Après plusieurs nuits de violences contre la vie chère à Fort-de-France et au lendemain de l’entrée en vigueur d’un couvre-feu, la tension reste vive dans le quartier de Sainte-Thérèse, où les riverains soutiennent le mouvement malgré leurs inquiétudes.
Sous un soleil de plomb, une femme et son fils marchent sur le trottoir de l’avenue Maurice-Bishop. L’ombre est rare le long de cette artère importante de Fort-de-France, chef-lieu de la Martinique, qui traverse le quartier populaire de Sainte-Thérèse sur plus d’un kilomètre.
« Je rentre chez moi : j’ai récupéré mon fils qui est scolarisé au centre-ville », souffle Sabrina, 48 ans. « Faute de transport, on est contraint de le faire à pied », poursuit la mère de famille qui doit désormais marcher 30 minutes matin et soir entre leur domicile et le collège.
Conséquence des nuits d’émeutes qui ont secoué le quartier en marge du mouvement de protestation contre la vie chère entamé le 1er septembre, cet axe routier crucial, qui mène vers l’autoroute et l’aéroport, est encombré d’amas de détritus, de palettes, voire de carcasses de véhicules calcinés. Une dizaine de lampadaires ont été sciés et disposés en travers de la chaussée.
Ces obstacles, installés par les émeutiers, ont fini par bloquer les transports en commun, qui ne circulent plus depuis lundi sur cette avenue. Les barrages étaient encore en place jeudi, obligeant les automobilistes les plus téméraires à effectuer de dangereuses manœuvres.
« Je me suis levée à 4h45 ce matin pour aller au travail à pied », grommelle Valérie, assistante d’éducation de 42 ans. Souffrant du genou, il lui faut plus d’une heure de marche pour regagner son appartement depuis l’école primaire où elle travaille, à Dillon, quartier voisin de Sainte-Thérèse et également défavorisé. « C’est la désolation », se désespère-t-elle devant un arrêt de bus vandalisé.
Une mesure mise en place jusqu’au 23 septembre
En réponse à ces débordements, le préfet de la Martinique a instauré mercredi un couvre-feu entre 21h00 et 5h00 le long de cette avenue, ainsi que dans la zone portuaire et plusieurs quartiers voisins, à Fort-de-France et dans la commune limitrophe du Lamentin. Une mesure mise en place « pour une durée limitée renouvelable » jusqu’au 23 septembre, a indiqué la préfecture dans un communiqué.
La première nuit du couvre-feu a été agitée, contraignant les forces de l’ordre à « intervenir à de multiples reprises pour mettre en fuite des individus ayant tenté de piller, vandaliser ou incendier sept commerces », ont précisé les services de l’État jeudi matin. En fin d’après-midi, des fourgons de police s’installaient le long de l’avenue Maurice-Bishop, sous le regard nonchalant d’un groupe de jeunes hommes agglutinés autour d’une buvette.
« Un prétexte pour asseoir leur violence »
Les riverains et les commerçants du quartier demeurent inquiets. « Depuis lundi, je travaille avec le rideau baissé », chuchote Max, gérant d’un magasin de motos situé sur une rue adjacente. Par crainte des pillages, le chef d’entreprise a fermé son atelier. « J’ai mis mon salarié mécanicien en arrêt », raconte ce quinquagénaire qui, comme la plupart des riverains, soutient néanmoins le mouvement contre la vie chère. « C’est un combat légitime », estime-t-il.
Dans un petit établissement de restauration rapide, près d’un carrefour habituellement très fréquenté, les employés sont désœuvrés. « Il n’y a pratiquement pas de clients », soupire Jenny Dorival, la cheffe d’équipe, qui affirme que le chiffre d’affaires de la journée n’atteint « même pas 200 euros ».
En temps normal, le local est ouvert jusqu’à 23h00, mais les horaires sont devenus aléatoires. Mardi, le fast-food a dû fermer « en panique à 14h00 », raconte la superviseure. Non loin de là, le McDonald’s du quartier Dillon a été incendié la nuit suivante. « Ce sont un peu nos collègues », se désole Mme Dorival. « On se dit que ça pourrait nous arriver. »
Pour les émeutiers, « la vie chère est un prétexte pour asseoir leur violence », déplore le sociologue et essayiste Moïse Udino. « Sainte-Thérèse a toujours été un lieu où, dès lors qu’il y a des manifestations de ce type, ça s’embrase », rappelle ce responsable associatif, qui habite à Dillon. Mettant en cause une pauvreté et un chômage « structurels » en Martinique et « un manque de perspectives », il préconise de « repenser la société martiniquaise » et de créer « un réel espoir » pour la population.
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