L’artiste Ben, connu pour ses slogans rédigés en lettres manuscrites blanches sur fond noir, est décédé à 88 ans à Nice, apparemment d’un suicide au lendemain du décès de son épouse, avec laquelle il était marié depuis 60 ans.
« Le monde de la culture perd une légende », a réagi sur les réseaux sociaux la ministre de la Culture Rachida Dati, saluant un « orfèvre du langage » aux « écritures humoristiques, parfois satiriques » et dont « l’art continuera de faire rayonner la France à travers le monde ».
« Ce formidable artiste qui incarne une grande part de la culture à Nice nous a quittés », a posté le maire de la ville Christian Estrosi sur Instagram : « Hier, j’apprenais la disparition d’Annie sa femme. Ils sont réunis comme ils l’ont toujours été », a-t-il ajouté.
Le parquet de Nice a confirmé dans un bref communiqué « le décès de M. Benjamin Vautier, né en 1935, connu sous son nom d’artiste Ben ». Il « a été découvert sans vie à son domicile. Les premiers éléments font état d’une plaie par arme à feu », a indiqué le parquet, précisant avoir ouvert « une enquête en recherche des causes de la mort ».
Devant la grande maison-atelier de l’artiste sur les hauteurs de Nice, deux véhicules de police étaient présents à la mi-journée, a constaté une journaliste de l’AFP.
Sur la façade, ornée d’une figure assise au bout d’une perche, comme une figure de proue, une grande banderole proclame toujours « expérience en cours », dans le lettrage rond et lié caractéristique des oeuvres de Ben.
« C’est une énorme perte pour la ville de Nice, c’est une énorme perte parce que non seulement, Ben, il ne s’était pas enfermé dans ses acquis. Il continuait en permanence à créer, à provoquer, à faire ce qui est cet esprit de provocation niçois, » a déclaré sur place à l’AFP Robert Roux, ami proche de la famille et adjoint au maire de Nice délégué à la culture.
« Ben et Annie, c’était fusionnel »
« Ben et Annie, c’était fusionnel. L’un sans l’autre n’existait pas. Et si c’était Ben qui était parti avant, je pense qu’Annie n’aurait pas survécu », a ajouté M. Roux : « Ben et Annie ne faisaient qu’un. Complémentaires, mais vraiment d’une façon extraordinaire. Elle le corrigeait de temps en temps dans ses excès, lui la taquinait en permanence et on ne pouvait pas voir Ben sans Annie et réciproquement. C’est un exemple fou d’un amour vraiment étonnant, impressionnant, touchant, émouvant. »
Selon une source proche du couple, confirmant une information du quotidien local Nice Matin, Annie Vautier est décédée mardi d’un AVC, et l’artiste s’est ensuite suicidé.
Le couple s’était rencontré en 1963 indique leur fille Eva sur le site internet de sa galerie. Annie était « membre du collectif Théâtre Total », organisait ses propres performances artistiques et « participait aux expositions, aux publications et aux performances de Ben » depuis leur rencontre.
Né à Naples (Italie) en 1935, de nationalité franco-suisse et arrière petit-fils du peintre suisse Marc Louis Benjamin Vautier, l’artiste avait fondé « l’École de Nice » avec Arman, Yves Klein et Martial Raysse. Il vivait dans cette ville de la Côte d’Azur depuis l’âge de 14 ans.
Il se revendiquera de « Fluxus », mouvement avant-gardiste né en 1962 en Allemagne, à Wiesbaden, inspiré du Nouveau réalisme et du « ready made » de Marcel Duchamp, qui s’est employé à désacraliser l’art.
Ses « écritures », formules souvent tracées à la peinture blanche sur fond noir, semblent au premier abord sorties de la tête d’un écolier potache. Mais elles bousculent les certitudes installées de l’art contemporain : « À quoi sert l’art ? », « Le nouveau est-il toujours nouveau ? », « Que faites-vous ici ? », ou « Mon plus grand soucis, c’est moi » (NDLR: avec une faute d’orthographe)…
Elles seront reproduites jusque sur les cartables, trousses et cahiers d’écoliers. Il défendait la présence de l’art dans la vie quotidienne, sur les objets les plus banals, avec à chaque fois une pincée d’humour. Ben est exposé au Moma à New York ainsi qu’au centre Pompidou à Paris.
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