« Le roi libre ». Comme le titre de la biographie d’Henri IV dont il est l’auteur, François Bayrou premier allié d’Emmanuel Macron s’est affranchi du président dès sa nomination à Matignon, non sans générer des tensions qui suscitent des interrogations sur l’avenir du couple exécutif.
Quand Emmanuel Macron a conclu la réunion de crise sur Mayotte lundi soir, l’image du Premier ministre, qui avait choisi de la suivre à distance depuis sa ville de Pau, a disparu de l’écran, selon plusieurs sources. Et pendant que François Bayrou subissait des critiques de tous bords pour avoir choisi d’aller à Pau plutôt que de se rendre dans l’archipel dévasté par un cyclone, Emmanuel Macron, avec qui les relations se sont rafraîchies depuis qu’il s’est résolu à nommer ce Premier ministre très indépendant, faisait savoir qu’il s’y rendrait « jeudi ».
« On n’a pas le droit de séparer la province et le cercle des pouvoirs à Paris », s’est défendu François Bayrou, même si son entourage reconnaît a posteriori qu’il n’aurait pas dû effectuer ce déplacement dans sa ville des Pyrénées-Atlantiques.
En contre-feu à la polémique, le Premier ministre multiplie les signes d’avancées sur la formation du gouvernement qui sera annoncé « cette semaine ». « Mais il faut que le président soit là », ajoute-t-il, au sujet de l’emploi du temps très chargé d’Emmanuel Macron. Des propos que l’entourage du chef de l’État semble peu goûter, en l’incitant à commencer à faire des propositions. Une source ministérielle y voit des conseillers de l’Élysée désœuvrés qui « décryptent le moindre battement de cil pour dire ‘‘ils sont en train de prendre la place’’ » d’Emmanuel Macron. « C’est un truc de microcosme ».
Un mauvais départ pour le Premier ministre
François Bayrou n’était pas le premier choix d’Emmanuel Macron pour Matignon, et leur entretien fut houleux, l’allié de la première heure menaçant de rompre leur compagnonnage. Jean-Yves Le Drian avait alors rapporté avoir décliné la proposition d’Emmanuel Macron d’occuper le poste de Premier ministre. « On me l’a proposé. Mais j’ai refusé. Dans deux ans et demi, j’aurai 80 ans, ce ne serait pas sérieux », avait-il jugé.
Une fois rue de Varenne, le Premier ministre ne suit pas non plus la méthode engagée par le chef de l’État. Il reçoit en premier Marine Le Pen, leader du Rassemblement national, qu’Emmanuel Macron avait pourtant écartée de ses discussions avec les partis politiques pour former un gouvernement durable.
À Matignon, on récuse toute tension avec le président. Il y a une « surinterprétation » de leur relation, qui est « super fluide », assure-t-on. François Bayrou ne s’est-il pas rallié en 2017 à son concurrent qui partageait la même vision politique « et de droite, et de gauche » ?
Entre Emmanuel Macron et François Bayrou, l’historien politique Jean Garrigues décèle surtout un « choc de personnalités » en même temps que « deux visions de la société », qui sont « contraintes de collaborer compte tenu du contexte » budgétaire et politique.
Emmanuel Macron « c’est la vision d’un libéral mondialiste » avec des accents « bonapartistes » qui privilégie le « fait majoritaire et le rapport de force », quand François Bayrou, un chrétien-démocrate « social et plus décentralisateur » promeut la « convergence » et le « compromis », explique-t-il.
Aller à Pau défendre le cumul des mandats, « ça correspond assez bien au style (de Bayrou) qui est en fait de dire ‘‘je vous emmerde’’ », abonde un conseiller ministériel. Au risque que ces tensions se muent en émancipation précoce ?
Pour l’ancien président socialiste François Hollande, le pouvoir exécutif est désormais « à Matignon » et donc « à l’Assemblée nationale », avec un président « dans une position de faiblesse » et un locataire à Matignon qui « s’impose à lui pour sa nomination ». Le Premier ministre a d’ailleurs exhorté les députés mardi à la « co-responsabilité » pour redresser les finances publiques. Mais « ça durera le temps de cette situation », prédit l’ancien chef de l’État. « Dès 2027, il y aura sûrement une autre étape ».
Emmanuel Macron, « c’est fini ou presque »
La relation entre les deux hommes déterminera l’avenir du gouvernement Bayrou, renchérit Marine Le Pen, qui se prépare à une « présidentielle anticipée » considérant qu’Emmanuel Macron « c’est fini ou presque ». Elle voit dans ces tensions « un couple qui a commencé par une scène de ménage » et s’interroge sur la nature de leur relation : « une cohabitation qui ne dit pas son nom ? Une collusion ? ».
La polémique autour de Mayotte a accéléré les choses, « on a un président qui a joué pendant sept ans au Premier ministre. Et on a un Premier ministre qui va jouer au président », estime un député MoDem. Alors que droite et gauche faisaient mercredi monter les enchères, un fidèle du président sentait même François Bayrou « capable de constater en janvier/février qu’il n’y arrive pas » et demander de revenir aux urnes.
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