple: « Si dans quelques années il y a 10 ou 15 ours, on arrêtera la transhumance. Et je ne serai plus berger. Je préfère arrêter mon métier que de faire de l’intensif ».

Et bien que le ministère de l’Agriculture ait autorisé l’effarouchement du prédateur des troupeaux dans les Pyrénées, selon des conditions très strictes,  l’éleveur basque ne « s’y voit pas ».  « Ce n’est pas moi qui irai effaroucher un ours en lui tirant dessus avec des balles en caoutchouc. On ne sait pas la réaction qu’il peut avoir. C’est à l’État de s’occuper de ça ». 

 

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