Échapper au bruit : comment le silence restaure l’esprit et l’âme

Par Walker Larson
1 mars 2025 02:27 Mis à jour: 1 mars 2025 13:43

Ding ! Un nouveau message. Un appel entrant. La musique tonitruante de la radio. Le rugissement d’un avion dans le ciel. Un klaxon strident. Un titre de presse alarmant.

Ainsi va notre monde saturé de bruit – rapide, fragmenté, brisé, sans cesse interrompu. Du moment où nous nous réveillons au son perçant du réveil jusqu’à l’instant où nous sombrons dans le sommeil devant le murmure et le scintillement du téléviseur, nous sommes assaillis de toutes parts. Ce tumulte incessant rend difficile la quête de la sérénité intérieure.

Et pourtant, des philosophes chinois de l’Antiquité aux moines médiévaux, jusqu’aux chercheurs du MIT, bien des esprits sages ont vanté la puissance et l’importance du silence. La science elle-même corrobore leurs intuitions : des études montrent que le silence procure de nombreux bienfaits pour la santé, notamment une baisse de la pression artérielle, une meilleure concentration, une réduction du cortisol, une amélioration de l’attention, et même une stimulation de la croissance cérébrale.

« L’excès de paroles est épuisant, à l’inverse du calme intérieur », écrivait Lao Tseu dans le Tao Te King aux alentours de 400 av. J.-C. Le silence apporte équilibre et harmonie. Un flot ininterrompu de paroles, de sons et de pensées peut provoquer une instabilité qu’une seule chose peut apaiser : le silence.

Dans notre ère numérique, nous avons plus que jamais besoin de silence pour nous recentrer, bien plus qu’au temps où le Tao Te King fut composé, il y a 2 400 ans. Dans un article pour la revue Plough, Stéphanie Bennet souligne que l’explosion des flux d’informations dans l’ère du Big Data surcharge notre capacité cognitive. Ce phénomène pourrait être l’une des causes de l’augmentation du stress et de l’anxiété dans le monde contemporain.

Le mantra d’un moine (revisité)

Bien avant l’invention des machines, d’Internet et du divertissement de masse, les moines médiévaux, à l’image de saint Benoît de Nursie, savaient que l’excès de bruit perturbait l’âme. Sa Règle insiste sur l’importance du silence : « Les moines doivent cultiver avec zèle le silence en tout temps, mais plus particulièrement la nuit. » Il y cite le Psaume : « J’ai dit : je veillerai sur mes habitudes pour ne point pécher par ma langue. J’ai mis un frein à ma bouche. Je suis resté en silence et j’ai été empli d’humilité. »

Le premier mot de la Règle de saint Benoît est le mot Écoute – c’est-à-dire, fais silence, sois immobile, sois réceptif à ce que le monde, les autres et Dieu ont à t’offrir. Dans cette écoute naît la capacité à percevoir la splendeur et le mystère de la création.

Encore aujourd’hui, ceux qui suivent la tradition bénédictine témoignent du pouvoir transformateur du silence. Il nous permet de nous accorder au rythme de la vie, du monde et de l’existence elle-même. Jodi Blazek Gehr, oblate bénédictine, écrit sur son blog : « Dans le silence, nous pouvons être transformés […]. Nous devenons plus attentifs. Nous remarquons les détails qui nous entourent et prenons conscience de ce qui se passe en nous. »

Elle évoque une visite à un monastère où même les repas se prenaient en silence. Les effets de cette pratique l’ont profondément marquée :

« Nous étions assis en silence, et cela a intensifié mes perceptions – le calme et l’immobilité faisaient ressortir les couleurs et les saveurs des aliments les plus simples : laitue, tomates, pain, pâtes, beurre, lait […] Regarder, toucher, goûter – interagir pleinement avec la nourriture – relevait de l’extase pure. Cette sensibilité aux stimuli physiques et tangibles s’est ensuite étendue à tout mon environnement : j’observais les poissons nager dans l’étang, les sauterelles bondir d’une position de la croix à l’autre, une bougie vaciller dans l’obscurité. Tout semblait exister pour moi. Chaque mouvement, chaque couleur, chaque sensation m’apparaissait extraordinaire, alors que, quelques jours auparavant, tout cela n’était que banalité. »

Une perspective scientifique

Jodi Gehr n’est pas la seule à avoir remarqué les effets inattendus d’un régime de silence. Stéphanie Bennet raconte comment ses étudiants réagissent lorsqu’elle leur impose une journée sans aucun écran. Beaucoup ressentent au début une peur ou une anxiété profonde, révélant à quel point ils sont psychologiquement dépendants de leurs téléphones.

Mais certains dépassent cette première phase de manque et accèdent à un état de clarté mentale et d’intense créativité. « Il n’est pas rare que des étudiants ressentent le besoin de prier », note-t-elle.

La professeure Sherry Turkle, du MIT, a étudié ces effets et les considère comme essentiels à la connaissance de soi. Or, cette connaissance de soi est le fondement même de relations plus profondes avec les autres. Dans son livre elle écrit :

« Sans solitude, nous ne pouvons pas construire un moi stable. Pourtant, les enfants qui grandissent avec le numérique ont toujours eu quelque chose d’extérieur auquel réagir. »

Elle déplore que les écrans occupent aujourd’hui tous les moments de silence, empêchant les familles de partager des instants de vraie connexion :

« L’un des véritables drames de notre époque est peut-être le fait que parents et enfants ne prennent plus le temps d’avoir des conversations – ou même de partager un silence, cet espace précieux où peuvent naître une histoire amusante ou une pensée émouvante. »

Stéphanie Bennet abonde dans son sens :

« Grâce au silence, nous comprenons mieux nos pensées et nos motivations. Nous nous relions plus harmonieusement au monde et aux autres. Nous développons une meilleure compréhension de ce que signifie être humain. […] Le bruit intérieur permanent remplace l’espace de réflexion dont nous avons besoin pour penser, méditer, s’émerveiller, prier. »

Peut-être est-ce précisément cela que nous cherchons à fuir : penser, méditer, s’interroger, prier. Pourtant, ces activités en apparence anodines sont parmi les plus essentielles et les plus exigeantes de notre existence. Se retrouver seul avec soi-même, affronter ses craintes, sa fragilité, sa propre mortalité, et le mystère de l’univers.

Le silence est intimidant, car il nous confronte à nous-mêmes. Et il nous confronte à des réalités plus vastes que nous.

Mais, comme le répètent à l’envi tous les conférenciers en développement personnel, c’est en affrontant nos peurs que nous grandissons. Peut-on vraiment résoudre ses tourments intérieurs en les fuyant ? Peut-on les noyer sous un flot ininterrompu de bruit ?

Saturer son esprit de sons et de distractions semble être une option plus confortable. Mais Blaise Pascal nous avertissait déjà :

« Tout le malheur des hommes vient d’une seule chose, qui est de ne savoir pas demeurer en repos dans une chambre. »

Ses mots méritent réflexion. Et sur ce, je me tais.

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