Désolé, Elon Musk, vous vous trompez à 100 % sur Taïwan

Par Gordon G. Chang
6 janvier 2025 00:49 Mis à jour: 6 janvier 2025 19:25

« Vous savez, de leur point de vue [des autorités chinoises], c’est peut-être considéré comme analogue à Hawaï ou quelque chose de ce genre, comme une partie intégrante de la Chine qui ne fait arbitrairement pas partie de la Chine principalement parce que […] la flotte américaine du Pacifique a empêché toute tentative de réunification par la force », a déclaré Elon Musk au sujet de Taïwan lors du Sommet All-In qui a eu lieu à Los Angeles en septembre dernier.

En mai, M. Musk s’est entretenu sur le même sujet avec la chaîne CNBC. « La politique officielle de la Chine est que Taïwan doit être intégrée », a-t-il laissé entendre. « Il n’est pas nécessaire de lire entre les lignes. Il faut se contenter de lire les lignes. » L’homme le plus riche du monde a poursuivi : « Je pense qu’il y a une certaine inévitabilité dans cette situation. »

Elon Musk est brillant lorsqu’il s’agit de fournir ce dont le monde a besoin, mais il est ignorant en ce qui concerne Taïwan. Ses conclusions ne pourraient être plus erronées.

Tout d’abord, la République populaire de Chine ne peut pas se « réunifier » avec Taïwan. Le régime communiste n’a jamais dirigé cette démocratie insulaire.

D’ailleurs, la Chine précommuniste ne l’a pas fait non plus. En fait, aucun groupe dirigeant chinois n’a jamais détenu une souveraineté incontestable sur l’île.

Les dirigeants du Parti communiste chinois affirment que Taïwan fait partie de la Chine « depuis l’Antiquité », explique Gerrit van der Wees, un ancien diplomate néerlandais qui enseigne l’histoire de Taïwan à l’université George Mason. « Un examen plus approfondi montre que ce n’est tout simplement pas le cas. »

Le Parti aime évoquer la dynastie des Ming, note M. van der Wees, mais les souverains des Ming considéraient Taïwan comme étant « au-delà de [leur] territoire » et ne se sont pas opposés à la construction du fort Zeelandia par les Néerlandais ou à l’établissement par la Compagnie néerlandaise des Indes orientales d’un contrôle administratif sur une partie de Taïwan.

Pékin évoque également la domination de la dynastie des Qing sur Taïwan, mais les Qing n’ont jamais contrôlé la partie montagneuse qui constitue environ la moitié de l’île. De plus, les Chinois considéraient les Qing mandchous, qui ont renversé les souverains des Ming, comme des étrangers. Certes, les souverains des Qing ont proclamé Taïwan comme étant « une province de Chine », mais ce statut de province n’a duré que huit ans. En 1895, ils ont cédé Taïwan au Japon par le traité de Shimonoseki.

De 1928 à 1943, le Parti communiste lui-même a reconnu Taïwan comme un État distinct de la Chine.

Chiang Kaï-shek était certainement un Chinois et il contrôlait sans aucun doute toute la région de Taïwan après la défaite du Japon dans la Seconde Guerre mondiale en 1945. Cependant, le traité de San Francisco de 1951, qui a résolu la plupart des questions juridiques de cette guerre en Asie, n’a pas conféré à la Chine communiste de Mao la souveraineté sur l’île.

Plus précisément, les habitants de Taïwan ne se considèrent pas comme des « Chinois ». Si le mot « Chine » figure dans le nom officiel de leur république (République de Chine), c’est parce que Chiang Kaï-shek, après avoir perdu la guerre civile chinoise, a fui le « continent » et s’est installé sur cette île. Son parti, le Kuomintang, a consolidé son pouvoir par l’impitoyable « Terreur blanche » de 1949 à 1992. La brutalité, la répression et la discrimination qui ont marqué ces décennies ont renforcé le sentiment d’identité taïwanaise chez les habitants de l’île.

Aujourd’hui, dans les enquêtes d’auto-identification, environ deux tiers des habitants de Taïwan nient être « Chinois ». Dans une enquête du Pew Research Center, menée entre juin et septembre de l’année dernière, 67 % des habitants de Taïwan ont déclaré qu’ils étaient « principalement taïwanais ». Seuls 3 % – généralement ceux qui sont arrivés avec Chiang Kaï-shek ou leurs descendants – se considéraient comme « principalement chinois ».

La mauvaise nouvelle pour les dirigeants chinois est la position des habitants les plus jeunes. Parmi les 18-34 ans, 83 % se considéraient comme des Taïwanais et seulement 1 % comme des Chinois. Taïwan a déjà développé un sentiment d’identité distinct de la Chine.

L’utilisation par Elon Musk de l’exemple d’Hawaï – un État insulaire faisant partie des États-Unis – est bien instructive. À Hawaï comme à Taïwan, des étrangers sont arrivés et ont dominé la société indigène. La différence essentielle est que les habitants d’Hawaï ont fini par accepter l’union avec les États-Unis. Dans le cas de Taïwan, les habitants continuent de rejeter l’unification avec la Chine.

Ce rejet réfute la thèse de l’inévitabilité avancée par M. Musk.

Dans le cours des événements humains, rien n’est inévitable.

De plus, il y a plusieurs obstacles à l’unification. D’une part, la Chine ne va pas s’attaquer aux États-Unis si le futur président Donald Trump indique clairement qu’il défendra Taïwan. Le régime chinois est extrêmement réticent à l’idée de subir des pertes humaines, comme en témoigne la réticence de Pékin à faire état des pertes subies lors d’une escarmouche avec l’Inde en juin 2020. Il est peu probable que les dirigeants chinois déclenchent une guerre, même s’ils pensent qu’ils finiront par l’emporter, alors que les pertes humaines pourraient se compter en centaines de milliers. Bref, une invasion chinoise n’est déjà pas « inévitable » pour cette seule raison.

Toutefois, Donald Trump n’a pas fait une déclaration claire de ses intentions. La Chine reste ainsi dans l’expectative.

M. Trump semble également avoir une aversion pour les pertes humaines, se targuant d’être resté en dehors des guerres pendant son premier mandat présidentiel. Si la Chine devait attaquer Taïwan, le 47e président américain, conseillé par Elon Musk, pourrait rester en dehors du combat.

Si Xi Jinping pense que Donald Trump ne défendra pas Taïwan, l’attaquera-t-il alors ? D’autres facteurs empêchent Pékin de prendre cette décision. D’une part, la République populaire de Chine s’affaiblit – l’économie chinoise est défaillante – ce qui rend la notion d’inévitabilité dépassée.

D’autre part, les dirigeants chinois doivent savoir qu’une guerre serait extrêmement impopulaire auprès du peuple chinois, et qu’une guerre contre Taïwan serait la plus impopulaire de toutes. Bien que les habitants de Taïwan ne se considèrent pas comme des « Chinois », les habitants de la Chine continentale, du fait de l’endoctrinement incessant du Parti communiste, les considèrent comme tels. Les Chinois de Chine, qu’ils soient fonctionnaires ou simples citoyens, croient que « les Chinois ne tuent pas les Chinois ».

En outre, l’armée chinoise, rongée par les purges et les suicides, n’est pas en mesure d’entamer une guerre par l’invasion de l’île principale de Taïwan. En même temps, Xi Jinping ne fait confiance à aucun général ou amiral et ne leur accorde pas le contrôle total de l’Armée populaire de libération – ce qui serait nécessaire si Pékin devait lancer une opération combinée air-terre-mer contre l’île. Xi Jinping semble perdre le soutien de l’armée, et il n’est pas prêt à faire d’un militaire la personnalité la plus puissante de Chine en lui accordant le contrôle de la quasi-totalité des forces armées.

Bien que la présence de la flotte américaine du Pacifique puisse également servir d’obstacle à une invasion chinoise de Taïwan, les véritables obstacles sont les conditions en Chine, sans parler des siècles d’histoire, de tradition et de culture.

Alors, M. Musk, je vous déclare avec tout mon respect :

La Chine est la Chine, Taïwan est Taïwan, et Taïwan, bien que proche de la Chine, n’est pas la Chine.

Publié initialement par Gatestone Institute

Les opinions exprimées dans cet article sont celles de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement celles d’Epoch Times.

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