Oasis, Pixel, Naya, Platon ou Silou ne sont pas de nouveaux acronymes dont l’éducation nationale est friande mais les noms de 5 Golden Retrievers présents depuis plusieurs années au sein d’établissements scolaires pilotes de la médiation animale.
Relativement récente dans les écoles, cette pratique a une longue histoire dans le domaine médical et la présence animale s’est révélée être auprès des personnes en situation de dépendance ou de handicap un atout majeur, au niveau physique, physiologique ou préventif mais également en tant qu’outil pédagogique et de socialisation.
L’intérêt actuel pour cette approche éducative souligne l’émergence d’un nouveau regard sur l’animal et d’une autre façon de penser l’éducation. Cette pratique qui consiste à introduire des animaux domestiques dans les environnements scolaires donnerait déjà des résultats significatifs du point de vue du bien-être des élèves, du climat scolaire mais aussi des apprentissages.
Des bénéfices pour les compétences sociales des enfants
La présence d’animaux en classe est soumise à une réglementation mais aussi à une connaissance de la protection de l’animal. Dans le cas de la médiation animale, les animaux sollicités sont des animaux de compagnie et, légalement, il n’existe pas d’interdiction dans le code de l’éducation concernant leur présence dans les établissements.
La loi du 30 juillet 1987 donne accès aux lieux permettant une activité professionnelle, formatrice ou éducative aux chiens guides d’aveugle ou d’assistance accompagnant les personnes titulaires de la carte d’invalidité. La loi du 30 novembre 2021 visant à lutter contre la maltraitance animale et à conforter le lien entre les animaux et les hommes rend possible les expérimentations en milieu scolaire qui, en se développant, donnent lieu à un premier cadrage institutionnel.
Les travaux de recherches sur l’enfant et la médiation animale de François Beiger, Marine Grandgeorge et Céline Barrier ont montré les intérêts des liens entre l’animal et l’enfant. Les résultats d’autres recherches scientifiques portant plus spécifiquement sur la présence d’un animal en classe montrent que les effets en sont très positifs sur le bien-être et le développement des enfants.
En premier lieu, les animaux domestiques peuvent aider les enfants à développer leurs compétences sociales, à mieux gérer leur anxiété et encourager l’empathie. En jouant avec un animal, les enfants apprendraient à prendre soin des autres et à communiquer avec leurs pairs.
Les animaux domestiques favoriseraient aussi la détente, la concentration des enfants et les aideraient à mieux comprendre leurs propres sentiments. En effet, les enfants sont incités à être plus attentifs aux êtres qui les entourent et à mieux comprendre ce qu’ils ressentent quand ils interagissent avec un animal.
Enfin, ce type d’interaction favoriserait les compétences de résolution de problèmes. Les enseignants peuvent incorporer des activités impliquant des animaux domestiques dans leurs programmes scolaires pour aider les élèves à réussir, à favoriser les échanges, l’expression orale, la lecture, la confiance en soi. La médiation par l’animal peut ainsi être choisie comme fil conducteur des apprentissages tout au long d’un projet.
Prendre en compte le point de vue de l’animal
Quel que soit le lieu et le public cible, la médiation animale implique au minimum trois acteurs, le ou les bénéficiaires, l’intervenant – en classe souvent l’enseignant – et l’animal choisi pour des qualités particulières liées au contexte. Dans la plupart des observations, ce sont les bienfaits sur les bénéficiaires qui sont étudiés. Ce regard anthropocentré nécessite d’être élargi afin de considérer le bien-être de chacun des protagonistes.
Grâce à de meilleures connaissances sur les besoins physiologiques mais aussi psychologiques des animaux, une prise en compte de leur bien-être en situation de médiation émerge. L’animal n’est plus seulement un partenaire efficace pour le développement des enfants, il est considéré pour lui-même en tant qu’être doué de sensibilité et ayant des affects directement liés aux interactions avec l’enfant ou les enfants. Se placer également de ce point de vue est essentiel pour assurer une coexistence et des interactions positives pour tous.
Ainsi, la classe peut être un lieu parfois bruyant et les sollicitations des enfants vis-à-vis de l’animal risquent de le fatiguer et le stresser. Il convient pour l’enseignant d’être attentif aux signes d’inconfort de l’animal et de lui offrir un espace de retrait respecté par les enfants. Chaque animal est un individu particulier et cette singularité est à découvrir avec les enfants. Au-delà des connaissances générales sur les besoins de l’espèce animale choisie pour partager la vie de la classe, c’est la vie quotidienne à ses côtés qui permettra de découvrir son caractère, ses préférences et ce qui le gêne.
Marie-Laure Laprade, professeure des écoles et présidente de l’association Éducation Éthique Animale, promeut la médiation animale à l’école tout en émettant un certain nombre de recommandations :
« Afin que l’animal invité en classe s’épanouisse, il est crucial de s’interroger sur les besoins biologiques dont comportementaux de son espèce, de connaître l’histoire particulière de cet individu particulier et d’apprendre à décrypter ses attentes, ses préférences, ses attitudes et réactions. Il s’agit d’un véritable apprentissage du « vivre avec ». J’émets donc de grandes réserves quant à la présence d’un animal en classe si ce projet n’est pas consciencieusement préparé en amont en mettant l’animal autant que les élèves en son centre ».
Le respect de certaines règles et une attention bienveillante à l’endroit de l’animal partenaire sont donc des conditions indispensables pour que cette expérience soit profitable à tous, et posent dans le même temps des limites à une généralisation de cette pratique.
Pour aller au-delà des premières expérimentations tout en évitant une généralisation trop massive de cette pratique, il y a donc nécessité de former les individus, tant les enseignants que les animaux eux-mêmes, comme cela se fait dans certains pays. Des dispositifs commencent à être mis en œuvre au niveau des académies.
Article écrit par Sylvain Wagnon, Professeur des universités en sciences de l’éducation, Faculté d’éducation, Université de Montpellier et Laura Nicolas, Maître de Conférence en Sciences du Langage et en Sciences de l’Education, Université Paris-Est Créteil Val de Marne (UPEC)
Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.
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