Éléna et Lucie sont deux habitantes du « Caillou ». Elles livrent à Epoch Times leur ressenti des événements qui ont vivement secoué la Nouvelle-Calédonie depuis quelques semaines.
Le 13 mai dernier, des tensions se déclarent sur ce COM (Collectivité d’Outre-mer) de l’océan Pacifique, les flammes embrasant certains sites bloqués par des manifestants cagoulés. Des affrontements vont suivre avec les forces de l’ordre qui tentent de débloquer les barrages érigés en de nombreux points stratégiques.
Ces groupuscules issus de mouvements indépendantistes kanaks réclament le retrait de la révision constitutionnelle qui élargirait le corps électoral, permettant aux citoyens français non-Calédoniens résidant sur l’archipel depuis dix ans au moins, d’accéder aux votes provinciaux. En effet, depuis 1998, le corps électoral se trouve ainsi gelé, privant un habitant sur cinq du droit de vote.
Les émeutes qui vont suivre dans les semaines suivantes vont prendre la population calédonienne en otage, sommée de rester cloitrée chez elle, avec l’impossibilité de travailler, d’aller à l’école et même de se soigner.
Près de 700 entreprises vont subir incendies, pillages ou dégradations, 19 écoles seront incendiées et on déplore surtout le décès de dix personnes lors de ces heurts violents.
Sa famille et elle estiment « ne pas être légitimes pour ce droit de vote » et d’ailleurs, « n’en éprouvent pas le besoin ».
Originaire de Seine-et-Marne, Éléna est arrivée il y a vingt ans en Nouvelle-Calédonie. Elle y a rencontré son mari, Franco-Libanais, et ils ont eu une fille. Éléna est massothérapeute et a tout de suite aimé ce « caillou ». « On vit simplement, au rythme des éléments, et on peut encore avoir ce luxe d’être seul sur sa plage ou sa rivière… ou en randonnée… »
Pour Éléna, le Caillou rassemble « beaucoup de mes idéaux de vie réunis sur un minuscule bout de terre où le champs des possibles pour un avenir meilleur est à portée de main. J’ai littéralement eu le coup de cœur pour cette île qui n’a pas oublié le monde invisible, qui sait vivre avec la nature et à son rythme, et qui a une diversification de faune, flore et culturelle juste incroyable ! L’un des rares pays où je me suis tout de suite sentie bien et en sécurité, et pour rien au monde je n’envisagerai de la quitter : ici, on a absolument tout pour être heureux ! »
Si elle admet que son mari, ses parents, venus ensuite s’installer sur l’île auprès d’elle, et elle-même vivent depuis longtemps sur ce bout de France du Pacifique, elle précise qu’elle a décidé de s’y installer « en toute connaissance de cause ». Connaissant l’histoire du pays, sa famille et elle estiment « ne pas être légitimes pour ce droit de vote » et d’ailleurs, ils « n’en éprouvent pas le besoin ».
En revanche, sa fille, née sur le territoire calédonien, devrait pouvoir acquérir ce droit au vote. « La question ne devrait pas se poser. Idem pour tous les enfants du pays nés après 1998, ou ceux qui sont partis faire des études plus de deux ans après cette date, à qui le droit de vote a été supprimé… »
Selon la soignante, « cette réforme électorale était, d’entrée de jeux, source de conflits et d’incompréhensions, et c’était de la pure folie que de vouloir la faire passer, qui plus est, en force, vu le contexte actuel ».
« Le dégel du corps électoral est un vaste sujet propice aux incompréhensions et interprétations… cela ne se prend pas à la légère », estime la quadragénaire.
Lucie est arrivée en Nouvelle-Calédonie alors qu’elle était encore adolescente. Originaire de Madagascar, cette jeune trentenaire a fait ses études en métropole avant de revenir s’installer sur le Caillou. Elle y travaille depuis sept ans et va bientôt convoler avec un Caldoche, nom donné aux Européens français installés depuis la colonisation de la Nouvelle-Calédonie.
Tout comme Éléna, Lucie ne comprend pas la décision du « dégel électoral » souhaité par le gouvernement. Elle qualifie cette réforme d’ « inutile, hors sujet et dangereuse ».
« Nous avions d’autres problèmes mille fois plus importants à régler ! » déplore la jeune femme qui souhaitait investir en Nouvelle-Calédonie. « Les provinces sont des gouffres financiers qui n’ont plus lieu d’être et que l’on en soit venu à ça pour des provinciales est aberrant ». Depuis les émeutes, avec son futur mari, Lucie hésite à poursuivre ses investissements.
« Nous avions un sac à dos préparé dès les premières semaines, avec le strict minimum »
Les deux femmes ont été toutes deux profondément marquées par ces semaines de tensions et de violences. Elles déplorent ainsi les communiqués nationaux qui ont, dans un premier temps, sous-estimé la violence et la gravité des faits.
« Durant les premières semaines, mes proches en France me posaient des questions sur « les ‘petites’ manifestations qui se passaient en Nouvelle-Calédonie » alors que chaque soir, des infrastructures brûlaient, les quartiers s’organisaient pour se défendre, personne ne dormait, tout le monde avait peur… », relate Lucie.
Éléna confie avoir « eu vraiment peur pour notre sécurité et notre avenir commun. La violence était telle, le mode opératoire était digne d’actes de terrorisme… On était tous abasourdis.. sous onde de choc ! On avait du mal à s’endormir car les tirs d’armes étaient omniprésents, nos hommes, pour la plupart, sur nos barrages citoyens de quartiers… Bien que je m’y refusais, en vue de la montée de violence à nos portes, nous avions un sac à dos préparé dès les premières semaines, avec le strict minimum, s’il fallait fuir notre maison en pleine nuit ou en journée, idem pour nos animaux. Beaucoup d’insomnies, ou de nuits écourtées, dans un premier temps… »
Outre la violence, l’approvisionnement en nourriture et en carburant est devenu aussi problématique. « Nous avons été rationnés en termes de nourriture et nous le sommes encore pour le riz, le sucre, les pâtes, la farine… Faire ses courses relève encore du parcours du combattant. Le gaz et l’essence ont cruellement manqué, les 11.000 personnes du Mont-Dore Sud ont connu un véritable cauchemar et subissent encore des violences, des rackets… Certaines familles ont été en grande précarité et manquent d’approvisionnement car les barges maritimes mises en place pour les aider ont leur limites. Nous ne devons notre sécurité qu’à la solidarité citoyenne via nos barrages de fortune mis en place pour sécuriser nos quartiers, nos habitations, et à cette lumineuse solidarité inter ethnies qui nous tient debout. »
« Les policiers nous remerciaient de notre organisation sur nos barrages »
Tant Lucie qu’Éléna estiment en effet que les forces de l’ordre n’ont pas pu gérer ces violences, du moins pendant les premières semaines.
« Le premier mois et demi, les policiers nous remerciaient de notre organisation sur nos barrages, et nous demandaient de les maintenir coûte que coûte car désabusés, ils avouaient qu’ils étaient tous dépassés par la situation, explique Éléna. De nombreux citoyens en situation de réel danger les premières semaines, ont essayé de contacter la police ou la gendarmerie, en vain, ou on leur répondait avant de leur raccrocher au nez : « Nous sommes débordés : Bon courage ». »
Côté émeutiers, Éléna déclare que la plupart étaient issus de « la jeunesse kanake principalement originaire des îles Loyautés », ont été « manipulés, endoctrinés et utilisés comme chair à canon par les dirigeants de la CCAT (Cellule de Coordination des Actions de Terrain) et d’autres extrémistes radicaux terroristes indépendantistes, lesquels n’ont aucun scrupule à les droguer. »
La soignante confie en effet que des substances ont été retrouvées dans les analyses de sang de certains jeunes blessés à gravement blessés au Médipole (ndlr. Centre hospitalier territorial), tels que l’ice (famille d’amphétamine), le Datura, l’alcool, le cannabis… « Certains de ces jeunes (des ados aux jeunes adultes) ont témoigné auprès d’infirmières qu’on leur donnait un cachet blanc et à boire de l’alcool dans un pick-up avant de les envoyer en mission destruction en ciblant en amont le plan d’attaque. »
Éléna révèle également que les infirmières en question subissent de leur hiérarchie « une pression monstre pour qu’elles se taisent et ne divulguent aucune information ».
Très remontée contre ce qu’elle estime être de la manipulation, Éléna énumère : « Que dire de ces jeunes isolés, retrouvés complètement perdus dans la mangrove de Nakutakoin (Païta), passant de crises d’hallucination massives à des crises d’hystérie, ne sachant plus décliner leur propre identité ? Et que dire de ces jeunes, brûlés au 3e degré ou estropiés par des explosions de voitures en feu ou d’envoi de cocktails Molotov qui ont mal tourné… mais qui déambulent en mode guerrier, voulant retourner sur le front et refusant des soins ? »
Pour la masso-thérapeute, les autorités avaient déjà vent des émeutes futures : « De sources sûres et vérifiées, les RG (Renseignements Généraux) de notre île auraient averti, et le haut-commissaire de Nouvelle-Calédonie et le gouvernement français, qu’il se préparait un coup d’État et que l’Azerbaïdjan y était mêlé… manifestement cela n’a point retenu leur attention. Lors d’un cocktail privé mondain, le Haut-Commissaire aurait dit à huit clos un mois avant le début desdites émeutes, que cela allait « chauffer » sur le territoire. »
Outre l’Azerbaïdjan, Éléna pointe également l’implication de la Chine, laquelle « s’amuse à piller notre lagon et ceux de nos voisins depuis des années, et gratte à notre porte régulièrement concernant le fameux or vert (nickel) et le tourisme… Elle a repris quasiment tout le contrôle de nos voisins vanuatais depuis leur indépendance peu glorieuse… donc effectivement elle est plutôt à l’affût… »
Du racisme contre « toute personne non kanake ou kanake qui ne contribue pas au mouvement de protestation »
Pendant ces émeutes, si certains ont dénoncé une forme de « racisme anti-Blanc », Lucie et Éléna vont plus loin dans leur discours, étendant ce racisme à tous les non-Kanaks.
« À la résidence où habitent mes parents, des émeutiers passaient et leur disaient « qu’ils allaient tout brûler chez eux les Blancs ». Des gens ont eu leur maison brûlée simplement parce qu’ils sont Blancs (je dirais même « jugés blanc » dans certains cas), déplore Lucie. J’ai personnellement été visée par un individu cagoulé qui m’a fait un signe de décapitation, sabre à la main, alors que ma « couleur » est métissée. Plus généralement, le racisme exprimé par les émeutiers relève de la xénophobie envers toute personne non kanake ou kanake qui ne contribue pas au mouvement de protestation. »
Selon Éléna, « il n’y a pas plus d’attaques verbales ou physiques anti-calédoniennes ou anti-françaises, qu’anti-mélanésiennes ou anti-kanakes… Contrairement à ce que certains politiques extrémistes loyalistes colportent… C’est d’une tristesse et cupidité absolue que de vouloir diviser le peuple qui souffre déjà assez. »
La quadragénaire conclut ainsi, optimiste, car, au-delà des violences et menaces perpétrées ces dernière semaines, la masso-thérapeute déclare « rester concentrée sur toutes les belles choses humaines qui émanent depuis le début de ce chaos, sur notre Caillou. Le peuple en ressort plus uni que jamais, et plus fort, majoritairement… La solidarité fait chaud au cœur et même en période de crise sanitaire, on n’avait jamais vu cela… Pour ma part, c’est un bel indicateur d’espoir. Le destin commun a toujours existé ici, ce n’est pas une légende… il se renforce, malgré tout ce qu’on voudrait nous faire croire. »
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