Les réformes, c’est bien. Au moins en Chine, elles rappellent la politique de réformes et d’ouverture qui avait commencé dans les années 70, posant les bases pour trois décennies de développement et de croissance économique sans précédent.
La Chine n’avait pas beaucoup à perdre en 1978, la première année d’application de cette politique de réformes. Mais aujourd’hui, avec un PIB approchant les 10 000 milliards d’euros, le pays a beaucoup plus à perdre. Une vraie réforme est la seule façon d’éviter les pertes et de passer à la prochaine étape du développement économique.
Le krach boursier du début de cette année, la chute progressive de la valeur de la devise nationale et la fuite massive des capitaux sont les résultats directs de la réticence ou de l’incapacité de Pékin d’appliquer de véritables réformes au bon moment.
Cependant, selon le Quotidien du Peuple, journal porte-parole du Parti communiste chinois (PCC), le régime pense sérieusement aux réformes aujourd’hui. « L’introduction de la réforme a été décidée après une mûre réflexion sur la situation économique de la Chine », peut-on lire dans le journal qui cite une source interne sans la nommer.
Cette personne informée a reconnu également que les problèmes de la Chine, tels que la surcapacité de production et les mauvais investissements, sont de nature structurelle plutôt que cyclique. Elle a averti que la croissance sera bien plus lente à l’avenir et qu’il y aura « un impact sur la société ».
Une telle évaluation est étonnamment franche au point d’être même partagée par Michael Pettis, professeur de l’Université de Pékin connu pour sa critique du modèle économique chinois. Toutefois, le professeur Pettis montre encore plus clairement qu’aucune des réformes déjà en cours comme la déréglementation des taux de change et des taux d’intérêt intérieurs, ne suffira.
« La croissance va continuer à ralentir brusquement au cours des prochaines années, malgré les absurdités que nous pourrons entendre des analystes qui pensent que Pékin peut effectuer des réformes qui, améliorant l’efficacité et stimulant la productivité, pourront d’une façon ou d’une autre empêcher la croissance de tomber sous les 7, 6, voire même 5 % », a-t-il écrit récemment.
Les indications provenant de Chine nous préparent à une croissance officielle de 6,5 % en 2016, un chiffre que le régime manipule selon ses besoins politiques.
Quel est le problème exactement ?
« La Chine nous fait penser à un esclave sur une galère romaine qui est condamné à ramer (c’est-à-dire à investir) indéfiniment jusqu’à ce qu’il meure épuisé ou soit libéré pour une raison quelconque par son propriétaire », écrivait dans un rapport Viktor Shvets de Macquarie Securities.
Après la crise financière de 2008, la Chine a généré près de 50 % de son PIB à travers la formation de capital fixe, ou des investissements. Cette politique a bien marché lorsque le pays avait besoin de routes, d’aéroports, de chemins de fer à grande vitesse et de nouvelles résidences privées. Cependant, après six ans de dépenses effrénées, la plupart des économistes s’accordent à dire que la Chine est allée trop loin.
« La Chine rencontre actuellement des problèmes et continuera d’en avoir, elle a construit dix-huit villes fantômes. Sa dette est exorbitante… parce que la Chine ne sait pas s’en tenir à investir dans de bonnes choses. Le pays s’est contenté de maintenir la population au travail », a expliqué Woody Brock de Strategic Economic Decisions Inc.
Macquarie Research présente cela en termes plus techniques. Depuis 2008, le rapport entre capital et production en Chine a sauté de 3 à presque 7. Cela signifie que pour une unité de production, sept unités de capital sont nécessaires. La moyenne mondiale tourne autour de 3.
Photo : Le rapport marginal entre investissements et revenus en Chine
En conséquence, la Chine a créé une dette de 300 % du PIB, trop difficile à soutenir si les investissements ne génèrent pas de revenus. « Plus la Chine tarde à rééquilibrer son économie, plus grande sera la probabilité de son effondrement sous la montagne de dettes et surcapacité », a écrit Victor Shvets.
Steve Keen, professeur à l’Université de Kingston à Londres, pense qu’aucun des secteurs chinois ne pourra supporter davantage de pression, ce qui affecte la croissance. « Le marché immobilier a été le premier secteur à stimuler la demande dans l’économie chinoise », a-t-il précisé dans une interview téléphonique. « Cela a pris fin, le marché d’actions a pris fin , alors il y a un énorme trou dans la demande. »
Une volonté de réformer
La source interne citée par le Quotidien du Peuple est conscient de cela, tout comme le régime chinois. C’est pourquoi ils se sont engagés sur la voie des réformes pour « rééquilibrer » l’économie – passer de l’investissement et la production à la consommation et les services.
Cependant, les réformes proposées ne sont pas suffisantes et l’économie a besoin de mesures beaucoup plus importantes pour pouvoir relever la tête.
Photo : Consommation en Chine (% du PIB)
« Sans programme de transfert des richesses de l’État vers le secteur domestique, la Chine ne pourra en aucun cas maintenir des taux de croissance même à moitié de leurs niveaux actuels », a écrit Michael Pettis.
On ne peut pas dire que la Chine n’a rien fait. Elle a introduit des projets de réformes allant de la libéralisation des taux d’intérêt jusqu’à l’abolition de l’inhumaine politique de l’enfant unique.
Tout cela est bien, mais même un transfert direct des revenus du secteur des entreprises (investissement) vers le secteur domestique (consommation), proposé par Michael Pettis, comporte ses propres risques. « Comme la rentabilité des entreprises est en baisse, les investissements pourraient spontanément chuter (ce qui est bien), mais l’économie globale et les revenus seraient aussi beaucoup plus faibles (ce qui est mauvais) », a expliqué Viktor Shvets.
Qu’en est-il du passage de la production aux services ? Justin Lin, autrefois premier économiste de la Banque mondiale, constate : « La Chine se dirige vers une économie de services, la baisse de la production sera absorbée par la croissance dans les services. »
Cela ne suffit pas, selon Victor Shvets, car la croissance dans les services n’a pas les mêmes répercussions positives pour l’économie comme la croissance dans le secteur industriel. En outre, les services ne développent pas aussi rapidement la productivité, conduisant à la réduction de la croissance à court terme. « Le résultat (net) serait négatif à court terme, même si cela promet d’importants avantages à long terme. »
Photo : Les taux de croissance des secteurs tertiaires en Chine (%)
Les réformes nécessaires en Chine :
- Réforme agraire,
- Réforme des assurances, des pensions et de services de santé,
- Abolition des entreprises et oligopoles d’État,
- Amélioration des programmes d’éducation et de formation professionnelle,
- Réforme fiscale des autorités locales.
Le problème est que la plupart de ces réformes ne correspondent pas aux intérêts de l’élite du Parti communiste. « Tout progrès important représente de gros problèmes et est perçu comme potentiellement contre-productif pour l’élite au pouvoir », a confié Victor Shvets. D’un autre côté, des millions de personnes vont perdre leur emploi au cours de l’effondrement de l’ancien modèle d’investissement avant qu’il ne soit remplacé par un nouveau modèle de consommation.
En tenant compte de ces circonstances, la source interne anonyme du Quotidien du Peuple est relativement plus optimiste : « Les problèmes ne peuvent pas être totalement évités, mais cela vaut le coup. Correctement menées, les réformes ne créeront pas de problèmes à long terme dans la société. » Si elles sont correctement menées…
Version anglaise : For China’s Economy It’s Reform or Bust
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