TRADITIONS CHINOISES

Deux généraux ennemis, une prophétie, et la quête de « l’Art de la guerre »

septembre 16, 2015 10:54, Last Updated: novembre 7, 2015 13:07
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« L’ Art de la guerre ». Cet ouvrage de Sun Zi sur la stratégie militaire dépasse les temps, et a inspiré un grand nombre d’esprits calculateurs ; du général au PDG de compagnie. À l’époque des Trois-Royaumes, le texte a également sauvé Sun Bin, le descendant de Sun Zi en Chine, d’un grand péril.

L’ouvrage délivre de nombreux enseignements sur la sagesse, la sincérité, la bienveillance, le courage et la rigueur. On peut effectivement assumer que ce sont ces leçons qui ont guidé le jeune Sun Bin, dans les sombres jours où il dû traverser la trahison et l’humiliation, livré aux mains de celui qu’il considérait autrefois comme son frère de coeur, Pang Juan.

Un maître, deux disciples

A leur jeune âge, Sun Bin et Pang Juan ont été éduqués par Guiguzi, ermite taoïste d’une des vallées à l’est de la Chine. Ce maître se spécialisait non seulement dans la stratégie, mais aussi dans la bonne aventure, le dialogue et la cultivation personnelle.

Il avait émis ne prophétie sur ses deux disciples : Pang Juan, toujours ambitieux, devait rester fidèle à Sun Bin, sinon il succomberait, percé par mille flèches.

Par la suite, Pang Juan s’est mit au service du puissant État de Wei et est devenu un général sans égal. Mais il a oublié la prophétie de Guiguzi.

Sun Bin apprend d’un œuvre classique perdu

Le portrait de Sun Bin peint sous la dynastie des Ming par artiste inconnu. (Domaine public)

Alors que Pang Juan était entrain d’acquérir la célébrité et la gloire, Sun Bin restait avec leur maître dans une vallée reculée. C’est seulement alors que Guiguzi lui a révélé qu’il était en possession de « l’Art de la guerre », le manuel sur la stratégie militaire en 13 parties qui avait été écrit cent ans auparavant par Sun Zi, l’ancêtre de Sun Bin. Le texte avait été perdu, mais le vieil ermite en avait conservé une copie.

Selon Guiguzi, celui qui maîtrisait les enseignements de « l’Art de la guerre » avait la capacité de marcher à travers le monde sans opposition. Guiguzi trouvait que le caractère de Pang Juan ne lui permettait pas d’accéder à ces enseignements, mais qu’il n’y avait pas de danger de les passer à Sun Bin. Pendant trois jours, ce dernier avait appris ce texte par cœur.

Lorsque Sun Bin est allé rejoindre Pang Juan dans l’État de Wei, Guiguzi l’a averti qu’il allait un jour obtenir la gloire, mais seulement en servant l’État de Qi, son pays natal.

Des ténèbres dans le coeur

Dès que Sun Bin est arrivé dans l’État de Wei, Pang Juan a commencé à lui faire du tort. Voulant apprendre les secrets que Sun Bin avait étudié avec Guiguzi en son absence, il a conspiré pour qu’on lui coupe les genoux et tatoue le visage, le marquant comme un traître et le forçant à être mis sous la responsabilité de Pang Juan.

Au début, pensant que Pang Juan l’avait sauvé, Sun Bin a commencé à écrire « l’Art de la guerre » pour rembourser la dette. Cependant, grâce à l’intervention d’un domestique qui lui était sympathique, Sun Bin a découvert les intentions perverses de son frère. Alors il a simulé la folie, brûlé le texte qu’il avait écrit, et s’est furtivement évadé pour rejoindre l’État de Qi, où il a commencé à réaliser la prophétie de Guiguzi.

Le retour d’un stratège

Ignorant l’évasion de Sun Bin, Pang Juan continuait à remporter des victoires pour son État. Les deux frères se sont finalement rencontrés dans une bataille, et Pang Juan a été battu pour la première fois. Peu de temps après, ils ont eu une deuxième rencontre, lors de laquelle la prophétie de Guiguzi a abouti.

Traversant le col de Maling une nuit avant la bataille, Pang Juan a constaté que les arbres avaient été abattus pour ralentir son avancement. Il se réjouissait à l’idée de la terreur de son ennemi. Pourtant, un arbre est resté debout, dépouillé de son écorce. Il y avait huit caractères gravés et illisibles dans l’obscurité. Alors Pang Juan a allumé une torche et a lu la prophétie : « Pang Juan rencontrera la mort sous cet arbre. »

À ce moment, dix mille archers de l’armée de Sun Bin cachés dans les collines, ont tiré leurs flèches de toutes les directions. Les mots gravés qui se référaient à la promesse rompue de Pang Juan, sont devenus la réalité.

Lorsque Sun Bin s’est approché de Pang Juan mourant, il n’a entendu que des paroles du général qui se maudissait lui-même pour n’avoir pas avoir tué Sun Bin plus tôt. Avant que Sun Bin puisse dire un mot, Pang Juan tira son épée et se donna la mort.

Une humble victoire

« L’Art de la guerre » décrit la guerre comme un mal nécessaire qui doit être appliqué comme si l’on pratiquait une chirurgie, et d’une façon aussi décisive que possible. Sun Zi enseigne l’efficacité stoïque, détachée de succès et de revers temporaires.

L’Art de la Guerre écrit sur les bambous découvert en 1972 dans le Mont Yinque à Linyi, province du Shandong. Les bambous datent du 2e siècle avant J.-C.

De cette façon, les meilleurs commandants résolvent les conflits sans effort.

«  Parce que ses victoires ne lui apportent ni réputation à travers la sagesse, ni honneur à travers le courage. Il gagne ses batailles en ne faisant aucune erreur », a écrit Sun Zi.

Pang Juan, en plus de trahir son condisciple et ignorer son maître, a été attaché à la gloire et à la richesse qui lui ont été offertes en tant que général. Il était présomptueux et paranoïaque, ce qui l’a amené à transformer Sun Bin, une fois que son frère juré, en un ennemi mortel.

Comme si « l’Art de la guerre » décrivait les deux disciples : « Ainsi, lors de la guerre, le stratège victorieux ne cherche la bataille que lorsque la victoire a été déjà remportée, tandis que celui qui est destiné à la défaite cherchera tout d’abord à se battre, et voudra la victoire qu’ensuite ».

Malgré tous le mal que Pang Juan lui avait fait, Sun Bin n’avait aucune rancune. Par la suite, il a suivi les traces de son ancêtre. Après avoir transmis « l’Art de la guerre » aux autorités de l’État de Qi, Sun Bin est retourné à la solitude et a vécu dans l’isolement.

Article original : A Tale of Two Generals, a Prophecy, and the Search for the ‘Art of War’

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