Des détails sensibles sur la « Gestapo chinoise » révélés en ligne

2 octobre 2015 16:37 Mis à jour: 17 octobre 2015 23:55

Les médias chinois ont récemment révélé l’identité du nouveau chef de la police secrète du régime communiste. Toutefois, quelques heures plus tard cette information a été supprimée de tous les sites importants. Cette actualité inhabituelle est parue lorsque Xi Jinping était en visite officielle aux États-Unis.

Il y a plusieurs indications que depuis trois ans, Xi Jinping marginalise cet organe secret du Parti, appelé Bureau 610, en charge de la persécution du Falun Gong et des autres groupes religieux que le régime considère comme ses ennemis.

Il est néanmoins difficile de dire si la récente nomination de Fu Zhenghua, vice-ministre de la sécurité publique, va changer le rôle de cette institution.

Un organe secret du régime chinois
Le Bureau 610 est une entité secrète ayant des pouvoirs très étendus et définis vaguement, souvent comparé à la version chinoise de la Gestapo, police secrète de l’Allemagne nazie. Il a été crée par l’ancien dirigeant du Parti Jiang Zemin le 10 juin 1999 (d’où son appellation) dans le but de mettre en application la persécution du Falun Gong en dehors des lois.

Un comité de haut niveau (Le Groupe central de direction en charge du Falun Gong) composé de plusieurs des dirigeants chinois les plus puissants de l’époque, avait également été mis en place pour superviser le travail du Bureau 610.

« Ils ne veulent pas que cette organisation soit mise au centre de la politique. Ils ne veulent pas parler de ce bureau en public »
- Xia Yiyang, chercheur en sécurité chinoise

Le Falun Gong est une pratique spirituelle chinoise basée sur les principes d’authenticité, bienveillance et tolérance qui enseigne de lents et souples exercices méditatifs. Selon les sources officielles et celles du Falun Gong, vers 1999 il y avait entre 70 et 100 millions de personnes qui pratiquaient le Falun Gong en Chine.

Li Dongsheng, à la tête du Bureau 610, à Pékin, en octobre 2007. (Frederic J. Brown / AFP / Getty Images)


Li Dongsheng, à la tête du Bureau 610, à Pékin, en octobre 2007. (Frederic J. Brown / AFP / Getty Images)

Selon les experts des droits de l’homme, la campagne anti-Falun Gong a été l’une des plus féroces de l’histoire récente de la Chine. Elle a impliqué la brutalité, l’incarcération en masse et la torture pour forcer les pratiquants de Falun Gong à renoncer à leurs croyances et à prêter serment d’allégeance au PCC. Cette campagne a été spécialement dirigée par le Bureau 610.

La direction de cet organe a toujours été tenue secrète. Mais depuis l’ascension de Xi Jinping au pouvoir, deux annonces majeures semblent indiquer qu’il est en train d’être mis à l’écart au sein de la structure du Parti.

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Une communication a minima
Lorsque Li Dongsheng, un complice de l’ancien chef de la sécurité chinoise Zhou Yongkang, a été purgé en décembre 2013, son titre de directeur du Bureau 610 a été largement communiqué. Ceux qui ont suivi l’affaire ont su que cette police secrète n’allait pas rester longtemps sans leader.

Liu Jinguo a assumé le poste à partir de janvier 2014, même si rien n’a été déclaré dans les médias que beaucoup plus tard dans l’année. Il a ensuite été annoncé qu’il avait été nommé commandant en second de l’organisme d’enquête interne du Parti, un rôle prenant, qui indiquait que toute son énergie n’allait pas être consacrée à son travail au Bureau 610.

En mai 2015, la nouvelle que Liu Jinguo n’était plus chef du Bureau 610 a été rendue public par les grands médias d’État chinois, y compris Le Quotidien du Peuple. Son successeur n’était pas connu jusqu’à maintenant, et il est difficile de savoir quand Fu Zhenghua a commencé à reprendre ce poste.

Ces deux changements ont été, à proprement parler, tout à fait inutiles, a déclaré Xia Yiyang, directeur général à la Human Rights Law Foundation, dont les travaux portent sur le traçage des opérations de l’appareil de sécurité chinois.

« Ces reportages avaient des motifs politiques. Il n’y avait pas besoin de rendre public le titre de Li Dongsheng. Lorsque cela a été fait, un signal a été envoyé. Après cela, Liu Jinguo a été maintenu à un rôle relativement faible », a t-il déclaré à Epoch Times dans un entretien téléphonique.

C’est un signal que le Bureau 610 continue en tant qu’entité du Parti communiste Chinois à persécuter le Falun Gong et les autres groupes religieux. 
- Sarah Cook, analyste de recherche principal pour l’Asie de l’Est, Freedom House

Il était apparu plus tôt cette année, que le Bureau 610 n’avait pas de leadership, du moins, pas de nouveau chef annoncé. Et il semble que l’intention de l’actuel chef du régime chinois Xi Jinping, était de garder les choses ainsi, étant donné la manière dont les reportages récents ont été si rapidement supprimés.

Le nouveau poste de Fu Zhenghua a été révélé par le Xinjiang Daily, dans un article énumérant les 69 délégués du Parti Central qui avaient assisté à la cérémonie du 60e anniversaire du contrôle de la ‘République populaire de Chine’ sur la région du Xinjiang – peuplée par les Ouïghours, un peuple musulman turc.

Cette information s’est ensuite propagée sur les portails Web continentaux, tels que Sina, Phoenix, et The Paper. Mais dans les heures qui ont suivies, ces articles ont été purgés de tous les sites. Cette information ne figurait pas dans les médias faisant autorité en Chine, Xinhua et Le Quotidien du Peuple, les seuls indicateurs des tendances fiables de la politique centrale du Parti.

Que la publication initiale ait été intentionnelle ou non est également en question. Xia Yiyang, expert en sécurité chinoise y voit deux possibilités: la première, la faction rouge de Jiang Zemin, qui a un intérêt dans la persécution du Falun Gong et dans l’avenir du Bureau 610, a voulu que le titre de Fu Zhenghua soit rendu public. La deuxième, est que cela était tout simplement un accident.

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Selon Xia Yiyang, il est clair cependant, que contrairement à la publicité précédente indiquant que le Bureau 610 « n’avait actuellement pas de direction », « ils ne veulent pas que cette organisation soit mise au centre de la politique. Ils ne veulent pas parler de ce bureau en public ».

Politique et propagande, l’une à côté de l’autre, il y a c’est sûr des considérations institutionnelles et tactiques liées à la nomination de Fu Zhenghua.

Fu Zhenghua, le transfuge
Les antécédents de Fu Zhenghua sont fermement affiliés au camp de Zhou Yongkang, l’ancien chef de la sécurité chinoise, purgé pour corruption. Il a au fil des ans été fortement impliqué dans les campagnes anti-Falun Gong – par exemple avec son rôle de chef du bureau de la sécurité publique à Pékin.

Mais quand Xi Jinping en est venu à mettre en prison Zhou Yongkang, Fu Zhenghua est rapidement devenu un renégat – selon des rumeurs largement citées dans des médias basés à Hong Kong. Cela lui aurait épargné le sort de son précédent patron.

Fu Zhenghua, le nouveau chef du Bureau 610, dans une photo non datée. (freeweibo.com)


Fu Zhenghua, le nouveau chef du Bureau 610, dans une photo non datée. (freeweibo.com)

Dans le même temps, Fu Zhenghua, comme son prédécesseur de courte durée Liu Jinguo, est étranger au système de Bureau 610. L’autre personne envisagée pour le poste, selon Xia Yiyang, était Chen Zhimin, actuellement ministre adjoint de la sécurité publique et ancien chef du redouté Département de la sécurité intérieure (« Guobao »). « Les opérations du Bureau 610 sont très spécifiques », dit Xia Yiyang, « ce n’est pas quiconque qui peut reprendre la relève et mener les mêmes politiques. »

La nomination successivement de deux fonctionnaires étrangers de l’institution, plutôt que la promotion d’un inconditionnel du Bureau 610, comme l’étaient les directeurs précédents (comme les fonctionnaires Wang Maolin, Liu Jing, ou Li Dongsheng), est également une indication de l’atténuation de son influence institutionnelle, indique Xia Yiyang.

Une analyse plus générale sur le rôle continu du Bureau 610 montre son association avec le programme politique de l’ancien dirigeant Jiang Zemin, qui est devenu le leader de la faction rivale au chef du Parti Xi Jinping, depuis que celui-ci a pris le pouvoir fin 2012. Tous les hauts fonctionnaires du Parti qui ont été purgés par la campagne anti-corruption de Xi Jinping, étaient connus – même s’ils n’avaient pas été spécifiquement nommés par Jiang Zemin – pour être ses loyalistes.

« Un chemin de dépendance »
Mais la résistance bureaucratique aux changements majeurs dans la configuration des forces de sécurité peut, pour l’instant, empêcher une extension de la purge de Xi Jinping au bureau 610. Un tel changement aurait probablement besoin d’être accompagné par un changement dans la politique de persécution du Falun Gong, qui lui même est une question politique sensible et épineuse au sein du Parti.

Dans un article récent de la revue China Quarterly, les universitaires Caylan Ford et Stephen Noakes utilisent la théorie du « chemin de dépendance » pour expliquer comment – après que le Parti ait consacré des ressources considérables dans une poursuite infructueuse de la persécution du Falun Gong – « la suppression institutionnelle de cette campagne causerait trop de frais et que les conséquences seraient actuellement beaucoup trop élevées ».

La nomination de Fu Zhenghua semble être une expression de ce « chemin de dépendance ».

« C’est un signal que institutionnellement, le Bureau 610 continue à survivre en tant qu’entité du Parti communiste chinois pour persécuter le Falun Gong et les autres groupes religieux et spirituels ciblés par le Parti communiste », a déclaré Sarah Cook, chercheur sur la Chine à Freedom House et co-auteur d’une analyse sur les opérations du Bureau 610.

Alors que la nomination de Fu Zhenghua ne signale pas forcément une intention des autorités centrales de relancer la persécution du Falun Gong, le fait d’avoir rendu public le nouveau chef du Bureau 610 pourrait, au moins temporairement, conduire à une augmentation des persécutions au niveau local.

« Si on a une situation où les fonctionnaires ne sont pas sûrs de ce que sera leur futur statut, cela donne un peu plus de marges au personnel de la sécurité locale qui ne voudront pas mettre en application les ordres », a déclaré Sarah Cook. « Potentiellement cette entité pourrait fermer, mais cette révélation pourrait être aussi un autre niveau de consolidation du Bureau 610 ».

Version anglaise : Sensitive News About ‘Chinese Gestapo’ Revealed, Briefly Online

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