Deepseek ou deepfake? Que penser de la dernière IA chinoise

Par Michael Wilkerson
1 février 2025 10:07 Mis à jour: 1 février 2025 18:01

La révolution industrielle du XIXe siècle a été facilitée par l’arrivée d’une nouvelle technologie : les chemins de fer. En 1890, on estime que 10 milliards de dollars de l’époque (347 milliards de dollars en valeur actuelle, soit 334 milliards d’euros) ont été levés pour soutenir l’industrie ferroviaire, dans le cadre d’offres publiques de vente d’actions. Nous sommes en train de vivre une bulle spéculative similaire avec le développement de la toute dernière technologie de transformation : l’intelligence artificielle (IA).

Le chemin de fer a permis d’expédier d’importants volumes de marchandises par voie terrestre sur des routes auparavant périlleuses, sur de longues distances, et avec rapidité. Au milieu du siècle, les compagnies ferroviaires sont devenues le plus gros secteur d’investissement spéculatif, attirant des capitaux privés, des banques, ainsi que des sociétés d’investissement et des gouvernements.

Certaines de ces jeunes entreprises étaient frauduleuses et n’ont jamais posé ou construit un seul kilomètre de voie ferrée. D’autres, légitimes, se sont développées de manière excessive et se sont surendettées. En l’absence d’une demande suffisante et en raison d’un trop grand nombre de concurrents, elles ont eu du mal à rentabiliser leurs investissements. En 1890, environ la moitié des sociétés ayant financé plus de 50 ans de folie ferroviaire avaient fait faillite.

La panique de 1893 aux États-Unis allait, en une seule année, en éliminer beaucoup d’autres encore.

Le secteur a été sauvé par un consortium bancaire, avec l’aide du financier J.P. Morgan, qui a imposé des regroupements et monopoles.

Nous vivons actuellement une bulle spéculative similaire dans le développement de l’IA. Bien qu’il soit difficile d’obtenir des chiffres précis, l’investissement cumulé dans le secteur s’élève déjà facilement à des centaines de milliards de dollars. Les entreprises impliquées dans l’IA ont généré la grande majorité des gains en termes de bénéfices et de valeur de marché en 2024. Les investisseurs se sont rués sur tout ce qui a trait à cette nouvelle technologie.

Les « Sept Magnifiques » (Apple, Microsoft, Alphabet, Amazon, Nvidia, Tesla, Meta) ont vu leurs bénéfices augmenter de 33 % en 2024. Si l’on exclut ces sept grandes entreprises technologiques, qui sont toutes liées à l’IA, les 493 autres entreprises du S&P 500 n’ont augmenté leurs bénéfices que de 4 %. Au cours du seul quatrième trimestre, les gains de valeur marchande des Sept Magnifiques ont représenté plus de 100 % des rendements du S&P 500, ce qui signifie que les autres ont perdu en valeur marchande.

Donald Trump a récemment annoncé le lancement de Stargate (porte des étoiles), une initiative du secteur privé qui promet un investissement de 500 milliards de dollars dans l’infrastructure de l’IA. Nvidia, le principal fournisseur de semi-conducteurs spécifiques à l’IA – un élément essentiel de la technologie de l’IA – est devenue la troisième plus grande entreprise au monde en termes de capitalisation boursière, avec environ 3,3 billions de dollars en valeur boursière à la fin de 2024.

Pourtant, le 27 janvier dernier, Nvidia a perdu 600 milliards de dollars de valeur boursière en une seule journée, soit la plus grande perte de valeur boursière jamais enregistrée par une entreprise. D’autres entreprises technologiques liées au secteur de l’IA ont également subi d’importantes pertes de valeur boursière. L’indice Philadelphia Semiconductor, un indicateur des investissements dans l’IA aux États-Unis, a chuté de plus de 9 %, soit la plus forte baisse en une seule journée depuis la panique Covid-19 de mars 2020. Si l’on inclut Nvidia, les pertes totales en valeur de marché ont dépassé les 1000 milliards de dollars.

Cette déroute a été provoquée par l’arrivée d’une startup chinoise appelée DeepSeek. Cette dernière présente une IA avancée qui prétend fonctionner à une petite fraction du coût et de la puissance de traitement des données des concurrents américains. DeepSeek s’est rapidement hissé au premier rang des téléchargements sur les magasins d’applications en ligne, battant des acteurs historiques tels que ChatGPT.

Les investisseurs américains craignent que l’arrivée de DeepSeek ne remette en cause la nécessité d’investissements massifs dans l’IA et la domination d’entreprises américaines telles que Nvidia. À l’instar des kilomètres de voies ferrées redondantes qui s’entrecroisaient dans le cadre d’un accaparement concurrentiel des terres au XIXe siècle, des dizaines, voire des centaines de milliards de dollars d’investissements dans les centres de données et autres infrastructures risquent d’être délaissés au profit de concurrents moins onéreux et plus efficaces.

Seul l’avenir nous dira si la menace est réelle. Car DeepSeek pourrait bien s’avérer n’être qu’un « deepfake » bien orchestré.

Les capacités de DeepSeek commencent à peine à être testées et comparées aux modèles américains concurrents. Les observateurs ont cependant noté que le timing retenu pour la présentation mondiale du produit Deepseek (dans la foulée de Stargate) n’est probablement pas fortuit et qu’il y a là une volonté de déstabilisation du marché. À l’instar des controverses concernant l’entreprise de télécommunications chinoise Huawei et l’entreprise de réseaux sociaux TikTok, toutes deux contrôlées par des éléments du Parti communiste chinois, des inquiétudes ont été exprimées quant à l’implication de Pékin dans DeepSeek, notant qu’il pourrait s’agir d’un cheval de Troie de la collecte de données, la surveillance et la censure gouvernementale.

L’algorithme de DeepSeek refuse, par exemple, de répondre aux questions sur le Parti communiste chinois, Xi Jinping ou Taïwan, ce qui laisse supposer une certaine partialité dans le traitement de l’information. Ces questions et d’autres encore impliquent que DeepSeek pourrait en fin de compte se heurter à d’importants obstacles réglementaires aux États-Unis et en Europe.

Il ne fait aucun doute que l’avènement de l’IA a le potentiel de créer une valeur énorme et d’améliorer considérablement la productivité. La question est de savoir si ce pouvoir sera concentré entre les mains de quelques oligopoles monolithiques, comme cela a souvent été le cas avec d’autres révolutions technologiques, ou si cette fois-ci pourrait être différente.

DeepSeek n’est probablement pas la réponse que l’on attend, mais soulève la question d’un modèle moins coûteux, moins gourmand en données, plus distribué et décentralisé, et qui pourrait potentiellement offrir un avenir technologique plus démocratique. Les technologies de la chaîne de blocs, telles que celles que les développeurs de la communauté Ethereum cherchent à déployer, peuvent apporter une partie de la solution.

Comme toutes les bulles spéculatives liées à la technologie – chemins de fer, automobiles, radio, télévision, ordinateurs ou Internet – il y aura peu de gagnants et beaucoup de perdants. Choisir les licornes et rejeter les mules est une tâche difficile. Mais la spéculation aveugle sur les Sept Magnifiques et la crainte instinctive de voir DeepSeek anéantir ses concurrents américains sont probablement deux réactions tout aussi disproportionnées l’une que l’autre.

Les opinions exprimées dans cet article sont celles de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement celles d’Epoch Times.

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